La ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, a décidément du mal à convaincre. Sceptiques vis-à-vis de ses prévisions de comptes pour la Sécurité sociale, les professionnels de santé le sont tout autant à l'égard de l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie fixé pour 2002 et de sa répartition entre les différents secteurs d'activité.
Le coup de pouce attendu aux budgets des hôpitaux publics pour encaisser le coût du passage aux 35 heures de leurs personnels n'est pas tout à fait, semble-t-il, à la hauteur des espérances de leurs représentants. Fixée à 283,25 milliards de francs, soit une progression de 4,8 % par rapport à 2001, l'enveloppe de l'hospitalisation est bien supérieure à celle de l'année dernière qui avait augmenté de 3,3 %. L'évolution prévue correspond, selon le gouvernement, pour 3,6 % à une reconduction des moyens actuels et pour 1,2 % au coût de la réduction du temps de travail.
On est donc loin des attentes de la Fédération hospitalière de France (FHF) qui avait tablé sur une reconduction des moyens de 3,85 % et sur une évolution totale de l'enveloppe de plus de 8 % pour absorber les dépenses supplémentaires liées au passage au 35 heures.
Les cadres hospitaliers moins pessimistes
L'étalement dans le temps des recrutements de personnels non médicaux permet aux pouvoirs publics de justifier la montée en charge progressive du coût des 35 heures, estimé à 10 milliards de francs sur trois ans. Ce sont un peu plus de 12 000 emplois qui devraient être, selon eux, créés en 2002 sur les 45 000 annoncés.
Une réalité que reconnaissent volontiers les directeurs d'hôpital. « Le chiffre de 4,8 % n'a rien de scandaleux. Il correspond à la montée en charge progressive de la réduction du temps de travail sur laquelle on s'est mis d'accord », concède le délégué national du Syndicat national des cadres hospitaliers, Emmanuel Goddat. « Même si tout l'argent n'est pas engagé au 1er janvier 2002, il y a certaines dispositions financières à prendre pour tenir compte des heures supplémentaires et du compte épargne temps. Et il reste beaucoup d'interrogations, notamment sur la réduction du temps de travail des médecins », précise-t-on toutefois à la FHF où l'on recalcule les estimations faites par le gouvernement avant de réagir officiellement.
En revanche, du côté des praticiens hospitaliers avec lesquels les négociations sont mal engagées, on est moins avare de critiques et d'indignation. Si le SNAM-HP se contente de « prendre acte » de ce chiffrage qui n'est pas, selon lui, une surprise, les autres organisations le jugent tout à fait irréaliste. « On n'y est pas du tout. C'est totalement insuffisant et inadapté. Il y a un décalage entre une décision politique et son application sur le terrain. Ça va flamber à l'hôpital et de façon totalement justifiée », s'indigne le Dr Rachel Bocher, président de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Même réaction de la part de la Confédération des hôpitaux généraux (CHG) dont le président le Dr Pierre Faraggi estime « affolante » une progression aussi faible, compte tenu des dispositions envisagées pour le passage aux 35 heures.
« Traitement inégalitaire » public-privé
Aussi insuffisants qu'ils puissent paraître aux représentants des médecins hospitaliers, ces 4,8 % font toutefois pâlir d'envie les responsables de l'hospitalisation privée dont la progression des dépenses a été limitée à 3,5 % l'année prochaine et qui ont beau jeu de dénoncer « un traitement inégalitaire » entre secteur public et privé. Bien que la progression de leurs dépenses soit supérieure de 0,2 % à celle de l'année dernière, elle « ne permettra pas de financer l'enveloppe spécifique que nous réclamons pour aligner nos salaires sur ceux des hôpitaux publics », souligne le Dr Max Ponseillé, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP).
Déception également du côté des médecins libéraux pour qui l'objectif de progression des soins de ville fixé à 3 % est non seulement « irréaliste » mais fait une fois de plus de ce secteur, où pourtant des réformes sont envisagées, « le parent pauvre » du financement. « C'est le poste qui connaît la plus forte progression de ses dépenses (entre 6 et 7 % d'augmentation annuelle) auquel on attribue le plus faible objectif. Une fois de plus il ne sera pas respecté », remarque le Dr Michel Chassang, l'un des responsables de la Confédération des syndicats médicaux (CSMF). Pour lui, non seulement cet objectif ne correspond en rien aux besoins médicaux, mais il indique clairement les choix du gouvernement. « Cet objectif compromet une éventuelle revalorisation des honoraires. Une fois de plus, le gouvernement a décidé de ne rien faire pour la médecine de ville. C'est une déclaration de guerre », constate-t-il.
« Les médecins libéraux vont payer le coût des 35 heures à l'hôpital », enchérit le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Un constat également dressé par le syndicat MG-France qui regrette « l'absence d'engagement financier à la hauteur des ambitions exprimées pour la valorisation des soins de proximité ». Il appelle d'ailleurs les autres organisations de professionnels de santé à interpeller ensemble le gouvernement afin d'obtenir une clarification sur ce sujet. « La guerre interprofessionnelle a été tellement nocive ces dernières années ; j'espère que notre appel à une action coordonnée sera entendu », conclut le président de MG-France, le Dr Pierre Costes.
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