Tous les oméga 3 ne se valent pas. Déjà, la distinction doit être nettement faite entre l’ALA (acide alpha-linolénique) qui est un oméga 3 d’origine végétale (présent dans l’huile de noix, de colza, de soja, de lin…), et les oméga 3 d’origine animale provenant de certains poissons (saumon, thon, maquereau, hareng, sardine, anchois…) dont les plus connus sont l’EPA le DHA. Ces deux variétés – origine végétale et animale – ne sont pas superposables en termes de bénéfices cardiovasculaires (CV) potentiels. Déjà, que ce soit à partir des données épidémiologiques observationnelles ou d’intervention, on n’a pas de preuves pour affirmer que l’ALA est protecteur vis-à-vis des pathologies CV. Pour le Pr Philippe Moulin (hôpital Louis-
Pradel, Bron), « l’ALA participe “possiblement” au bon fonctionnement cardiovasculaire, à forte dose, avec des résultats inconstants sur des critères non lipidiques, sans aucune preuve établie sur la protection cardiovasculaire?».
Ensuite, pour l’EPA et le DHA (et autres acides gras à longue chaîne), les niveaux de preuves sont supérieurs, mais la relation cause-effet CV n’est toujours pas élucidée. « Il est confirmé que ces deux acides gras participent au bon fonctionnement du système CV, conclut Philippe Moulin. Il est plausible qu’une supplémentation d’EPA et de DHA puisse contribuer, chez certaines personnes et dans certaines conditions que nous ignorons, à réduire le risque CV. » Toutefois, la négativité d’essais cliniques tels que DART2, Alpha Omega Trial et Sulfolom3 remettent désormais en cause une vision manichéenne du bénéfice de ces acides gras à longue chaîne.
Au bénéfice du doute
« Même si ces trois dernières études d’intervention publiées sont négatives vis-à-vis du critère de jugement principal, cela ne remet pas en cause le fait que l’EPA et le DHA participent au bon fonctionnement cardiovasculaire. Le niveau de preuve pour les doses nutritionnelles est relativement faible, un peu plus important pour les doses pharmacologiques. La consommation de la population en EPA et DHA reste quoi qu’il en soit insuffisante par rapport au niveau théorique idéal », estime le Pr Eric Brucker (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris). Ainsi, les recommandations de 2011 préconisent une alimentation riche en oméga 3, dans une perspective de prévention cardiovasculaire globale. Avec d’un côté, celles conjointes de l’Européen Atherosclerosis Society et de l’European Society of Cardiology qui encouragent la consommation de poisson en population générale et l’enrichissement de l’alimentation en huile à forte teneur en ALA.
En prévention secondaire, elles considèrent qu’il pourrait être recommandé de consommer 1g/j d’EPA et DHA, au moyen, si besoin, de suppléments nutritionnels ou des doses pharmacologiques. De l’autre côté, les guidelines de l’American Heart Association et de l’American College of Cardiology préconisent des consommations d’oméga 3, avec du poisson ou des capsules, à 1 g/j… en affichant toutefois le faible niveau de preuves dont on dispose dans les études. En France, les recommandations ANSES 2011 pour l’EPA et le DHA se situent désormais à une consommation de 250 mg chacun via l’alimentation.
Une action floue dans la démence et la dépression
Outre la prévention cardiovasculaire, les effets des oméga 3 ont été étudiés, notamment sur la démence et la dépression, mais ils restent flous. Certaines études montrent que la consommation régulière de poisson (une fois/semaine minimum) diminue le risque de démence et de déclin cognitif, alors que d’autres indiquent qu’une supplémentation d’EPA et DHA n’améliore pas le niveau de performance cognitive. D’autres travaux ont mis en évidence le rôle protecteur des oméga 3 sur le risque de survenue d’une dépression chez les personnes âgées et de forts taux d’EPA semblent être associés à une moindre sévérité des symptômes chez les personnes âgées.
Peu convainquants chez le nourrisson
Quant aux enfants, la plupart des préparations pour nourrisson (0-6 mois) sont enrichies en acide arachidonique et en DHA, parfois en EPA. Cependant, une revue Cochrane de 2011 concluait à l’absence d’arguments décisifs sur le plan du développement cognitif et neurosensoriel des enfants en faveur d’une supplémentation systématique en AGPI-longue chaîne des préparations pour nourrissons nés à terme, et des conclusions identiques concernaient les prématurés. « Au vu des données publiées, il n’y a donc à ce jour aucune justification de recommander l’utilisation d’une telle supplémentation chez le petit enfant », conclut le Pr Dominique Truck (service de pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille).
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