L'AMBIANCE est plutôt studieuse. La séance publique organisée à l'Assemblée nationale par Marie-Christine Blandin, sénatrice (Nord) rattachée au groupe socialiste, et Jean-Pierre Door, député UMP (Loiret), doit mettre un point final à la série d'auditions et de visites de sites entreprise par les deux membres de l'Opecst (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques) à la demande de la commission des Affaires culturelles, sociales et familiales de l'Assemblée nationale. Le but du rapport, qui devrait être présenté le 10 mai devant l'Office parlementaire, est « d'évaluer l'importance et la nature du risque épidémique sur notre territoire ainsi que la qualité des outils dont notre pays est doté », déclare en préambule Jean-Pierre Door. Il s'agit de donner aux parlementaires « les moyens nécessaires pour une application intelligente du principe de précaution », poursuit-il. Parmi les personnalités présentes au cours de la matinée, on note la forte représentation des pouvoirs publics avec la présence du ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, du directeur général de l'Institut de veille sanitaire (InVS), Gilles Brücker. Le Pr William Dab, qui va quitter la Direction générale de la Santé, s'est fait remplacer par le Dr Yves Coquin.
Présentant l'action gouvernementale contre le risque épidémique, le ministre de la Santé précise qu'il s'agit là du « risque certainement le plus dangereux. De plus, il est permanent. Or nous avons tendance dans nos sociétés modernes occidentales à l'oublier ». L'épidémie de sras a, selon lui, eu le mérite de le rappeler, tout comme les craintes que fait planer l'épizootie de grippe aviaire.
Une culture de la prévention et du risque.
Le ministre souhaite le développement d'une culture de la prévention et du risque infectieux à travers l'éducation et l'information et la transparence. L'Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) développe actuellement un programme d'éducation sur le risque infectieux. Il faut rappeler aux professionnels de santé et à l'opinion publique que « le risque zéro n'existe pas et qu'il ne peut y avoir de sécurité sanitaire absolue. Nous devons inculquer progressivement à nos concitoyens que toute arme, qu'elle soit vaccinale ou thérapeutique, comporte des bénéfices mais aussi des risques. Rappeler que les mesures de prévention simples et de bon sens comme les mesures d'hygiène et de protection des personnes sont souvent des mesures les plus efficaces ».
Des chercheurs, des spécialistes des questions de sécurité et de la santé animale sont aussi présents. Le Pr Philippe Vannier, directeur de la santé animale à l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), a souligné l'importance d'une surveillance des zoonoses. Il note que les facteurs qui expliquent l'émergence ou la réémergence des agents infectieux sont liés aux modes de vie modernes. Le réchauffement de la planète, par exemple, « qui a un impact sur la remontée vers le nord de certains vecteurs comme celui du virus West Nile » ou encore le développement des petits élevages en plein air qui facilitent le contact entre animaux sauvages et animaux domestiques. Le Pr Philippe Kourilsky, directeur général de l'Institut Pasteur, précise que le risque épidémique n'est pas seulement infectieux, même si l'office a choisi de circonscrire le rapport à ce risque là. Selon lui, il faut faire très attention à ne « pas confondre prévention et précaution » et développer une « éthique de l'urgence », avec la possibilité d'accélérer les procédures administratives en cas de nécessité. C'est aussi l'avis de Denis Hoch, président de Sanofi Pasteur (MSD), qui dénonce une certaine lourdeur des procédures. Car « l'industrie du vaccin se caractérise par des cycles longs en matière de recherche et développement, mais aussi pour la production. Nous avons peu de flexibilité, et il faut neuf à dix mois pour produire un vaccin. L'anticipation est essentielle », explique-t-il. Dans le cas de la grippe aviaire, « nous tentons de mettre au point un prototype de vaccin prépandémique, afin d'être prêt le jour où surviendra la pandémie », poursuit-il. Pour cela, insiste-t-il, « nous avons besoin du soutien de la collectivité sous forme d'appel d'offre, par exemple ». De même, certains règlements peuvent freiner le processus, comme celui sur les OGM, car la mise au point du vaccin nécessite l'utilisation de virus génétiquement modifié.
Deux millions de vaccins.
A ce propos, Philippe Douste-Blazy a annoncé la publication par le DGS, à sa demande, « d'un appel pour la participation au développement et l'achat de 2 millions de vaccins contre la grippe aviaire H5-N1 et pour l'achat conditionnel de plus de 20 millions de doses du vaccin correspondant à une éventuelle souche pandémique qui sera fabriquée et livrée dès que la pandémie se déclare ». Pour contrer le bioterrorisme, des stocks ont également été faits. Jean-Étienne Touzé, du Service de santé des armées, affirme d'ailleurs que la France est bien préparée face aux menaces classiques comme la variole, le charbon, la peste ou la toxine botulique. Mais « il faut préparer l'avenir et améliorer notre réactivité. Les virus de demain ne seront pas ceux d'aujourd'hui », souligne-t-il.
Au cours de la matinée ont également été évoqués les risques liés aux maladies telle la légionellose (Pr Jérôme Étienne). A propos de la grippe aviaire, le Dr Jean-Claude Manuguerra (Institut Pasteur) a précisé que « l'épidémie n'a pas commencé chez l'homme. Nous en sommes au stade de l'épizootie ». Mais une grande vigilance s'impose car, réaffirme Guénaël Rodier, de l'Organisation mondiale de la santé, « nous n'avons jamais été si proche d'une épidémie ». Un point a également été fait sur l'épidémie du sida par le Pr Michel Kazatchkine. Tandis que le rôle des médecins libéraux et des médecins scolaires dans la surveillance et l'alerte a été souligné.
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