C’est le comble du paradoxe pour l’hôpital du généraliste ! Jamais il n’a été aussi impliqué dans une dynamique de changement que depuis la crise de la démographie médicale. Et pourtant, les règles du jeu sanitaire ont rarement paru aussi inadaptées à sa situation. La Journée organisée la semaine dernière à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) par l’Association des généralistes des hôpitaux locaux (AGHL) a donné plus d’une illustration de cette crise de croissance qui renvoie l’image d’un d’hôpital local à la fois trop au large et trop à l’étroit dans son costume.
Un rôle de premier plan en milieu rural
Même si les suppressions d’hôpitaux locaux ont été légion ces dernières années, sur le terrain, cette institution plus que cinquantenaire joue, en effet, les premiers rôles dans la recomposition de l’offre de soins en milieu rural. C’est vrai, par exemple, à l’île d’Yeu qui a repensé ses soins primaires avec un couplage centre de santé-hôpital local depuis deux ans, rappelé par le Dr Philippe Andrieux, cheville ouvrière de l’opération. Vrai aussi de l’hôpital de Cluny qui a servi de point d’appui à la nouvelle Maison de santé qui a ouvert au début de l’année. Vrai enfin pour le sud-ouest mayennais engagé dans un remembrement sanitaire qui rassemble deux maisons de santé et un pôle de santé autour de l’hôpital local. Embarquée dans ce rythme, Annie Ravaillaut, directeur de cet hôpital local depuis 8 ans, explique ainsi qu’elle se vit désormais davantage comme « Directeur de santé du territoire ».
Depuis la réforme Bachelot, les hôpitaux locaux donnent pourtant l’impression de se chercher un peu. À commencer par leur dénomination qui a disparu du code de la santé publique. Pascal Gendry, président de l’AGHL, est persuadé qu’en termes de visibilité et de défense de la spécificité de l’ex-hôpital local, cet anonymat statutaire n’est pas une bonne affaire. Certes, les ex-hôpitaux locaux sont souvent engagés – par choix ou par nécessité – dans les nouvelles Communautés Hospitalières de Territoire. Pour Uzès (Gard) ou Mauléon (Pyrénées-Atlantiques), cette coopération à l’ombre d’établissements comme Nîmes ou Pau semble plutôt bien se passer, avec mutualisation de moyens ou interopérabilité des systèmes d’information. Certains participants de la Journée du 15 novembre ont pu témoigner à l’inverse d’absorptions plus musclées.
Reste que les grands chantiers du moment s’ajustent mal à ces petites structures. À commencer par le mode de financement. Avec un prix de journée d’un tiers inférieur à celui d’un CHU, l’hôpital local ne coûte pas cher. Mais avec des durées de séjour plus longues, il ne semble pas fait pour la tarification à l’activité. À la Fédération hospitalière de France, Yves Gaubert a fait des simulations : une majorité des ex-hôpitaux locaux serait largement perdante en cas de passage à la T2A… Ça tombe bien : un amendement au PLFSS en cours de discussion prévoit de reporter l’application de cette réforme à l’horizon… 2015 ! Et à la Direction générale de l’organisation des soins (DGOS), on s’interroge : tous les hôpitaux locaux sont-ils solubles dans la T2A ?
Même difficulté d’adaptation concernant la certification des établissements à la HAS. François Bérard qui gère ce service à la HAS rapporte des taux de certification sans réserves significativement inférieurs dans les hôpitaux locaux ; en 2010, 2 non-certifications sur 5 concernaient d’ailleurs des hôpitaux locaux, la sanction étant souvent la fermeture des lits de médecine… Ça coince parfois sur des items comme l’éducation thérapeutique, le circuit du médicament ou la continuité des soins la nuit, faute de moyens suffisants. Sur la forme, on admet à la HAS que l’existence d’un seul manuel de certification (le même que celui du CHU !) ne facilite pas les choses… Il n’empêche, François Bérard gratifie néanmoins le secteur « d’une vraie dynamique de qualité. »
Une reconnaissance insuffisante dans la formation
Cerise sur le gâteau : l’insuffisante reconnaissance de l’hôpital local dans la formation. Les stages d’internes en hôpital local s’y passeraient plutôt bien et les intéressés sont ravis si l’on en croit le président de l’Isnar-IMG, Emmanuel Bagourt. Mais les heureux élus se comptent sur les doigts des deux mains, l’hôpital local n’étant pas encore intégré dans les maquettes de stage…
À l’issue de cette Journée, les généralistes de l’AGHL ont réuni leur AG. Occasion pour Pascal Gendry de signer une convention avec la MSA et pour l’AGHL de demander une petite place dans le Collège de la médecine générale, ainsi qu’au sein de la Fédération des maisons et pôles de santé. Son chef de file réclame aussi la création de Comités techniques régionaux, structures d’échanges entre hôpitaux locaux, comme il en existe un en Franche-Comté. En conclusion, Paulette Guinchard a exhorté l’AGHL à faire du lobbying : « Vous n’êtes pas assez dans le champ politique pour vous faire entendre ! ». Propos chaleureux, encouragements sympathiques de la vice-présidente de la FHF, mais pas simple à mettre en œuvre pour des généralistes surbookés ont fait gentiment remarquer certains participants…
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature