IL Y AVAIT FOULE, jeudi et vendredi à la Mutualité, à Paris. Les professionnels de la prévention se pressaient aux différents ateliers du riche programme des Journées organisées par l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (INPES). Elles ont été inaugurées «pour la première fois par deux membres du gouvernement», s'est réjoui Philippe Lamoureux, directeur général de l'institut, en accueillant le haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, et la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Preuve, a-t-il conclu, de la place grandissante que prend la prévention dans la politique de santé publique.
Cibler les actions.
C'était l'occasion pour l'INPES de dévoiler les résultats approfondis du Baromètre santé 2005 (« le Quotidien » du 11 avril). Philippe Lamoureux a évoqué les quinze chapitres dans le prisme des inégalités. Inégalités de genre, inégalités selon le niveau d'études ou de revenus, inégalités selon l'activité professionnelle, avec l'indéniable marginalisation des personnes au chômage.
«Les données du Baromètre dévoilent de fortes inégalités, et nous menons d'ailleurs une réflexion internationale, financée par la Commission européenne, sur les stratégies susceptibles de limiter ces inégalités.»
Des 594 pages du rapport, il ressort notamment que les différences de genre ont «des implications directes sur les attitudes, les représentations et les comportements». De même, ces chiffres, poursuit Philippe Lamoureux, «confirment que les moyens traditionnels d'intervention en prévention se révèlent plus efficaces en direction des populations ayant un niveau de diplôme élevé qu'envers celles qui ont un niveau faible».
L'INPES avait, par exemple, ciblé les hommes et leur rapport spécifique à l'alcool dans une campagne télévisée intitulée « La boucle » (un homme, interrogé dans un bar, un verre à la main, assure n'avoir «aucun problème avec l'alcool», contrairement à… Untel, qui, interrogé à son tour, fait la même réponse en citant un troisième et ainsi de suite). Ce message «n'aurait pu être transposable aux femmes».
Une attention toute particulière a été portée également aux catégories sociales les moins diplômées. Pour les actions de promotion de la santé en direction des populations issues de l'immigration, la prévention des accidents de la vie courante, la lutte contre les infections respiratoires, etc., «nous travaillons sur des outils simplifiés, avec beaucoup d'images et peu de texte. Ce que font les pays anglo-saxons depuis longtemps».
Ecouter les personnes en difficulté.
Martin Hirsch a ouvert ces Journées avec un voeu : des moyens pour la prévention chez les plus pauvres. «Les gens pauvres aussi savent ce qui est bon pour eux. Pas besoin de leur délivrer des messages d'hygiène alimentaire pendant des heures, de leur expliquer que les fruits et les légumes sont meilleurs pour leur santé que les produits gras. Une fois que vous leur avez dit cela, ils vous parlent des 3,50euros qui font la différence entre le paquet de gâteaux et le kilo de cerises.»
«La France détient le record d'espérance de vie, mais aussi celui des écarts d'espérance de vie entre les catégories sociales. Et la réponse dépend notamment de vous, a-t-il lancé en s'adressant à l'assemblée. Lorsqu'une femme, caissière, dont l'enfant doit être traité pour une atteinte au cerveau, n'a d'autre choix que cet hôpital prestigieux parisien… public où le chirurgien ne consulte qu'en secteur privé, à 400euros la séance et que, contrainte de cesser son activité professionnelle, elle se surendette à 70000euros… C'est inacceptable.»
«Si vous voulez faire des politiques de prévention, vous devez prendre en compte ces contraintes budgétaires, qui sont considérables. Par ailleurs, il faut savoir écouter ces personnes en difficulté et les considérer comme des acteurs à part entière. Je vous invite à remplir la Mutualité avec elles et à discuter, et vous verrez que vous n'aurez pas perdu votre temps ni votre argent.»
Message reçu, a affirmé la ministre de la Santé dans son discours inaugural. «Certaines campagnes de prévention visent notre population tout entière (...), notamment la sensibilisation autour des questions de nutrition ou de l'activité physique quotidienne nécessaire. D'autres ont pour but d'alerter et de protéger des segments très précis de notre société. Discours et moyens d'actions doivent être adaptés à leurs besoins.»
La ministre a suggéré l'idée de créer une spécialité dans le domaine de la prévention, qui «prendrait appui sur des enseignements pluridisciplinaires de haut niveau» afin de former les professionnels. Elle a, par ailleurs, indiqué qu'une vaste réflexion est actuellement en cours sur l'intégration de la prévention dans le champ de compétence des futures ARS (agences régionales de santé). «La prévention constituera ainsi l'un des axes essentiels de la loi de modernisation de l'offre de soins que je porterai devant le parlement en septembre.»
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