LES RAISONS qui expliquent le nombre insuffisant de soldats français envoyés au Liban sont multiples et toutes sérieuses : l’armée n’est pas enthousiaste, car elle ne sous-estime pas les dangers auxquels ses hommes seront exposés ; tout le monde se souvient de l’attentat du « Drakkar », en 1983, qui a causé la mort de plus de 50 de nos soldats ; déjà, à l’époque, une connivence syro-irano-hezbollienne avait mis fin à une intervention franco-américaine (250 militaires américains avaient péri dans un attentat semblable). La menace que le Hezbollah représente pour le Liban et pour Israël semble, en outre, plus sérieuse depuis que ses guérilleros ont tenu tête à l’Etat hébreu et ne s’embarrassent pas plus de scrupules aujourd’hui qu’il y a vingt-trois ans.
Mais la gravité du danger devrait justement entraîner une détermination d’autant plus grande de la France et de l’Europe. Il nous semble que l’analyse selon laquelle la guerre israélo-libanaise a été voulue par l’Iran en tant que diversion au dossier nucléaire est partagée par presque tout le monde : il appartient à l’Europe et aux Etats-Unis de démontrer à Mahmoud Ahmadinejad que ses jeux pervers peuvent être contrés par une diplomatie active et efficace. C’est en ce sens qu’il faut saluer le cessez-le-feu : Téhéran a créé un nouveau rapport de force au Proche-Orient, les Etats-Unis et l’Europe doivent montrer non seulement que la paix est possible, mais aussi qu’il s’agit d’une paix armée.
Fléchissement.
Il est donc apparu que la France a fléchi au moment décisif, celui où elle devait administrer la preuve qu’elle était en mesure de déjouer les calculs iraniens. C’est d’autant plus regrettable qu’elle avait oeuvré avec intensité et succès à la mise en place du cessez-le-feu auquel elle apportait ses garanties. Ce qui a déplu aux Américains, peut-être prompts à nous juger sévèrement, c’est la distance entre le discours et les actes : nous avons été très bons pour les mots, beaucoup moins bons au moment d’agir.
Mais la concertation européenne souhaitée par la France peut venir à bout de difficultés qui semblent temporaires : si le chef de l’Etat continue à refuser d’augmenter le corps expéditionnaire français, ce sera son affaire. Mais sans doute en augmentera-t-il les effectifs si d’autres pays, comme l’Italie, s’engagent à envoyer au Liban des troupes en nombre suffisant.
Pourquoi avons-nous une responsabilité au Liban ? Parce que ce pays est cher à M. Chirac ? Parce que c’est un pays francophone ? Parce que ce pays a énormément souffert des bombardements israéliens ? Parce que beaucoup de Français y vivent ou que des Libanais ont la double nationalité ? Toutes ces explications sont excellentes. Mais le fond de l’affaire, c’est l’influence iranienne à laquelle il faut à tout prix arracher le Liban : le Hezbollah y perpétue la domination syrienne, avec l’aide active de l’Iran.
Non seulement le Liban n’est pas la démocratie qu’il prétend être, mais il est promis à la violence tant qu’il abritera une très lourde menace contre Israël. Les Libanais ne peuvent pas dire qu’ils ne veulent que la paix, comme ils l’ont fait pendant que les combats faisaient rage, alors que certains de leurs concitoyens (qu’ils ont vivement soutenus) faisaient pleuvoir des milliers de missiles sur Israël. C’est trop facile. A n’en pas douter, le Liban est, d’une façon générale, une nation pacifique qui ne méritait pas de telles souffrances. Mais les Libanais doivent admettre qu’ils doivent ces souffrances autant au Hezbollah qu’aux Israéliens.
LA FORCE D'INTERPOSITION DE L'ONU EST LE SEUL MOYEN D'ARRACHER LE LIBAN A L'INFLUENCE DE TEHERAND’autant qu’Israël a lui aussi besoin d’une trêve longue et, si c’est possible, d’une paix durable sur sa frontière nord. C’est pourquoi le gouvernement d’Ehud Olmert a accepté sans ratiociner le cessez-le-feu exigé par l’ONU, alors que le Hezbollah n’est ni vaincu ni désarmé, même s’il a subi de lourdes pertes. On devrait d’ailleurs moins reprocher à Israël la guerre d’un mois qu’il a déclenchée que les résultats insuffisants de cette guerre ; un peu comme en Irak où les résultats de l’invasion américano-britannique sont pires que la situation antérieure. La polémique entre les Israéliens et leur gouvernement, qui a changé de stratégie au milieu du conflit, et dont les généraux ont « pêché par arrogance », selon l’aveu de l’un d’entre eux, démontrent une fois encore la vigueur de la société israélienne : ce n’est pas l’usage de la force qui doit être mis en question contre un ennemi déterminé, c’est son efficacité.
Il n’y a donc pas de doute à nos yeux : l’idée que la riposte israélienne a été « disproportionnée » (Chirac) ou « surdimensionnée » (Jospin) relève exlusivement de la sémantique diplomatique ; il suffit d’imaginer une réponse « discrète » de la France si Ventimiglia envoyait 5 000 roquettes sur Menton.
Riposte à l’Iran.
Provoqué par le Hezbollah alors que les Israéliens se battaient déjà contre le Hamas à Gaza, alors que M. Ahmadinejad répétait tous les jours qu’il fallait rayer l’Etat juif de la carte, alors que Téhéran construit une bombe qui en fera une puissante dominante au Proche-Orient, Israël n’avait pas le choix : tous ceux qui lui conseillent de négocier avec ses pires ennemis, du Hamas au Hezbollah, oublient qu’il faut être deux pour parlementer. Téhéran a envoyé un message à Israël, mais aussi à l’Europe et aux Etats-Unis ; Israël a répondu par un autre message qui, même si ses gains militaires sont insuffisants, fait comprendre clairement à ses ennemis que, pour le rayer de la carte, il faudra souffrir au-delà de la valeur de l’enjeu. A la France, à l’Europe de confirmer la substance de la riposte israélienne par une diplomatie qui repose sur des moyens militaires convenables.
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