Les ophtalmologistes entendent bien rester vigilants lors de la discussion à l’Assemblée nationale, en principe à partir du 26 janvier, du projet de loi pour la « croissance et l’activité » présenté par Emmanuel Macron, le ministre de l’économie. « Nous avons toujours la crainte que le sujet des optométristes revienne par le biais d’un amendement téléguidé par Bercy. Nous allons donc suivre de très près la discussion parlementaire », indique le Dr Jean-Bernard Rottier, vice-président du syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF).
À l’automne 2014, le SNOF était monté au créneau contre l’avant-projet de loi qui, initialement, prévoyait une reconnaissance de l’optométrie. Le SNOF avait alors organisé un sit-in sous les fenêtres de Marisol Touraine, en dénonçant « l’incohérence » du gouvernement avec cette volonté de confier le « dépistage des maladies oculaires à des opticiens-optométristes sans formation médicale, tout en plaçant ces derniers en position de prescripteurs-vendeurs », à la suite de quoi les trois professions, ophtalmologistes, orthoptiste et opticien avaient été reçues et l’assurance avait été donnée que la santé visuelle restait bien dans le périmètre du ministère de la Santé. « Le plan promu par les professionnels de la santé visuelle pour fluidifier les flux des patients, fondé sur la montée en puissance du modèle de coopération ophtalmologistes-orthoptistes, est confirmé », soulignait alors le syndicat.
Mais le Dr Rottier, qui occupait alors encore la présidence du SNOF, avait dû se mobiliser de nouveau avec la sortie du rapport du député socialiste Richard Ferrand. Ce rapport, commandé par Bercy, suscitait de nouveau la polémique en préconisant de conduire une réflexion sur la reconnaissance du métier d’optométriste. « On s’est d’abord insurgé contre les déclarations de M. Ferrand selon lesquelles ce rapport avait été rédigé à l’issue d’une large concertation. Ce qui était un mensonge pur et simple puisque ni les ophtalmologistes ni les orthoptistes n’avaient été consultés !», explique le Dr Rottier.
Finalement, en dévoilant les grandes lignes de son projet de loi, le 15 octobre, Emmanuel Macron a visiblement tenu compte de cette mobilisation, puisque la reconnaissance du métier d’optométriste ne figurait pas dans le texte. « Mais nous restons vigilants pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les optométristes sont très efficaces pour mener des actions de lobbying au niveau des parlementaires, qu’ils soient français ou européens », indique le Dr Rottier, en faisant notamment référence à l’organisation European Council of Optometry and Optics (ECOO). « Cette organisation internationale a des moyens d’action importants avec notamment un bureau permanent à Bruxelles. Et pour elle, faire sauter le verrou français est un enjeu stratégique important », ajoute le vice-président du SNOF. « Ensuite, dans notre expérience, nous avons souvent constaté que ce sont les parlementaires qui ont dans leur entourage une personne qui a passé son diplôme d’optométriste qui se mobilisent pour les légaliser. On reste donc très prudent sur le débat parlementaire car on a pu mesurer, après avoir été reçus à Bercy, que les préoccupations sanitaires ne sont nullement prises en compte par le ministère de l’économie .»
Le Dr Rottier n’esquive pas pour autant le débat sur les délais d’attente. « C’est simpliste de dire que si les ophtalmologistes ne s’occupaient plus des ordonnances de lunettes, les délais seraient réduits. C’est mal connaître l’évolution de notre métier. Aujourd’hui, nous n’avons plus qu’une partie mineure de nos patients qui viennent pour des lunettes. Mais il est primordial que ces personnes continuent à passer par un cabinet d’ophtalmologiste pour le dépistage d’éventuels problèmes oculaires ».
Mi-décembre, le Dr Rottier et le nouveau président du SNOF, le Dr Thierry Bour, ont rappelé que le syndicat s’est battu pour que le nombre de postes d’internes en ophtalmologie soit revu à la hausse, afin de juguler le déclin démographique de la profession, cause n°1 des délais d’attente. « Alors qu’il était de 106 en 2010, le numerus clausus est passé à 150 en 2014 », souligne le Dr Rottier, en insistant sur l’engagement de la profession dans la délégation des tâches. Aujourd’hui, près d’1 ophtalmologiste sur 3 s’est converti au travail aidé, en coopération avec des orthoptistes. « Il y a une dynamique qu’il faut absolument préserver », estime le Dr Rottier qui, dans son cabinet sarthois, a pris une part active à l’expérimentation de délégation des compétences conduite en Pays-de-Loire sous l’égide de la Haute Autorité de santé.
Quelques jours d’attente
Entre octobre 2013 et mars 2014, 1 500 patients ont participé à deux nouveaux protocoles permettant de réduire le délai d’attente de plusieurs mois à quelques jours. « Les patients ayant besoin rapide de lunettes, âgés de 6 à 50 ans, connus du cabinet, peuvent être reçus par un orthoptiste qui réalise un examen avec l’acuité visuelle, la mesure de la pression intra-oculaire (pour les adultes), un examen de la motilité et surtout une retinophoto. Le dossier est ensuite analysé par l’ophtalmologiste, qui rédige l’ordonnance. Ce modèle est en cours de validation par le collège des financeurs et a reçu le soutien officiel de la Ministre de la santé, Marisol Touraine, qui souhaite étendre cette solution à tout le territoire afin de libérer du temps médical ». Aujourd’hui le Dr Rottier espère que la position de la Ministre de santé va continuer à prévaloir sur celle imaginée par son collègue de l’économie.
D’après un entretien avec le Dr Jean-Bernard Rottier, vice-président du SNOF
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