Du temps de Sherlock Holmes, la détermination des empreintes digitales était un outil de base de tout policier de Scotland Yard. Depuis, les progrès de la génétique ont donné à la médecine légale un outil infaillible pour l'identification et la filiation. Mais la réalisation d'empreintes digitales est toujours pratiquée car les progrès de l'informatique dans le croisement des informations et la lecture optique lui ont donné une nouvelle légitimité.
En ce qui concerne la datation de la mort et l'identification de sa cause, les techniques traditionnelles de la médecine légale accomplissent depuis une dizaine d'années des progrès importants. « La médecine légale moderne est aujourd'hui une affaire de collaboration entre différents spécialistes : biologie moléculaire, odontologie, entomologie, anthropologie médicale », note le Pr Daniel Malicier (hôpital Edouard-Herriot, Lyon), coordonnateur de « l'Identification en médecine légale : aspects actuels », nouvelle édition d'un livre paru il y a une dizaine d'années.
Les techniques sont diverses. L'anthropologie médicale permet de déterminer, à partir des restes ou même des seuls ossements, l'âge, le sexe, le groupe biologique (européen, africain ou asiatique), et de proposer des identifications comparatives grâce aux fichiers de disparus. L'étude des lésions osseuses apporte des indices sur les circonstances de la mort.
L'odontologie reste d'un très grand intérêt en médecine légale en raison de la bonne résistance des dents à la putréfaction et au feu. Si elle ne permet de déterminer ni le sexe ni le morphotype, elle sert à donner un âge, même chez un foetus, à partir de 16 semaines. En identification comparative, elle utilise les indices fournis par les chirurgiens-dentistes (fiches dentaires, radios). La numérotation des prothèses dentaires par les praticiens n'est cependant pas encore utilisée. En cas de morsures sur la victime, il est aussi possible de reconstituer un moulage de Quant à l'entomologie, c'est une science utilisée en médecine légale dès le milieu du XIXe siècle. Elle est tombée en désuétude pendant longtemps, puis est à nouveau utilisée depuis une dizaine d'années. Elle s'appuie sur l'étude de la présence sur le cadavre des insectes nécrophages qui se succèdent selon un cycle constant (« le Quotidien » du 31 janvier 2002). Ce qui permet, face à un cadavre retrouvé en état de décomposition de dater le décès avec une précision de deux jours sur un mois. Elle reste néanmoins tributaire pour une part de la météo, de la carbonisation (qui a un effet retardant : les insectes attendent que le corps refroidisse), ou de la congélation (pratiquée par certains criminels pour brouiller les pistes).
Les plaintes à la hausse
L'identification par l'ADN, technique de pointe développée depuis 1988 notamment à l'Institut de médecine légale de Strasbourg, s'effectue en moins de 48 heures. Cette technique est particulièrement au point pour les crimes sexuels. Sa notoriété a contribué à une augmentation significative du nombre de plaintes, car les victimes de viol ont confiance dans ce système d'identification. Elle est également utilisée pour l'identification de cadavres de disparus ou de victimes de catastrophes, car l'extraction de l'ADN est possible même dans les os. La comparaison peut être effectuée avec de l'ADN récupéré sur une brosse à dents ou à cheveux ou avec celui de descendants ou d'ascendants. « A cause de la rapidité de l'évolution de ces techniques, le législateur a parfois du mal suivre », note le Pr Ludes, de l'Institut de médecine légale de Strasbourg. Les interrogations, lors l'adoption de la loi sur la sécurité quotidienne, autour des fichiers de personnes condamnées et soupçonnées en témoigne. La coopération avec la police et la justice s'accroît. Une équipe de légistes a été intégrée à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Ce laboratoire intervient notamment dans les identifications lors de catastrophes collectives (accidents d'avions, attentats). « L'identification des victimes revêt une importance considérable. Lorsqu'un corps est identifié, il peut être rendu à la famille et aux proches, ce qui leur permet d'entreprendre leur deuil », rappelle le colonel Schuliar. Cependant, dans le cas de personnes disparues, « il arrive encore aujourd'hui que des corps soient inhumés sans avoir été identifiés ou sous une fausse identité », regrette le Dr Gérard Quatrehomme, du laboratoire de médecine légale de Nice. Preuve que la médecine légale est encore un domaine de recherche très vaste. « Il s'agit là d'un devoir de justice et, au-delà, d'un devoir d'humanisme médical », affirment les co-auteurs de l'ouvrage.
* Editions ESKA, 2003, 90 euros.
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