PRIVÉS PAR LA LOI du droit d’opposition majoritaire à la convention, MG-France, la FMF, Espace Généraliste et l’Union collégiale misent désormais sur l’émergence et le succès d’un mouvement national de contestation tarifaire qui obligerait les pouvoirs publics à renégocier. De gré ou de force.
Depuis des semaines, il ne se passe pas un jour sans appel syndical à la mobilisationdes médecins généralistes sous une forme ou sous une autre. Mais pour l’instant, les harangues et les mots d’ordre des opposants ont surgi en ordre dispersé. Ils sont parfois repris à l’échelle d’un secteur, d’un département, au mieux, d’une région.
Lors d’assemblées générales locales, diverses actions ont été mises en avant : appel à la cotation CS à la place de C sur les feuilles de soins (mouvement parti de la Drôme) ; désengagement collectif de la télétransmission (riposte privilégiée en territoire normand) ; refus d’utilisation du bizone pour les ALD ; actions ciblées sur la permanence des soins (retrait de la régulation le samedi après-midi, contestation de la sectorisation) ; sans oublier le soutien aux médecins généralistes menacés ou poursuivis par les caisses (dans le Vaucluse, par exemple). Ce qui s’apparente à une cacophonie contestataire serait le bouillonnement préparatoire à une action plus structurée. «Nous sommes en train de constituer un rapport de force, il faut que le mouvement monte partout dans les régions, ar gumente le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France. A partir du moment où il prendra corps, on lui donnera du sens.»
Coter « comme des spécialistes ».
C’est l’enjeu de la « deuxième phase » du mouvement que les opposants s’apprêtent à lancer dans les prochains jours. Il s’agit cette fois d’organiser la fronde tarifaire à l’échelon national en s’appuyant sur la nouvelle qualification ordinale de «spécialiste en médecine générale».
Le coup est plutôt bien joué. De fait, en appelant ses instances départementales à qualifier «spécialistes en médecine générale» tous les omnipraticiens de France qui en font la demande, et ce avant même que soient connues les conclusions du rapport Lancry sur les répercussions de la reconnaissance de la médecine générale en tant que spécialité, l’Ordre national a ouvert une énorme brèche.
Les opposants font valoir que l’analyse ordinale valide l’application par tous les médecins généralistes de la lettre clé CS (23 euros), mais aussi le recours aux diverses majorations de la nomenclature spécialisée (MCS, MPC…).
Espace Généraliste et la Fédération des médecins de France (FMF) ont laissé entendre qu’une fois obtenue la qualification de spécialiste en médecine générale les omnipraticiens n’auront rien à craindre en utilisant la nomenclature spécialisée. «On va tous coter comme des spécialistes dans pas longtemps», affirme le Dr Claude Bronner, président d’Espace Généraliste.
Pour les opposants, plus rien ne s’opposerait légalement à ce que les spécialistes en médecine générale accèdent aux tarifs spécialisés. «Les pouvoirs publics se sont mis dans une situation intenable, ajoute Claude Bronner. Nous poussons nos pions sans états d’âme.»
Le président d’Espace Généraliste réclame à l’Uncam des négociations avec tous les syndicats de médecins généralistes pour garantir le C à 23 euros avant la fin de l’année ; et dégager «quelques actions pour tenter de modérer les dépenses en 2007».
Pas en reste, le Dr Jean-Paul Hamon, chef de file des généralistes de la FMF, estime que l’initiative de l’Ordre constitue «une formidable chance pour la médecine générale de motiver les jeunes médecins à choisir cette spécialité».
Analyse juridique
MG-France, Espace généraliste, la FMF et l’Uccmsf doivent se retrouver mercredi 28 février pour accorder leurs violons. Ils ont déjà décidé de doter leur Intersyndicale d’une cellule de communication, signe de l’écho médiatique qu’ils entendent donner à la suite de leur mouvement. Les opposants ne désespèrent pas de rallier à leur cause les signataires. «Si la Csmf n’obtient pas leC à 23euros en 2007, elle sera obligée de quitter la convention et de soutenir notre combat», commente le Dr Bronner.
Reste une inconnue : les médecins généralistes (80 % sont installés en secteur I) accepteront-ils d’appliquer la nomenclature spécialisée, et de demander aux patients 23, 26 ou même 28 euros pour une consultation ? «Les médecins vont s’y mettre, assure le Dr Bronner. Ils seraient idiots de ne pas le faire à partir du moment où c’est légal.» Légal ?
La décision de l’Ordre national sur la qualification de spécialiste en médecine générale semble fragile. Le conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam), mais aussi les experts du ministère de la Santé, ont exprimé leur désaccord avec cette analyse juridique. Surtout, la direction de l’assurance-maladie a appelé les généralistes conventionnés à «respecter les tarifs de la convention nationale» (C = 21 euros) , faute de quoi, les praticiens s’exposeront à des sanctions (jusqu’au déconventionnement). Nul doute que le gouvernement devra prendre position si la cotation CS + MCS, voire CS + MPC + MCS venait à gagner du terrain en médecine générale.
Décalage.
Du côté de la Cnam, on affirme que les actions de fronde tarifaire recensées à ce jour sont «très faibles, et même marginales». «C’est trois fois rien», résume-t-on. Ce que confirme le directeur adjoint de la Cpam de la Drôme. «Une quinzaine de médecins cotent CS en facturant au-delà de 21euros, et encore, sur une partie de leur activité.» «Pas d’impact» non plus, toujours selon la Cnam, sur le taux de télétransmission ou sur la gestion du remboursement des ALD. «Nous n’avons pas de raisons d’être inquiets.»
La guérilla tarifaire pourrait néanmoins prospérer à l’approche des échéances électorales, surtout en cas d’échec - ou ressenti comme tel – des négociations conventionnelles, qui reprendront le 2 mars.
Chez les partisans de la convention, on affirme que les opposants misent désormais sur une alternance politique qui leur serait plus favorable.
Au PS, on ne cache pas la volonté de s’appuyer, le moment venu, sur une majorité syndicale plus large. «Il y a aujourd’hui un décalage important entre l’expression majoritaire issue des élections aux unions régionales de médecins libéraux et la représentation conventionnelle», analyse-t-on rue de Solférino. Une façon d’accréditer l’idée que le statu quo n’est pas tenable.
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