CE N’EST PAS UNE DOUCHE FROIDE, mais ça lui ressemble un peu. A moins d’un an de l’élection présidentielle, la prévision réactualisée de la commission des comptes de la Sécurité sociale (Ccss) pour 2006 constitue une déception pour le gouvernement engagé sur la voie du retour à l’équilibre des finances sociales et de la réduction de la dette publique.
Le passif de 10,3 milliards d’euros attendu cette année pour le régime général correspond à une dérive de 1,4 milliard d’euros par rapport aux objectifs inscrits dans la loi de financement de la Sécurité sociale (Lfss 2006), votée à l’automne. Si le déficit est bien en repli par rapport à 2005 (l’impasse avait alors atteint 11,6 milliards), le redressement reste «limité» et plus timide qu’espéré.
Pour la quatrième année consécutive, le déficit de la Sécu reste supérieur à la barre symbolique des 10 milliards d’euros. Précision utile, lorsqu’on se souvient que le déficit 2004 (– 11,9 milliards) fut le plus élevé jamais atteint ; Philippe Douste-Blazy avait utilisé l’adjectif «abyssal» pour qualifier ce gouffre financier. Les abysses se comblent plus lentement que prévu. Autre mauvaise surprise : en 2006 comme en 2005, les quatre branches de la Sécu sont dans le rouge. «Les résultats 2005 et 2006 montrent que le régime général n’est pas sur la trajectoire de rééquilibrage rapide (...) », résume François Monier, secrétaire général de la Ccss.
Incertitude sur les dépenses hospitalières.
L’écart entre les prévisions de la Ccss et le scénario initial du gouvernement s’explique notamment par la dégradation des branches retraite (– 2,2 milliards en 2006) et famille (– 1,5 milliard).
Sur l’assurance-maladie, les clignotants sont seulement à l’orange. D’un côté, Xavier Bertrand a pu se féliciter à juste titre du «net redressement» de la branche depuis 2004, avec une réduction d’environ 5 milliards d’euros en deux ans, ce qui n’est pas rien. Si le passif de l’assurance-maladie était contenu à 6,3 milliards d’euros en fin d’année, le ministre de la Santé tiendrait – à 200 millions près... – son pari de diminuer le déficit de 25 % en un an. Une inflexion accréditée par l’ «apport de recettes» (croissance de la masse salariale du secteur privé, bonus produit par la taxation des PEL de plus de dix ans), mais aussi par le «ralentissement des dépenses». Devant la Ccss, Xavier Bertrand a énuméré les éléments «encourageants» : la croissance «très modérée» des soins de ville de janvier à avril (+ 1,4 %), la poursuite de la baisse des indemnités journalières (– 3,5 %) et le ralentissement des dépenses de prescription.
Mais, d’un autre côté, le ministre de la Santé ne peut ignorer la mise en garde de la commission des comptes sur le «risque de dépassement» de 600 millions d’euros de l’Ondam 2006 (1), un avertissement cohérent avec l’avis rendu à la fin mai par le comité d’alerte (même si ce risque ne justifie pas à ce stade de mesures de redressement). L’application retardée de mesures sur le médicament (baisses de prix), l’absence de visibilité du côté des établissements – l’activité du début d’année sera connue à la fin du semestre – et la nécessité de conforter la maîtrise médicalisée rappellent que tout est fragile. «Rien n’est acquis, c’est un travail de longue haleine», a admis Xavier Bertrand .
Le ministre réunira «très régulièrement» un comité de suivi de la réforme et de pilotage de l’Ondam avec les directeurs de la Sécurité sociale, des hôpitaux, le président du Comité économique du médicament et le directeur de l’assurance-maladie. Pour l’instant, aucun nouveau plan d’économies ne serait à l’étude. Mais Xavier Bertrand procédera «le cas échéant aux ajustements nécessaires».
Dès la première quinzaine de juillet, il tiendra une «conférence nationale tarifaire» pour faire le point sur les dépenses hospitalières. En déplacement dans les Yvelines, Dominique de Villepin a appelé à «continuer l’effort là où on peut faire les économies».
Volontarisme présidentiel.
Dans ce contexte, il a fallu une bonne dose de volontarisme au président de la République pour maintenir le capde l’équilibre de l’assurance-maladie «fin 2007» si «nous restons fermement mobilisés» (lire ci-dessous) . Dans nos colonnes, son ministre de la Santé s’est montré plus prudent (« le Quotidien » du 9 juin). «Notre intention est de parvenir à un déficit inférieur à 4milliards fin 2007».
Quoi qu’il en soit, les prévisions de la Ccss ont provoqué une vague de réactions inquiètes.
Chez les médecins libéraux, la Csmf demande que la valeur des honoraires «ne fasse pas les frais des insuffisances observées dans d’autres secteurs». Au nom des laboratoires, le Leem (Les Entreprises du médicament) a demandé au gouvernement de «veiller à ce qu’on n’oppose pas la logique de maîtrise des comptes à l’exigence de recherche et de production de médicaments, à l’emploi et la capacité industrielle qui sont aujourd’hui en question».
Le Medef se dit «préoccupé» et appelle à la poursuite des efforts, notamment à l’hôpital.Pour la CFE-CGC, le déficit chronique pose la questiondes «sources de financement». Plus optimiste, la Cftc regarde «le verre à moitié plein» etconstate que «l’engagement des acteurs assurés sociaux et professionnels commence à porter ses fruits».
Ces résultats en demi-teinte constituent enfin une aubaine pour l’opposition. Le PC dénonce l’ «échec» d’une réforme que le PS qualifie sans nuances de «fiasco».
(1) L’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie pour 2006 a été fixé à 140,7 milliards d’euros. Sa décomposition en sous-objectifs correspond à une croissance de 0,9 % pour les soins de ville (l’effort le plus important est demandé au médicament) et de 3,44 % pour les établissements.
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