L'éclosion d'entités telles la démence fronto-temporale, l'aphasie progressive, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, l'atrophie corticale postérieure ayant conféré à la maladie d'Alzheimer (MA) un aspect plus homogène qu'autrefois, elle est à présent évoquée avec moins de difficultés en pratique quotidienne.
Le diagnostic de maladie d'Alzheimer, qui répond aux items du DSM-IV, repose sur trois critères :
- présence d'un syndrome amnésique d'apparition progressive ;
- existence d'une diminution de l'autonomie lorsque l'intensité de l'affection est sévère ;
- absence de maladie systémique ou cérébrale qui pourrait rendre compte des troubles cognitifs progressifs.
Touchant dans un premier temps l'hippocampe, zone de convergence des informations avant leur mise en mémoire, la maladie d'Alzheimer possède pour particularité de débuter par des troubles de la mémoire, à la différence des autres démences.
A ce stade initial, le piège serait de confondre « déficit de mémoire », évocateur de maladie d'Alzheimer, et « plaintes de mémoire ». Ces dernières sont habituelles chez les sujets âgés de plus de 50 ans et reflètent simplement des troubles de l'attention.
La fixation des informations en mémoire fait appel à deux modules différents et complémentaires : tout d'abord, la phase d'enregistrement des informations, qui dépend de phénomènes attentionnels, et, ensuite, la mise en mémoire à proprement parler. Dans cette seconde étape, le cerveau, après modification des données, crée une trace mnésique à laquelle le sujet pourra accéder ultérieurement.
Ainsi, « ne pas se rappeler » un fait peut provenir soit d'une perturbation des étapes initiales attentionnelles par des facteurs comme le stress, un état dépressif, le vieillissement, soit d'une maladie de l'hippocampe, où l'atteinte du circuit mnésique empêche la mise en mémoire des informations ou leur récupération.
Un outil pour identifier le syndrome amnésique
Les troubles de la mémoire d'un patient suspect de MA peuvent être objectivés par le médecin généraliste par un test d'utilisation rapide, l'« épreuve des cinq mots »*, dont la sensibilité et la spécificité ont récemment été validées dans une étude clinique.
La liste des cinq mots (limonade, sauterelle, passoire, camion, musée) est montrée au patient afin qu'il les lise, puis les produise oralement en réponse à leur catégorie (boisson, insecte...). La première étape consiste à vérifier, par le rappel immédiat, que l'encodage des mots a bien été réalisé.
Après un laps de temps de quelques minutes où l'attention du sujet est détournée, on demande au patient de redonner les mots précédemment lus, pour évaluer ce qu'il a véritablement stocké dans sa mémoire, et auquel il a accès soit spontanément, soit en lui fournissant les catégories sémantiques utilisées pour l'encodage. On peut aussi apprécier la mémoire grâce au MMS (Mini Mental State Examination), test plus spécialisé.
Perte de l'autonomie dans la vie quotidienne
A côté du niveau d'efficience globale et intellectuelle de la démence, classiquement apprécié par le MMS, il faut également évaluer le retentissement de la MA sur l'autonomie par l'échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Living) (voir encadré). Très opérationnelle, elle apprécie l'autonomie réelle du sujet dans les quatre domaines importants de la vie quotidienne suivants :
- la capacité à prendre seul les transports en commun, comme avant ;
- la capacité à téléphoner, comme auparavant ;
- la gestion des comptes du ménage, comme avant ;
- la prise en charge de la gestion des médicaments.
Les questions relatives à l'accomplissement de ces activités, si elles ne peuvent être posées au sujet lui-même, sont adressées à une personne de son entourage.
Handicapé progressivement dans la réalisation de ces tâches, le sujet atteint d'une démence de type MA perd peu à peu ses compétences et développe une dépendance de plus en plus profonde.
Les examens complémentaires utiles
Le diagnostic de maladie d'Alzheimer suppose que l'on ait éliminé les autres causes de troubles cognitifs (essentiellement la démence vasculaire et des maladies générales) par l'examen neurologique - il est normal dans l'Alzheimer - et les examens paracliniques : ionogramme sanguin - essentiellement glycémie et natrémie -, VS, dosage des hormones thyroïdiennes et tomodensitométrie cérébrale à la recherche d'images vasculaires, responsables ou associées aux troubles cognitifs.
Au-delà de ces cinq examens de base (cinq mots, IADL, MMS, dosages biologiques et scanner), on peut rechercher l'existence de troubles du langage par le test de dénomination des divers éléments d'une montre, reflétant le déclin cognitif, prononcé dans les formes plus évoluées, de troubles des praxies (réalisation de gestes comme le salut militaire, se peigner, enfoncer un clou avec un marteau) ou des praxies constructives (dessiner un cube) ; on peut étudier les praxies visuo-spatiales par le test de l'horloge et la fluence verbale.
* De Bruno Dubois.
D'après un entretien avec le Pr Bruno Dubois, service de neurologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).
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