Par le Pr Thierry Thomas
LES NOUVELLES RECOMMANDATIONS insistent sur l’objectif principal du traitement de l’ostéoporose postménopausique qui est de prévenir la survenue des fractures dans les cinq à dix ans suivant son introduction. Elles renforcent la stratégie de décision fondée sur l’interprétation de la densité minérale osseuse (DMO) dans un contexte clinique propre à chaque patiente intégrant d’autres facteurs de risque de fracture. Elles préparent en cela l’évolution vers l’utilisation d’un score qui permettra d’apprécier un risque fracturaire absolu individuel comme devrait le proposer d’ici à la fin de l’année les résultats d’un large travail conduit par l’OMS. Cette évolution devrait logiquement définir plus finement un seuil d’intervention thérapeutique fondé sur un risque absolu mesuré par ce score. Par contraste, les recommandations actuelles pour un traitement médicamenteux de l’ostéoporose chez les femmes ménopausés reposent encore sur les seules notions d’âge, d’existence d’une fracture prévalente et d’estimation d’un risque de fracture périphérique faible ou élevé. Enfin, ces nouvelles recommandations abordent le difficile problème de la durée de ces traitements et soulignent l’intérêt des biomarqueurs du remodelage dans le suivi des traitements.
Parmi les principaux messages de ces nouvelles recommandations, on peut noter la nouvelle définition de l’ostéoporose comme maladie diffuse du squelette, caractérisée par une diminution de la résistance osseuse conduisant à une augmentation du risque de fracture. Tous les mécanismes conduisant à une altération de la qualité osseuse sont donc sous-entendus dans cette définition qui ne se limite plus à la seule altération de la microarchitecture. Il est par ailleurs rappelé que, avant de retenir le diagnostic d’ostéoporose postménopausique, il est indispensable d’avoir éliminé les autres causes d’ostéopathies fragilisantes, en particulier métaboliques et malignes. Cette étape est fondamentale dans la démarche diagnostique et doit reposer notamment sur un bilan biologique minimal.
Cette actualisation introduit également la notion de fracture ostéoporotique ou fracture de fragilité osseuse, c’est-à-dire une fracture survenue spontanément ou pour un traumatisme de faible énergie (énergie inférieure ou égale à celle d’une chute de sa hauteur à l’arrêt ou à la marche).
Alors que le remboursement de la densitométrie est annoncé pour le 1er juillet 2006, cet examen est reconnu par les experts, dans les recommandations 2006, comme la technique de référence pour estimer la résistance osseuse par la mesure du contenu minéral osseux. La mise en place d’un contrôle de qualité obligatoire des appareils de densitométrie est en cohérence avec cette reconnaissance large de la technique.
Il est rappelé que l’ostéopénie ne désigne pas une maladie osseuse et n’est pas, quand elle est isolée, une indication à un traitement médicamenteux. En revanche, l’ostéopénie peut refléter une fragilité osseuse lorsqu’elle est découverte dans le contexte d’une fracture survenue pour un traumatisme de faible énergie et peut alors faire discuter un traitement.
La stratégie thérapeutique proposée tient compte de l’âge, des antécédents personnels de fractures et du résultat de la densitométrie, qui sont les déterminants essentiels du risque de fracture dans les cinq à dix années suivantes. Cela implique donc que la réalisation d’une densitométrie soit systématique avant toute décision thérapeutique.
Les recommandations soulignent la nécessité de ne prescrire un traitement de l’ostéoporose postménopausique qu’après avoir corrigé une éventuelle carence en calcium et/ou en vitamine D, par correction des apports spontanés ou supplément médicamenteux.
Le problème du choix de la molécule en fonction des circonstances cliniques est d’autant plus difficile que le nombre de molécules à notre disposition dans cette indication augmente chaque année. Ainsi, les recommandations 2006 positionnent le ranélate de strontium à côté des autres médicaments déjà disponibles. Ces recommandations reposent sur les preuves du bénéfice anti-fracturaire de ces médicaments, établies dans des populations définies par des critères densitométriques et/ou par l’existence d’une fracture. Le choix reste multiple pour chaque situation sans préférence pour l’un ou l’autre médicament dans la mesure où aucune étude ne les a comparés entre eux.
Les recommandations abordent ensuite le problème épineux de la durée du traitement. Compte tenu des données actuelles, la durée de traitement par alendronate, risédronate ou raloxifène devrait être d’au moins quatre ans. Au-delà, la décision d’un traitement repose sur une réévaluation individuelle du risque fracturaire. Pour le ranélate de strontium, les données publiées jusqu’à présent reposent sur une durée de traitement de trois ans, alors que pour le tériparatide, la durée doit être limitée à dix-huit mois.
Les traitements de l’ostéoporose, comme de toute maladie chronique, ne sont efficaces qu’en cas d’observance optimale. Si la mesure de la DMO est recommandée pour la prescription, en revanche, il est rappelé que la répétition de ces mesures ne l’est pas dans le suivi des traitements de l’ostéoporose. Les recommandations précisent d’ailleurs que la variation densitométrique sous traitement n’intervient pas dans la stratégie thérapeutique. Une deuxième mesure de la DMO est recommandée seulement en fin de traitement pour la réévaluation du risque de fracture.
Les recommandations 2006 font une place plus large aux examens biologiques du remodelage osseux. S’ils n’ont pas d’intérêt dans le diagnostic ou dans le choix entre les médicaments, ils peuvent être utiles en cas de décision thérapeutique difficile après avis d’un spécialiste. Surtout, leur intérêt dans le suivi des traitements antirésorptifs est souligné. Une diminution de leur taux à trois ou six mois permet de vérifier l’effet osseux du traitement et certains ont une valeur prédictive du bénéfice antifracturaire. La mise en évidence de la diminution du marqueur (par exemple, le dosage du CTX sérique, un marqueur de résorption osseuse, le matin à 8 heures, à jeun) peut également améliorer l’observance du traitement.
Enfin, les recommandations 2006 insistent une nouvelle fois sur l’importance des traitements complémentaires de l’ostéoporose postménopausique. Les règles hygiénodiététiques non spécifiques de la ménopause visent à préserver le capital osseux par le maintien d’une activité physique en charge, un apport suffisant en calcium et en vitamine D, un niveau d’exposition solaire adéquat et l’arrêt du tabac. La prévention des chutes (ergonomie du lieu de vie, programmes d’activité physique) et de leurs conséquences chez les sujets âgés est également importante. Toutefois les preuves de l’efficacité antifracturaire de ces mesures non pharmacologiques n’ont pas été apportées, sauf pour certains protecteurs externes de hanche, également confrontés au problème d’observance.
Inserm E0366, service de rhumatologie, Saint-Étienne.
En cas de fracture | ||||
Raloxifène | Alandronate Risédronate | Ranélatede strontium | Tériparatide | |
Une fracture vertébraleet un risque faible de fracture périphérique | OUI | OUI | OUI | OUI* |
Une fracture vertébraleet un risque de fracture périphérique(notamment du fémur) important | - | OUI | OUI | OUI* |
Une maladie sévère (deux fracturesvertébrales ou plus) | OUI | OUI | OUI | OUI* |
En l’absence de fracture | ||||
Raloxifène | Alandronate Risédronate | Ranélatede strontium | Tériparatide | |
< 60 ans | OUI | OUI | OUI - | |
De 60 à 80 ans | ||||
- dans tous les cas | - | OUI | OUI | - |
- ostéoporose à prédominance vertébrale | OUI | - | - | - |
> 80 ans | - | OUI | OUI | - |
* Remboursé si au moins 2 fractures vertébrales |
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