Une grande famille

Les mycobactéries atypiques se multiplient

Publié le 07/02/2008
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Les mycobactéries non tuberculeuses constituent, à côté des mycobactéries tuberculeuses et lépreuses, une grande famille de bactéries très répandues dans la nature, mais rarement responsables d'infections humaines pulmonaires ou extrapulmonaires. La révolution de la biologie moléculaire a totalement modifié la taxonomie des mycobactéries et donc la pratique des cliniciens et des bactériologistes. Si beaucoup de praticiens connaissent M. avium, M. xenopi ou M. kansasii, rares sont ceux qui ont entendu parler de M. boenickei, M. brisbanense, M. heckeshornense, M. houstonense, M. pinnipedii, M. saskatchewanense ou M. wolinskyi

M. avium souvent en cause dans les infections à mycobactéries survenant au cours de la mucoviscidose (dr)

PAR LE Pr Bertrand Dautzenberg*

AVEC LES PROGRèS de la biologie moléculaire – le gène ARNr16S est maintenant le standard pour identifier les nouvelles espèces –, la taxonomie des mycobactéries est devenue plus complexe et la liste des mycobactéries atypiques est passée de 50 en 1997 à plus de 125 dix ans plus tard (www.bacterio.cict.fr). En effet, quand l'appareillement entre ADN est inférieur à 70 %, on définit une nouvelle espèce. Le nombre d'espèces augmente presque chaque mois, essentiellement par démembrement de familles non homogènes, par exemple M.triplex, M.lentiflavum, M.celatum et M.conspicuum étaient auparavant classés au sein de la famille M.avium sur l'identification traditionnelle.

Pathogénie et présentations cliniques.

L'infection par le VIH n'est plus le terrain sur lequel se développent le plus les mycobactéries atypiques, comme c'était le cas dans les années 1990. Les progrès des traitements antirétroviraux ont permis de pratiquement faire disparaître ce type d'infections sur ce terrain, prouvant, s'il en était besoin, que la plupart des infections à mycobactéries ne sont pathogènes que sur des sujets très immunodéprimés.

Les traitements par anti-TNF favorisent les mycobactérioses, comme ils favorisent les tuberculoses. Ainsi, des mycobactéries non ou très peu pathogènes le deviennent chez des sujets sous anti-TNF. Il a ainsi été décrit un cas fatal d'infection à Mycobacterium peregrinumpneumonia chez un patient traité pour une polymyosite et des infections à Mycobacterium abscessus, M.fortuitum ou M.avium.

La mucoviscidose a fait l'objet de nombreuses études. Il apparaît clairement que les mycobactéries sont responsables d'exacerbations. On rapporte de 4 à 20 % d'infections à mycobactéries au cours des mucoviscidoses en Europe. Une grande étude menée aux Etats-Unis a retrouvé 16 % de cultures positives. Les germes isolés sont M.avium (76 %) et M. abscessus (18 %). Après l'âge de 40 ans, plus de 40 % des sujets sont infectés.

Les infections pulmonaires à mycobactéries surviennent principalement sur des poumons malades, portant des séquelles de silicose, de tuberculose, mais la maladie peut survenir sur des poumons sains, en particulier chez la femme au moment de la ménopause, sans que l'on explique clairement cette sensibilité particulière dans cette situation.

Quelques cas familiaux (dans une trentaine de familles) d'infections à mycobactéries ont été rapportés. Des mutations ont été identifiées sur cinq gènes codant pour l'interleukine-12-dépendant de la voie de l'interféron.

La clarithromycine reste la base du traitement.

Le traitement des infections à mycobactéries repose toujours, sauf pour les bactéries à croissance rapide, sur les données de la sensibilité de l'espèce plus que sur l'antibiogramme précis de chaque souche, dont la détermination reste de diagnostic délicat. Si la sensibilité n'est pas habituelle, il mieux vaut se concerter avec le centre de référence des mycobactéries.

La clarithromycine reste la base du traitement. L'éthambutol est souvent utile pour fragiliser les parois des mycobactéries. La rifabutine a un effet proche de celui des rifampicines. La place des nouvelles quinolones, en particulier de la moxifloxacine, n'est pas encore établie, même si elle semble active, en particulier contre M.xenopi.

La place du linézolide fait encore l'objet d'évaluation, mais la tolérance pour une utilisation très prolongée n'est pas très bonne, du fait, en particulier, de la survenue de polynévrite.

Les médicaments, à part le linézolide et l'arrivée de nouvelles quinolones, sont presque les mêmes qu'il y a quinze ans. C'est donc davantage la façon dont est manié le traitement que l'apparition de nouvelles molécules qui a amélioré le pronostic. Si la souche reste sensible à la clarithromycine, la guérison, qui était l 'exception, est maintenant la règle dans toutes les formes de mycobactérioses.

* Service de pneumologie et réanimation, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

DAUTZENBERG Bertrand

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8307