C’EST UN VIEUX ROUTIER des discussions conventionnelles, instruit par un quart de siècle de syndicalisme médical, qui se plaît à imaginer la tournure des négociations dans les prochaines semaines. «Il y aura des déclarations tonitruantes, sans doute un scénario de crise ou de psychodrame, peut-être même des claquements de porte, bref pas mal de cinéma, raconte le Dr Dino Cabrera, président du SML, qui sera un des acteurs du bras de fer tarifaire qui va s’ouvrir. Tout cela est une stupidité typiquement française mais ça fait partie de notre boulot pour faire avancer les choses.»
Le « boulot » a commencé par une série de discussions dites bilatérales au cours desquelles la Cnam a entendu l’ensemble des syndicats de médecins libéraux. Cette phase préparatoire, qui se termine aujourd’hui, a permis à la caisse de «prendre le contact» sans exclusive puisque les opposants à la convention (MG-France, FMF, Espace Généraliste et l’Union collégiale-Uccmsf), désormais réunis en «Intersyndicale majoritaire», ont également été consultés hier, certes sans illusions (voir ci-contre).
Trois dossiers.
Officiellement, la caisse n’avait mis que trois dossiers à l’ordre du jour de ces échanges (convergence médecin traitant/référent, démographie médicale et secteur optionnel) ; même si, selon plusieurs participants, les discussions ont parfois «débordé». Pour régler le sort des médecins référents, les partenaires ont réfléchi, selon nos informations, à une rémunération lissée sur trois ans qui compenserait la perte financière causée par la mise en place du médecin traitant. La Cnam serait également favorable au maintien du tiers payant. En revanche, la création d’une nouvelle option (sous forme de contrat individuel de santé publique) est loin de faire l’unanimité.
« Picsou » et les médecins.
Sur la démographie, il subsiste un désaccord de fond entre les syndicats et la caisse. Le directeur propose certes des mesures incitatives pour les généralistes qui accepteraient de s’installer dans les zones sous-médicalisées. Mais, en contrepartie, il veut pénaliser les médecins qui s’installeraient dans des zones «très surdotées» par une baisse de 20 % de la participation à leurs cotisations sociales. Ce qui fait bondir la profession. Un scénario intermédiaire est à l’étude : il consisterait à mettre en place dans un premier temps les mesures incitatives, de vérifier leur impact pendant trois à cinq ans avant d’appliquer si besoin des mesures coercitives.
Quant au secteur optionnel, une réunion (associant également les complémentaires) a été programmée pour le 10 janvier.
Quoi qu’il en soit, ce qui s’est dit jusqu’à présent serait de l’ordre des préliminaires. C’est du moins le message relayé par les partisans de la convention : ils expliquent en substance que «les choses sérieuses» commenceront lors de la séance du 21 décembre entre l’assurance-maladie et les seuls syndicats signataires (Csmf, SML et Alliance). Une façon de souligner que, si la Cnam consulte tout le monde, les négociations se cristallisent avec ceux qui sont «à l’intérieur» de la convention et non pas «en dehors».
La caisse devra notamment présenter aux syndicats signataires les prévisions actualisées des économies réalisées en 2006 grâce à la maîtrise médicalisée (environ 800 millions d’euros), mais aussi la «dynamique en cours» des dépenses. C’est ce «bilan conventionnel» qui doit préciser les marges financières pour 2007, préalable indispensable à la négociation tarifaire.
Les syndicats sont conscients de l’ampleur de la tâche.
Le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, affirme déjà que la grand-messe du 21 décembre préfigure une série d’autres rendez-vous. «On est en pleine mer, encore loin du port, explique le président de la Conf. C’est parti pour durer avec un directeur qui joue à l’oncle Picsou. Nous verrons ce que l’Ondam [Objectif national de dépenses d’assurance-maladie] de 1,1% pour les soins de ville permettra de dégager sur les honoraires mais les médecins doivent en ramasser les deux tiers» (d’autres professions, comme les infirmières, veulent leur part du gâteau). Dino Cabrera (SML) confirme. «Les choses se passeront en janvier, nous sommes face à un grand argentier qui freine des quatre fers.»
Le calendrier de la hausse du C (et par ricochet du C2) sera sans surprise le noyau dur de ce round conventionnel. La Csmf comme le SML réclament le C à 23 euros au plus tard en novembre 2007 lorsque sortiront les premiers spécialistes diplômés de médecine générale ; avec une première étape à 22 euros «en tout début d’année» pour la Csmf, «avant la fin de février» pour le SML. La caisse, de son côté, risque de jouer la montre pour ne pas s’exposer à un dérapage du budget des soins de ville. Quant au gouvernement, qui arbitrera in fine, il sera sans doute attentif à ce que la revalorisation du C ne soit pas perçue comme un «cadeau» aux médecins juste avant les élections.
D’autant que beaucoup d’autres revendications sont avancées par les syndicats : deuxième tranche de revalorisation de la Ccam technique ; compensations ciblées pour plusieurs spécialités (psychiatrie, anatomo-cyto-pathologie, pédiatrie, gynécologie médicale) ; rémunération de la permanence des soins pour les spécialités dont les astreintes ne sont pas honorées en Upatou ; ou encore élargissement de l’utilisation du « C2 » (avis d’expert).
Troisième signataire, le «petit syndicat» Alliance (que plusieurs élus « Union collégiale » s’apprêtent à réintégrer après avoir constaté l’ «impasse» de l’opposition frontale à la convention) annonce lui aussi la couleur. «Nous allons expliquer que les économies sont au rendez-vous grâce aux médecins, explique le président Félix Benouaich. 2007 est sans doute l’année des médecins généralistes mais il n’est pas question de laisser les spécialistes sur le carreau. » La Cnam est prévenue : à la veille des échéances électorales, tout le monde veut être servi.
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