LES PREMIERS ÉTATS GÉNÉRAUX de la vue, aujourd'hui à Paris, ne pouvaient rêver meilleure publicité. En évoquant comme «simple piste» un désengagement de l'assurance-maladie sur le poste « optique », qui tomberait dans le giron des complémentaires santé, Roselyne Bachelot a soulevé un concert de protestations (la Mutualité française, le PS, les Verts, Force ouvrière…), mais aussi la vive réprobation des professionnels de la vision.
Le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) n'y va pas par quatre chemins, qui énumère les dangers d'une démédicalisation des actes optiques. «Le déremboursement des lunettes, argumente-t-il, entraînerait des coûts supplémentaires et une triple régression.» Régression «dans la solidarité et dans l'accès aux équipements optiques» (notamment pour les enfants, les adolescents, les bénéficiaires de la CMU), régression «dans les garanties pour l'usager», mais surtout «pour la santé publique».
Le Dr Jean-Luc Seegmuller, président du SNOF, explique que «plus de 500000 Français ignorent leur glaucome et risquent d'évoluer vers la cécité irréversible». Les nouveaux traitements de dégénérescence maculaire liée à l'âge «ne sont efficaces que s'ils sont très précoces». La surveillance de la rétine des diabétiques est «insuffisante» et 20 % des titulaires du permis de conduire seraient en état d'inaptitude visuelle légale. Le message est clair : freiner, d'une manière ou d'une autre, l'accès à l'ophtalmologiste serait une décision «inconséquente».
Départs massifs.
D'autant que la profession affronte d'autres difficultés. Les états généraux mettront l'accent sur le «désastre programmé» de la démographie. Le nombre de nouveaux spécialistes diplômés en ophtalmologie a chuté de 35 % (80 dans les années 90 à une moyenne de 53 ces dernières années) alors que les besoins, notamment liés au vieillissement, augmentent fortement. La question des délais d'attente se pose de façon récurrente dans le Nord, l'Est, la Bretagne ou le Centre (lire ci-dessous). Et les perspectives ne sont guère reluisantes avec des départs programmés massifs (170 par an en moyenne dès 2001, 250 par an après 2014, selon les études du ministère et de la CARMF). Pour le SNOF, l'augmentation des postes d'interne en ophtalmologie est une «mesure d'urgence» pour sauvegarder la qualité des soins oculaires.
Autre préoccupation : la délégation de tâches sous contrôle de l'ophtalmologiste exigerait davantage de moyens humains et financiers. Lors des EGOS, Roselyne Bachelot a affiché sa volonté d'avancer dans le domaine de la coopération interprofessionnelle et du partage des tâches pour les spécialités techniques dont, précisément, l'ophtalmologie. Le SNOF réclame une «première enveloppe de trois millions d'euros aux écoles d'orthoptie» (dont il convient de «structurer» les programmes) .
Le SNOF s'inquiète enfin de «dérives» non sanctionnées(publicité interdite, « adaptation » abusive de prescriptions médicales, rupture de la qualité…) qui dénaturent l'application de certains textes (comme les décrets « opticiens » d'avril 2007 qui allongent à trois ans la durée de validité des ordonnances de verres correcteurs).
Risque de déremboursement, incertitude sur les transferts de tâches, démographie en berne, dérapages : largement de quoi animer ces premiers états généraux.
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