LE TEMPS DE LA MEDECINE
C'est à un grand nom de la profession, Jean-Jacques Guerlain, que revient la paternité de l'école des nez, créée à Versailles dans les années 1970. Il s'agissait alors de dispenser une formation complète aux métiers de parfumeurs, en toute indépendance industrielle.
Le statut de l'ISIPCA, depuis, a changé (il a été intégré en 1984 à la chambre de commerce et d'industrie de Versailles), ses pôles de compétence se sont étendus à d'autres sens que l'olfaction (avec des cursus axés sur la cosmétique et l'aromatique alimentaire), mais l'appellation première d'Ecole du nez est tenace et colle à la réputation de cet établissement unique en son genre, seul au monde, dit-on.
Ils sont chaque année 350 étudiants, de niveau bac + 2 à dominante chimie, qui postulent pour quelque 20 places mises en concours ; un jury composé d'enseignants et de représentants des fabricants et des fournisseurs leur fait subir notamment des tests olfactifs. « Chaque individu dispose des mêmes aptitudes de départ, mais il nous faut vérifier que les candidats ont développé un minimum de prérequis, gage de l'intérêt qu'ils portent à nos métiers et de leur motivation, explique Maurice Alhadève, directeur général du groupe ISIPCA. Sans attendre de leur part qu'ils soient l'équivalent d'un sommelier en nologie, nous leur demandons d'être capables d'identifier des tendances olfactives très caractéristiques, tel le classique Chanel "N° 5[, le capiteux "Opium" de Saint Laurent ou le révolutionnaire "Angel" de Thierry Mugler, qui distille ses notes sucrées faisant appel à la mémoire régressive. »
Chromatographe en phase gazeuse
Pendant deux ans, les étudiants en maîtrise de sciences et techniques des industries de la parfumerie vont suivre une formation en alternance, dispensée à l'intérieur d'un campus de plus de un hectare, et en entreprise. Au programme, des cours scientifiques, en chimie minérale, organique et de synthèse, des travaux pratiques en laboratoire sur les formulations et pour s'essayer à des techniques de pointe, comme celle du chromatographe en phase gazeuse.
« La maîtrise des données chimiques est d'autant plus indispensable, souligne M. Alhadève, que, depuis des décennies, la composition des parfums a beaucoup évolué, les matières premières naturelles, en raison de leur coût et de leur rareté, cédant peu à peu la place aux produits de synthèse. »
La réglementation a encore accentué cette tendance, les commissaires bruxellois se souciant des risques allergiques et imposant pour les réduire des seuils limites de concentration à 26 composants. L'International Fragance Association (IFRA), installée à Genève, veille aussi à l'épidémiologie des troubles qui pourraient être associés à l'usage de parfums ; elle ne recense qu'exceptionnellement des cas de nausées.
Chaque année, ce sont donc une vingtaine de nez tout neufs qui vont débarquer sur le marché. Un tout petit monde (une soixantaine d'entreprises adhèrent à la Fédération des industries de la parfumerie), au potentiel économique néanmoins considérable : c'est le quatrième poste en terme d'excédent de la balance commerciale française.
Le rêve d'un nouveau parfum
Les nouveaux nez sortis d'école sont donc polyvalents, ils marient un savoir-faire de laboratoire (évaluations, formulations, analyses) à des aptitudes artistiques et créatrices. Diplômée de la dernière promotion dont elle est sortie major, Mathilde Bijaoui, 23 ans, s'inscrit dans cette dualité sans cacher son ambition : « Je rêve, dit-elle, de créer un parfum qui apportera de nouvelles idées. Pour le composer, je joue sur les orgues de matières premières comme un musicien avec son piano. »
Le marché de la parfumerie dite alcoolique fine, pour le distinguer de celui de la toiletterie (qui s'intéresse plutôt aux shampooings et autres savons douche), est devenu plus volatil ces dernières années. Les professionnels observent une moindre fidélité de la consommatrice à sa marque, le temps où une femme avait son parfum à vie semble de passablement révolu. Même si le légendaire Chanel « N° 5 » continue à caracoler en tête des ventes, sans partage, depuis trois quarts de siècle. L'engouement du public évolue cependant et les succès de parfumerie ont des durées de vie plus éphémères, passant rarement le quinquennat. Des tendances se dégagent : après les marques un peu ostentatoires, voire exhibitionnistes, chères aux années 1980, les années 1990 ont été marquées en noir et blanc, avec des notes pures et intimes portées juste pour soi. « Les années 2000 semblent plus métalliques, plus high-tech, estime Mathilde Bijaoui. En attendant la suite ; le parfum, c'est comme la mode, c'est l'esprit du temps. »
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