POUR TESTER l'efficacité du dépistage du cancer pulmonaire par scanner, Peter Bach et coll. ont fait appel à une méthode qui utilise la comparaison des cas observés avec les estimations attendues. Approche qui a fait ses preuves pour évaluer le dépistage des cancers du col de l'utérus et du côlon.
Les chercheurs ont réalisé une analyse longitudinale de 3 246 fumeurs (actuels ou anciens) asymptomatiques, qui ont subi un scanner thoracique dans trois centres hospitalo-universitaires (Etats-Unis et Italie). Le suivi a duré en moyenne 3,9 ans. Ont été pris en compte les nouveaux diagnostics de cancer du poumon, les résections pulmonaires, les cas de cancer avancé et les décès dus à ce cancer. Et l'on a comparé les nombres observés avec ce qui était prédit selon des modèles validés d'estimation des risques, modèles qui intègrent plusieurs paramètres influents (nombre d'années de tabagisme, quantité fumée, âge, antécédents familiaux et personnels, etc.).
Dans l'étude de Peter Bach et coll., il y eut 144 nouveaux diagnostics ( versus 44,5 prédits) et 109 individus ont subi une résection pulmonaire (contre 10,9 prédits). On ne constate pas de diminution du nombre de diagnostics de cancers avancés (42 versus 33,4 prédits), ni de décès par cancer du poumon (38 décès observés versus 38,8 attendus).
«Quand les individus ont un dépistage du cancer pulmonaire par scanner, la probabilité de faire le diagnostic est multipliée par 3 et la probabilité qu'ils subissent une résection thoracique pour ce cancer est multipliée par 10», indiquent les auteurs.
Résultats intrigants.
Les auteurs constatent que ce résultat ne s'écarte pas de celui enregistré pour le dépistage du cancer pulmonaire par radiographie thoracique «qui a révélé deux résultats intrigants». Avec la radiographie comme avec le scanner, le dépistage augmente le taux de détection des petits cancers résécables et, de ce fait, la fréquence de la chirurgie pulmonaire. Mais le dépistage ne réduit pas le risque de diagnostic de cancers avancés, ni le nombre des décès dus à ce cancer.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces observations. On peut supposer qu'un certain nombre des cancers de petite taille qui ont été objectivés au scanner n'auraient pas connu une progression rapide jusqu'au point de devenir détectables cliniquement. Il peut s'agir de cancers peu progressifs ou bien plus probablement de complications ou de pathologies associées qui devancent en rapidité le cancer (par exemple, le patient décède d'une embolie par trouble de la crase sanguine…).
Les cancers avancés sont en règle générale symptomatiques et rarement silencieux. Il n'est donc pas très étonnant que le dépistage, dont l'objet est de découvrir une maladie avant qu'elle ne se manifeste, n'augmente pas significativement le nombre des cas avancés.
La multiplication par dix du nombre des interventions chirurgicales sans réduction finale du nombre des décès laisse à réfléchir. «Si la majorité des cas en excès de cancers précoces ont une probabilité faible d'évolution rapide, les ablations chirurgicales sont probablement insuffisamment bénéfiques pour justifier la morbidité qui leur est associée.» Des études ont montré que l'évolution de cette chirurgie est bonne dans de nombreux cas, mais certains cas peuvent connaître des issues péjoratives (taux de mortalité après ablation d'une tumeur de 5 % et taux de complications entre 20 et 44 % selon les études menées aux Etats-Unis).
Par ailleurs, pour mieux interpréter les résultats publiés, il faut tenir compte du fait que, dans l'histoire naturelle du cancer pulmonaire qui est en augmentation et suit avec un délai de quinze ans les courbes du tabagisme, le nombre des cas diagnostiqués chaque année actuellement excède le nombre des cas attendus.
Des études sur le dépistage du cancer pulmonaire sont en cours aux Etats-Unis (National Lung Screening Trial) et en Europe. En attendant plus ample informé, le dépistage par scanner ne peut être recommandé.
« Jama », 6 mars 2007, pp. 953-961.
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