Le temps de la médecine
« On parle de la douleur ; ce sujet n'est plus tabou. Le public a pris conscience que la douleur peut et doit être prise en charge » : chargée d'évaluer le plan de lutte contre la douleur 1998-2000 lancé par Bernard Kouchner, la Société française de santé publique (1) prenait acte des progrès accomplis. Mais c'était pour ajouter immédiatement : « Cette information demande à être relayée par des professionnels qui n'y sont pas toujours préparés. »
Parmi les failles relevées : une formation initiale des médecins insuffisante comme la formation sur l'utilisation des réglettes et autres techniques d'évaluation, d'importantes disparités régionales dans la formation continue des paramédicaux hospitaliers, des freins dans l'accès aux opioïdes (surtout la nuit et le week-end) malgré les ordonnances sécurisées, les centres antidouleur encore mal connus et pas assez nombreux.
Le Dr Daniel Annequin (responsable de l'unité douleur de l'hôpital Trousseau, à Paris, et chef de projet du programme de lutte contre la douleur) faisait le même diagnostic : « Les résistances et les dysfonctionnements demeurent largement majoritaires. Le meilleur côtoie le pire au sein d'un même établissement d'un même service. »
Le deuxième plan de lutte, lancé par Bernard Kouchner et repris par Jean-François Mattei, pour qui la lutte contre la douleur est « l'indicateur de la qualité des soins d'un pays », a donc pour but de combler ces lacunes. Il se veut essentiellement pragmatique, avec trois nouvelles priorités nationales : la douleur provoquée par les soins et la chirurgie, la douleur de l'enfant, la prise en charge de la migraine.
Cinq objectifs doivent être poursuivis. Tout d'abord améliorer l'information et la formation des professionnels : 17 documents seront élaborés et un Centre national de ressource de lutte contre la douleur sera mis en place. Deuxième objectif : renforcer le rôle de l'infirmier, avec la création de 125 postes pour accompagner le programme d'amélioration de prise en charge de la douleur dans les établissements. Et pour susciter cette démarche d'amélioration - troisième objectif -, un guide « Pour la mise en place d'un programme de lutte contre la douleur dans les établissements de santé » a été élaboré.
Contrat d'engagement
Les usagers sont pour leur part mieux informés - quatrième objectif - grâce au « Contrat d'engagement contre la douleur », nouvelle version du « Carnet douleur », qui doit être remise dès le début de l'hospitalisation (2). Enfin, pour améliorer l'accès des personnes souffrant de douleurs chroniques rebelles à des structures spécialisées, il est prévu que chaque département dispose d'une consultation antidouleur (en octobre dernier, 34 en étaient dépourvus) et chaque région d'un centre antidouleur (5 n'en ont pas) ; doit aussi être créé un centre expérimental de référence sur la migraine de l'enfant, sur le modèle du centre de la migraine de Lariboisière, à Paris ; dans ce chapitre, une vingtaine de postes de praticiens hospitaliers sont promis.
Reste la question des soins palliatifs qui, pour certains, débouche sur celle de l'euthanasie. Jean-François Mattei répond avec le plan antidouleur et la promesse que chaque département disposera d'une offre en soins palliatifs dans les quatre ans. « Il me semble que la demande d'euthanasie n'est jamais que l'expression ultime et désespérée du refus de la souffrance, de l'abandon et de la solitude, dit-il. Si notre société accordait toute leur importance à la prise en charge de la douleur, aux soins palliatifs et à l'accompagnement des mourants, nul doute que la demande d'euthanasie perdrait sa légitimité pour disparaître. »
(1) Rapport de Cécile Lothon-Demerliac, Anne Laurent-Beq, Pauline Marec. Il peut être consulté intégralement sur le site www.sfsp-france.org
(2) Le contrat d'engagement type peut être téléchargé sur le site Internet du ministère : www.sante.gouv.fr
Les centres antidouleur
La prise en charge de la douleur doit être le fait, en première intention, du médecin traitant. Si la douleur devient chronique et rebelle et perdure plus de trois à six mois, le praticien doit adresser son patient à une structure spécialisée.
Il existe trois types de structures :
- les consultations pluridisciplinaires (au moins trois médecins, dont un psychiatre et un médecin spécialement formé à la prise en charge de la douleur chronique) ;
- les unités pluridisciplinaires, qui disposent de lits d'hospitalisation et permettent de recourir à un plateau technique ;
- les centres pluridisciplinaires, situés dans les CHU et qui ont également des activités d'enseignements et de recherche.
La liste des structures antidouleur peut être consultée sur le site Internet du ministère de la Santé : www.sante.gouv.fr/douleur/5-adresses
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