« LA RECHERCHE clinique est un élément essentiel pour notre attractivité et notre avenir, (...) je compte dessus pour faire progresser l'ensemble de l'AP-HP », a déclaré la directrice générale de l'AP-HP, Rose-Marie Van Lerberghe, face aux cliniciens de l'institution réunis à l'hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, pour une deuxième « Journée de la recherche clinique hospitalière ».
Au sein de ses 39 hôpitaux, l'AP-HP coordonne 462 projets de recherche biomédicale et accueille près de 900 essais pour des promoteurs extérieurs, industriels essentiellement. Près de 60 000 patients ont participé ou participent encore à la recherche clinique au sein de l'AP-HP. Parmi les principaux champs thérapeutiques couverts, on trouve les études de physiopathologie (36 %), les essais sur le médicament (29 %) et les études génétiques (12,2 %).
« Incroyable potentiel ».
« Nous avons un incroyable potentiel : des banques de tissus, des populations de malades variées et des médecins, a repris Rose-Marie Van Lerberghe. Il faut tirer le bénéfice de notre unité, être en émulation en interne. Car avec la T2A [tarification à l'activité, ndlr] , nous allons entrer en concurrence avec les autres CHU. (...) Il convient que l'AP-HP ait un plan de recherche propre. (...) Aujourd'hui, nous consacrons 2,5 millions d'euros de fonds propres à la recherche clinique. Ces moyens ont été augmentés dès cette année, et ils vont doubler d'ici à 2007. Si l'évaluation (des essais cliniques menés) est satisfaisante, on procédera à un nouveau doublement des moyens, pour atteindre 10 millions d'euros en 2010. »
Ces moyens supplémentaires seront les bienvenus sur le terrain, car malgré les atouts de l'AP-HP, des freins demeurent. Ainsi, le Pr Bruno Varet, Puph à l'hôpital Necker, est intervenu pour dénoncer la surcharge de travail administratif : « On doit comptabiliser les points ISA [indices statistiques d'activité] , les sorties. Il y a un risque énorme de gâchis d'une génération qui s'est investie dans la recherche. Ce n'est peut-être pas un hasard si un certain nombre de collègues partent au Canada. » Un praticien qui mène des recherches sur le VIH à l'hôpital Bichat a dénoncé le manque d'effectifs. Un autre clinicien a demandé que soient raccourcis les délais de libération des crédits pour les unités de recherche clinique.
Le directeur du département de recherche clinique et du développement (Drcd) à l'AP-HP, Nicolas Best, a tenté de motiver les troupes, en insistant sur le cap difficile à passer en raison de la transposition de la directive européenne de 2001 en droit français - les décrets sont attendus au premier trimestre 2005 : « Il y a un effort de mobilisation à faire. On passe d'un système où les hôpitaux promoteurs envoyaient une simple notification aux tutelles - Afssaps ou DGS -, à un système de demande d'autorisation, avec un numéro d'enregistrement géré à Londres. Les compétences des comités de protection des personnes sont renforcées. Pendant l'essai, la pharmacovigilance sera renforcée, avec obligation de rapport annuel. Et après l'essai, le CHU promoteur aura obligation de transmettre les résultats aux patients qui le souhaitent. Tout cela va compliquer notre travail, a affirmé Nicolas Best . Certains petits CHU n'auront peut-être pas les moyens de monter ces dossiers complexes. Grâce à sa taille critique, l'AP-HP a de meilleurs outils pour passer ce cap. Notre établissement s'adapte et s'organise pour faire face. Aujourd'hui, on peut dire qu'on est déjà en ordre de marche. »
Un effort tout particulier est demandé aux médecins investigateurs, pour que chaque essai soit mené conformément à la réglementation en vigueur. « Il nous arrive de courir après des consentements égarés, on constate parfois que le consentement est signé par un interne, qui n'a pas d'existence légale dans les essais, on sait aussi que certains médecins refusent d'inclure des patients », regrette le Dr Olivier Chassany, du département de recherche clinique de l'AP-HP. « Bon nombre d'essais menés à l'AP-HP sont à haut risque, - un risque vital pour le malade, judiciaire pour le médecin, poursuit le Pr François Lemaire, délégué du groupe hospitalo-universitaire sud de l'AP-HP . Les plaintes des patients augmentent. Pour toutes ces raisons, les médecins doivent se rappeler que la recherche n'est pas un droit que nous avons sur les patients. Ils doivent en permanence être conscients des risques encourus. » A ce sujet, la directrice générale a annoncé qu'elle souhaite mettre l'accent sur l'évaluation des essais cliniques menés au sein de l'AP-HP.
Une dotation spécifique au sein de la T2A
Aujourd'hui, l'enseignement et la recherche sont financés à hauteur de 1,9 milliard d'euros dans les CHU et les centres de lutte contre le cancer, par le biais d'un abattement de 13 % sur la valeur du point ISA (indice statistique d'activité). Cette somme sera-t-elle conservée en 2005, voire augmentée ? Conviée à la journée de l'AP-HP pour expliquer le changement du mode de financement de la recherche clinique avec le passage à la tarification à l'activité (T2A), Martine Aoustin, qui dirige la mission T2A au ministère de la Santé, a présenté le principe de la réforme, sans entrer dans le détail des chiffres : « Il n'y a aucune raison que le financement des missions d'intérêt général [enseignement, recherche, innovation, ndlr] fluctue en fonction de l'activité de soins hospitaliers. Nous avons fait le choix de financer ces missions par dotation, de les sanctuariser dans le cadre de la T2A. Les ressources seront allouées contractuellement par les ARH aux établissements. » Une évaluation du service rendu dans les domaines de l'enseignement et de la recherche pourra déboucher à terme sur une modulation du financement de ces missions, avec l'instauration d'une part fixe et d'une part variable, a précisé Martine Aoustin. Cette possibilité est ouverte au débat, de même que les critères à retenir pour moduler le financement de la recherche clinique dans les CHU - cela pourra être le nombre, par exemple, de Puph, de protocoles de recherche dont l'établissement est promoteur, de brevets déposés, d'unités Inserm, de publications, etc.
> D. CH.
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