Les deux tiers des cancers de la prostate ne sont pas dépistés suffisamment tôt pour être « guéris » par un traitement local (chirurgie, radiothérapie). Ils évoluent alors presque systématiquement vers des métastases osseuses, présentes chez 85 à 100 % des patients décédant de cancer de la prostate. Ce cancer représente la deuxième cause de mortalité par cancer chez l'homme en Europe. Son incidence et sa mortalité augmentent avec l'âge.
Un dépistage systématique devrait être fait à partir de 50 ans, associant un toucher rectal et un dosage de PSA ; cela même si aucune de ces deux méthodes n'est infaillible et qu'il existe des faux positifs et des faux négatifs.
L'os est la localisation de loin la plus fréquente des métastases de ce type de cancer. Ces tumeurs secondaires sont responsables non seulement du taux élevé de mortalité (50 % de décès à trois ans, 75 % à cinq ans, 100 % à dix ans), mais aussi d'une morbidité importante : douleurs, fractures, compression médullaire, plus rarement hypercalcémie (2 %).
Classiquement, le traitement des métastases osseuses androgénodépendantes repose sur le blocage des récepteurs aux androgènes et/ou de l'axe hypothalamo-hypophysaire. Malheureusement, la suppression des cellules tumorales hormonodépendantes favorise la croissance et la sélection de clones cellulaires androgéno-indépendants. La durée de la réponse au traitement hormonal est donc brève (de quelques mois à deux ans) ; la survie n'est pas améliorée ; l'évolution se fait inexorablement vers une phase réfractaire à toute hormonothérapie.
Une recherche thérapeutique dynamique
Jusqu'ici, après échec de l'hormonothérapie, le traitement des métastases osseuses n'était que palliatif. Les résultats de la chimiothérapie sont décevants avec des taux de réponse de 4,5 à 8,7% ; la médiane de survie est de six à dix mois. En 1996, il y a néanmoins eu un renouveau d'intérêt de la chimiothérapie avec les résultats de l'essai Tannock évaluant l'association Novantrone/prednisone comparée à la prednisone seule. L'étude montrait une réponse fonctionnelle (diminution des douleurs et une amélioration de la qualité de vie) mais pas d'allongement de la survie.
Des protocoles de chimiothérapie avec les taxanes sont également en cours d'évaluation.
De nouvelles cibles thérapeutiques portant sur certains récepteurs des cellules tumorales (EGF-R, Her-2), certains facteurs de croissance (interleukines 6 et 11), la néoangiogenèse tumorale, les protéines antiapoptotiques ou l'atrasantan (blocage du récepteur ETA) constituent de nombreuses voies de recherche.
Toutes les cellules métastatiques osseuses androgéno-indépendantes ont un récepteur EGF qu'il est théoriquement possible de bloquer : ce blocage augmente l'apoptose des cellules atteintes, augmente leur sensibilité à la chimiothérapie et à la radiothérapie et inhibe l'angiogénèse tumorale.
La voie des IL6 paraît elle aussi intéressante (l'élévation de l'IL6 étant associée à une progression tumorale, à une morbidité accrue, à une diminution de la survie), mais complexe à mettre en œuvre en pratique.
La place des bisphosphonates
A un stade bien plus avancé de développement, les bisphosphonates apparaissent d'un apport thérapeutique intéressant dans la prise en charge des métastases osseuses. Ils agissent à différents niveaux : sur les ostéoblastes (inhibition de l'activité ostéoblastique, inhibition de la synthèse d'IL6), sur les ostéoclastes (inhibition de l'activité ostéoclastique, diminution du recrutement et de différenciation), sur les cellules tumorales (inhibition de la croissance tumorale), sur le microenvironnement osseux, sur l'angiogenèse (qu'ils freinent).
Des essais randomisés réalisés avec des bisphosphonates ont montré : une diminution du taux de morbidité osseuse, un allongement du délai d'apparition du premier événement osseux, la limitation de la progression de la douleur. Un travail de A. Heidenreich a montré que le clodronate par voie orale (Clastoban, Schering) diminue le score moyen de la douleur, avec 75,3 % de répondeurs (22,3 % de répondeurs complets, 53 % de répondeurs partiels et 24,7 % de non-répondeurs).
Au total, les bisphosphonates devraient dorénavant être associés à l'hormonothérapie ou à la chimiothérapie en cas de métastases osseuses, tandis que les recherches thérapeutiques doivent se poursuivre, notamment pour parvenir à une amélioration de la survie des patients.
33e session du Club Santé ; conférence organisée avec le soutien des Laboratoires Schering ; communication du Dr Bernard Paule (service d'urologie, hôpital Henri-Mondor Créteil).
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