L’ENCRE du nouveau schéma régional d’organisation sanitaire (Sros 3) d’Ile-de-France est à peine sèche que les conditions de l’application de son volet « insuffisance rénale chronique » (IRC) – en fait une actualisation de recommandations spécifiques inscrites à l’automne 2004 dans le Sros 2 – provoquent la colère des néphrologues de la région, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, qu’ils exercent dans le secteur public, privé ou associatif.
Dans une lettre commune, l’ensemble des membres du Comité technique IRC de la région parisienne ont écrit au directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH), Philippe Ritter, pour s’émouvoir de la manière dont sont effectivement mis en oeuvre les principes – auxquels ils adhèrent – énoncés dans le Sros.
«Les textes du Sros ont été le fruit d’un vrai travail de réflexion auquel a participé activement le groupe reconnu d’experts représentant tous les modes de dialyse et tous les modes d’exercice, associé aux deux représentants des malades. Il est exceptionnel d’arriver à un consensus reconnu de tous... et pourtant cela a été obtenu car chacun avait su faire passer l’intérêt général avant son intérêt particulier», rappellent les neuf signataires de cette lettre (les Prs Françoise Mignon, Patrick Niaudet, Thierry Petitclerc et les Drs Guillaume Bobrie, Alain Debure, Michel Delahousse, Olivier Kourilsky, Antoine Lacaille, Christian Verger). Que s’est-il passé, alors que les choses paraissaient si bien engagées ? Le bât blesse en fait à plusieurs niveaux.
Discordance.
Dans le Sros lui-même, la volonté affichée par les planificateurs de développer la dialyse péritonéale pour que 15 % des malades soient, à terme, traités par ce mode de prise en charge (au lieu de 7 % aujourd’hui) ne fait pas l’unanimité. «Il s’agit d’un objectif délirant», commente le Dr Antoine Lacaille, secrétaire général adjoint du Syndicat des néphrologues libéraux. Ce n’est cependant pas – et cela a rassuré un temps les professionnels – un objectif du schéma « opposable » aux établissements. Problème : ce choix, via les annexes du Sros, est entériné dans les objectifs quantifiés en volume qui sont, eux, opposables aux hôpitaux et aux cliniques. Résultat : 50 établissements privés, mais aussi publics auraient à ce jour refusé de signer leur contrat d’objectifs. Hémodialyse simple, unité de dialyse médicalisée, autodialyse assistée, autodialyse simple, dialyse péritonéale : «Les maladessont cantonnés dans telle ou telle technique, s’alarme le Dr Lacaille. Et quand cela se fait suivant des objectifs irréalistes...»
Par ailleurs, il apparaît que les autorisations d’exercice accordées l’automne dernier par la Comex (la « commission exécutive » de l’ARH) «sont en complet désaccord avec le texte du Sros», signale le Comité technique de l’insuffisance rénale chronique à Philippe Ritter. L’ouverture de six nouveaux centres lourds a ainsi été décidée, alors que le Sros a estimé que les besoins en centres étaient bien couverts en Ile-de-France. Ces nouvelles autorisations «risquent de freiner, dans certains territoires, le développement de la dialyse hors centre et même de mettre en péril certaines structures déjà installées», mettent en garde les néphrologues franciliens. Effet induit, «le risque d’une augmentation explosive du coût de la dialyse» et, partant, celui d’un amoindrissement de la qualité des soins (puisqu’il faudra bien réduire ces coûts).
Dans l’attente d’une réponse du directeur de l’ARH, le Dr Lacaille évoque «un fiasco total». Il constate : «Les néphrologuessont complètement démotivés, la confiance est perdue et, surtout, les malades vont pâtir de cette situation. C’est une catastrophe.»
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