DEPUIS LE 1er SEPTEMBRE, le taux de prise en charge du Synagis, médicament des Laboratoires Abbott, est passé de 100 à 35 %. Ce qui n’est pas rien.
La nouvelle, précisée par l’arrêté paru le 25 août au « Journal officiel », a fait grand bruit dans la communauté médicale, et notamment chez les pédiatres, les néonatologistes. Cette spécialité, prescrite dans des indications très précises et limitées aux prématurés de moins de 35 semaines et à ceux présentant une dysplasie bronchopulmonaire ou une cardiopathie, est particulièrement efficace dans la prévention des infections respiratoires dues au virus respiratoire syncytial (VRS). «C’est le seul traitement préventif de la bronchiolite lié au VRS chez l’enfant né prématurément», écrit dans la tribune libre ci-dessous le Pr Brigitte Fauroux, de l’hôpital d’enfants Armand-Trousseau à Paris. D’où son incompréhension devant cette décision, prise d’abord, n’hésite-t-elle pas à dire, «pour réduire les dépenses de la Sécurité sociale».
Incompréhension aussi chez le Pr Claude Lejeune, de l’hôpital Mourier à Colombes. «Cela a été une grande surprise pour nous, d’autant que la décision a été prise sans que nous ayons été consultés ou tout simplement contactés.» Certes, l’AMM du Synagis, que l’on peut consulter dans le « Vidal », indique bien que ce médicament est inscrit sur la liste des médicaments remboursables à 100 % jusqu’au 1er juin 2006 seulement. Mais la brutalité de la mesure a surpris la communauté médicale, qui ignorait cette limitation dans le temps du remboursement intégral.
Conséquences sociales.
La forte réduction de son taux de prise en charge a aussi de sérieuses conséquences éminemment sociales. Car ce médicament est onéreux. Le traitement consiste en cinq injections – une par mois, à partir de septembre ou d’octobre – et son coût total approche les 5 000 euros. Une dépense d’autant plus élevée que nombre de familles de prématurés sont souvent de condition modeste et viennent de milieux défavorisés. «Pour l’instant, tempère cependant le Pr Lejeune, les demandes de remboursement à 100% que nous avons formulées ne semblent pas avoir été rejetées.» Il est vrai que du côté du ministère de la Santé, où l’on est quelque peu gêné, on affirme que l’on a demandé aux caisses d’assurance-maladie d’être conciliantes pour que les enfants des familles qui n’ont ni CMU ni assurance complémentaire puissent quand même bénéficier du médicament s’il leur est indispensable. Le recours au Fonds national de solidarité est fortement suggéré.
Il n’empêche : il semble bien que, depuis cette réduction du taux de remboursement, le nombre d’injections a diminué. Ce que confirme le directeur médical des Laboratoires Abbott France, le Dr Gérard Goldfarb, qui indique que, par rapport à septembre 2005, la demande en septembre 2006 a baissé de plus de 40 %, et les statistiques d’octobre devraient confirmer ces données, dit-il.
La position du gouvernement dans cette affaire est délicate, puisqu’il doit faire face à des protestations de la communauté médicale, mais qu’il doit aussi tenir compte du verdict de la commission de la transparence qui évalue l’efficacité des médicaments. Or la dernière étude réalisée en 2004 par cette instance a été particulièrement sévère, puisque, tout en affirmant qu’il n’existait pas «d’alternative médicamenteuse à cette spécialité», elle jugeait que le Synagis avait un «service médical rendu modéré» et que son impact était «faible dans la population pour laquelle il est déjà pris en charge». Des arguments relevés par le ministère de la Santé pour justifier une baisse du taux de remboursement. Une nouvelle évaluation devrait être menée en 2007.
De son côté, la Mutualité ne décolère pas contre la décision du gouvernement, qui va se traduire pour les mutuelles, selon elle, par un «coût de 11millions d’euros». A condition qu’elles acceptent de prendre en charge le traitement. Or il semble que certaines d’entre elles le refusent d’ores et déjà. Ce qui ajouterait à la confusion. Mais c’est aussi une manière de mettre le gouvernement devant ses responsabilités et de le pousser à revenir sur sa décision. Car, en l’occurrence, ce sont 6 000 enfants qui sont concernés, comme l’écrit le Dr Fauroux.
Ce qui explique sans doute la recherche d’un compromis par toutes les parties intéressées. Un compromis qui pourrait intervenir rapidement, si l’on en croit certaines indiscrétions. Il est simplement dommage que la solution n’ait pas précédé la décision.
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