DEPUIS LES ANNEES 1970, on observe une augmentation de la prévalence des pathologies allergiques respiratoires comme l'asthme et la rhinite perannuelle et saisonnière, notamment chez les enfants. Cette augmentation correspond à un doublement en dix ou quinze ans. Toutefois, l'étiologie des pathologies allergiques respiratoires reste toutefois mal connue. «Dans ce contexte, nous nous proposons d'évaluer, dans une population de nouveau-nés franciliens suivis pendant six ans, la survenue de symptômes respiratoires et allergiques. Nous voulons ainsi déterminer les relations entre la santé respiratoire de ces enfants et les caractéristiques de leur mode de vie et de leur cadre de vie», indique le Pr Isabelle Momas, responsable de l'étude. Cette étude porte sur 4 177 nouveau-nés, dont 51 % de garçons, recrutés dans cinq maternités parisiennes (Necker, Pitié-Salpêtrière, Rothschild, Tenon et l'institut mutualiste Montsouris). «La phase d'inclusion des nouveau-nés vient de se terminer, reprend le Pr Momas. Plus de 60% des familles sollicitées ont accepté d'y participer. Les deux tiers vivent à Paris, un tiers en petite couronne. Ces nourrissons sont, dans plus de la moitié des cas, des enfants uniques.»
Actuellement, 455 enfants ont entre 3 et 4 ans, 1 110 entre 2 et 3 ans, 1 443 entre 1 et 2 ans, 1 169 entre 4 mois et 1 an. Au terme de la première année, 11 % ont abandonné le suivi, une fois sur trois en raison du déménagement de leurs parents hors de l'Ile-de-France.
L'étude repose sur la surveillance médicale, selon un calendrier fixé et sur le recueil, par questionnaires réguliers (tous les trois mois la première année, tous les six mois la deuxième, puis annuellement), de données relatives à leur état de santé, à leur mode de vie et à leurs expositions environnementales, tant en milieu extérieur qu'à l'intérieur des locaux. A l'âge de 18 mois et de 6 ans, les enfants bénéficient d'un bilan médical standardisé.
Les habitudes de vie, en particulier les modalités de garde de l'enfant et l'évolution de son alimentation, sont documentées par des questionnaires.
L'évaluation de l'exposition aux pollutions atmosphériques extérieures s'appuie sur les données fournies par le réseau local de surveillance de la qualité de l'air et sur le calcul d'un indice d'exposition au trafic routier.
L'environnement intérieur est décrit par autoquestionnaires et une étude environnementale est menée en complément, en collaboration avec le laboratoire d'hygiène de la Ville de Paris. «Il s'agit d'abord de documenter les niveaux des principaux polluants intérieurs au domicile et d'étudier la variabilité de ces niveaux au cours de l'année, puis d'identifier les principaux déterminants des concentrations environnementales mesurées et, enfin, de prédire ces concentrations environnementales à partir des données du questionnaire. Les modèles statistiques que nous élaborons pourraient être ainsi appliqués à l'ensemble des sujets de la cohorte de façon à quantifier le risque de survenue d'une symptomatologie respiratoire et allergique au cours de la première année de vie, en fonction du niveau d'exposition aux polluants», explique le Pr Momas.
Surveiller les siffleurs.
Aujourd'hui, le croisement des données sanitaires et du cadre de vie des nouveau-nés n'a pas été encore effectué. Mais on peut déjà noter que l'eczéma, les symptômes évocateurs de rhino-conjonctivite et l'allergie alimentaire sont apparus chez respectivement 17, 9 et 3 % des nourrissons.
Les principaux symptômes respiratoires sont les sifflements (22 %), la toux sèche nocturne (16 %) et la gêne respiratoire (4 %). L'existence d'infections des voies respiratoires basses, d'un eczéma, la présence de symptômes bronchiques obstructifs, les antécédents parentaux d'asthme et le fait d'être un garçon majorent le risque de sifflements. Un siffleur sur cinq présente des épisodes répétés de sifflements. «Ces siffleurs récurrents méritent d'être suivis attentivement car ils pourraient être à risque de développer un asthme ultérieurement», souligne le Pr Momas.
Concernant l'environnement domestique (la quasi-totalité des enfants vit en appartement de 70 m2 environ, occupé par 2 à 5 personnes), la plupart des polluants étudiés sont détectés dans tous les logements, excepté la nicotine, présente dans 53 % des logements. «Les niveaux se révèlent relativement homogènes, à quelques situations près», remarque la responsable de l'étude. «L'utilisation du gaz augmente les teneurs en dioxyde d'azote. La présence de meubles en panneau de particule, aggloméré, contreplaqué dans la chambre du bébé s'accompagne de concentrations significativement plus élevées en formaldéhyde et propionaldéhyde. L'âge des revêtements au mur et au sol influe également sur les teneurs mesurées, les matériaux datant de moins d'un an apportant des concentrations supérieures pour quelques aldéhydes.»
A terme, le suivi de cette cohorte devrait donc permettre de mieux comprendre le rôle des facteurs environnementaux dans la survenue des maladies respiratoires et allergiques au cours des premières années de vie, «ce qui est le préalable indispensable à la mise en place de stratégies efficaces de prévention», conclut le Pr Isabelle Momas.
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