LE TEMPS DE LA MEDECINE
Beaucoup a été écrit sur l'odeur corporelle humaine. Entre la réalité et les fantasmes, il n'est pas toujours aisé de déterminer la vérité scientifique. D'autant qu'y sont intimement liés des aspects émotionnels, culturels et gravitant autour de l'attirance sexuelle.
L'histologie et la physiologie, fondements sur lesquels s'appuie le médecin, nous enseignent que l'odeur corporelle provient de deux types de glandes : sudoripares et sébacées. Les premières se subdivisent en eccrines et apocrines.
Les glandes eccrines se répartissent sur la quasi-totalité du corps. Elles prédominent sur la paume des mains, la plante des pieds et le front. La sueur qu'elles libèrent est essentiellement une eau salée. Son rôle est de refroidir l'organisme par évaporation. Chacun a constaté qu'elle apparaît aussi en cas de stress ou de peur. Cette sueur n'a pas d'odeur. Toutefois, au bout de quelques heures, les bactéries présentes sur le revêtement cutané peuvent faire apparaître des effluves.
Dans la recherche de l'odeur corporelle, mieux vaut enquêter du côté des glandes sudoripares apocrines. Elles se situent à la base des follicules pileux, essentiellement dans les zones génitales, anales et aux aisselles. Elles ne se développent qu'à la puberté. Cette sueur n'interfère pas dans les processus de refroidissement de l'organisme. Son aspect est trouble et non plus hydrique, mais surtout elle possède une odeur. Cette odeur serait impliquée dans la réaction sexuelle.
Quant aux glandes sébacées, elles sécrètent le sébum destiné à enrober le poil et à recouvrir l'épiderme.
Fonction sociale
L'odeur humaine résulte d'un savant mélange de ces diverses sécrétions, modifiées par l'action des bactéries.
Une fois ce constat fait, le reste semble moins scientifique. Le Pr Patrice Tran Ba Huy* (chef du service ORL, hôpital Lariboisière, Paris) l'exprime clairement : « Au travers des sociétés, de celles primitives aux odeurs fortes, à celles aseptisées d'aujourd'hui, les odeurs du corps ont conservé une fonction sociale essentielle, sans doute parce qu'elles ont toujours été perçues, décodées et traduites en termes de sympathie, d'indifférence ou d'antipathie ». Les expressions « Je ne peux pas le sentir » ou « avoir quelqu'un dans le nez » en sont le reflet direct. Le médecin poursuit en évoquant « la révolution hygiéniste » : « L'odorat va devenir un index implacable de classification sociale... La désodorisation bourgeoise s'oppose à la puanteur prolétarienne ».
Ainsi se trouvent décrits les deux attributs de la sueur : fonctionnel et social.
L'organe voméro-nasal
Reste une troisième fonction, plus hypothétique : un rôle sexuel des odeurs corporelles. « Il n'en existe aucune preuve sérieuse à ce jour, du moins chez l'homme », prévient le Pr Tran Ba Huy. A l'instar de ce qui se passe chez l'animal, des hypothèses ont notamment été formulées à propos de l'organe voméro-nasal et de sa capacité à capter les phéromones. Malheureusement, il semble bien que chez l'homme cette structure anatomique et le nerf qui en part ne servent que de support à la migration des cellules sécrétrices de LHRH de la placode olfactive jusqu'au cerveau. Des travaux, rapportés dans « les Troubles du goût et de l'odorat »*, ont tenté de stimuler le comportement sexuel d'hommes et de femmes en les soumettant à des constituants d'odeurs provenant de sécrétions vaginales ou axillaires : les « copulines » féminines ou les stéroïdes axillaires mâles. Ces effluves n'ont eu aucune influence sur le comportement sexuel des individus du sexe opposé. En revanche, on a constaté un effet de ces substances sur la synchronisation et la durée des cycles chez des femmes vivant en communauté. Mais encore faut-il que les substances testées soient de nature phéromonale...
* « Les Troubles du goût et de l'odorat », sous la direction de P. Bonfils et P. Tran Ba Huy, Société française d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou, 1999. « Le Nez du soignant », H. Duperret Dolange, in « l'Interdit », n° 30/31, 1995.
Entre maman et bébé, tout commence par le nez
Dès le 2e jour de vie, un bébé est sensible aux odeurs. Et, selon des études américaines, dès le 10e jour, il reconnaît celle de sa mère. Plus tôt, même, d'après les chercheurs français Hubert Montagner et Benoist Schaall. Ils ont fait sentir à des nouveau-nés de 48 heures un morceau de coton porté contre le cou par leur mère. L'odeur véhiculée par le morceau de ouate suffisait à les apaiser et à favoriser l'endormissement.
Ces mêmes scientifiques ont demandé à des mamans de porter un tee-shirt pendant trois jours et trois nuits. Présenté au milieu d'autres à leur enfant en crèche, le vêtement était choisi par le bébé. Dans un deuxième temps, on propose à ces enfants de conserver le tee-shirt maternel. Les observateurs notent alors qu'ils deviennent moins agressifs et plus sociables. Boris Cyrulnik a d'ailleurs proposé comme traitement de difficultés d'endormissement, dans certains cas, de donner à l'enfant un linge porté par la maman sur la poitrine.
Mais la maman aussi reconnaît son bébé à l'odeur. Des expériences montrent que, parmi plusieurs brassières, les yeux bandés, elle désigne celle de son enfant.
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