LE TEMPS DE LA MEDECINE
« LORSQU'ON parle de peau artificielle, la plupart des gens imaginent un revêtement, substitut cutané, qui prendrait la place de la peau. Il n'en est rien. Il s'agit d'une solution temporaire. » Cette peau artificielle sur laquelle le Dr Hervé Carsin, chef de service du centre de traitement des brûlés, hôpital Percy (Clamart), rétablit la vérité, est l'un des choix devant des brûlures profondes et étendues.
« Ce revêtement artificiel, dont le seul modèle disponible se nomme Intégra, est constitué de deux parties. Une couche superficielle épidermique en silicone, qui a une fonction de protection, et une couche profonde dermique constituée d'une éponge de collagène et de molécules biodégradables. » Le Dr Carsin rappelle que, chez le brûlé, il faut tout d'abord exciser les tissus nécrotiques, non vascularisés. L'application d'un substitut cutané devient indispensable pour limiter les pertes hydriques ou calmer les douleurs. La peau artificielle est mise en place pour une durée de trois semaines. « Au cours de cette période, l'éponge de collagène va être colonisée par les cellules du patient et par ses vaisseaux. Progressivement, se constitue un néoderme qui donne son architecture au processus de cicatrisation. Autre avantage, la réaction inflammatoire est moindre que lors de la réparation spontanée du derme. Elle donne, enfin, des cicatrices moins hypertrophiques. »
Silicone et derme biodégradable.
Au terme des trois semaines, la couche superficielle de silicone est retirée. Ici se passe une étape où les options thérapeutiques se rejoignent : une autogreffe de peau est réalisée. Elle recouvre la couche profonde du revêtement artificiel. Ce derme biodégradable est progressivement éliminé par des collagénases.
« Le prix d'Intégra est de 4,5 euros le cm2. Il faut penser qu'elle s'adresse à des surfaces considérables, souvent de 20 à 30 % du revêtement cutané, estimé à 18 000cm2. »
L'autre possibilité thérapeutique chez le brûlé est la greffe de peau. Elle doit contourner plusieurs difficultés. Tout d'abord, « celle du rejet des éléments épidermiques étrangers. Le seul donneur de peau pour un individu est lui-même », explique le Dr Carsin. Ensuite, greffer la propre peau du patient sous-entend prélever des filets cutanés. « Jusqu'à 40 à 50 % de brûlures, cela reste encore possible. Au-delà, il n'y a plus assez de peau disponible ou le patient est trop fragile. Prendre une greffe, c'est en quelque sorte augmenter l'étendue de la brûlure, l'équilibre du malade est mis en péril. »
Culture d'épiderme.
Les possibilités sont donc l'allogreffe avec peau prélevée sur un cadavre, mais « le manque est terrible en France » ; la peau artificielle, qu'il faudra recouvrir d'une autogreffe (les cultures de peau ne tiennent pas sur ce revêtement artificiel) ; et, lorsqu'il n'est pas possible de réaliser l'autogreffe pour cause de brûlures trop étendues, la culture de peau. « Ce que l'on appelle culture de peau est en fait une culture d'épiderme. La technique utilisée est celle de Green, qui possède un énorme pouvoir d'expansion. A partir d'un centimètre carré prélevé, on obtient en quinze à vingt jours 1 m2. C'est colossal ! En prélevant de 2 à 4 cm2, nous obtenons la surface nécessaire. » En pratique, plusieurs obstacles existent : le patient doit être stérile, les antiseptiques altèrent les greffons, la culture est très fragile, les cellules, « chouchoutées »in vitro, sont déposées sur un derme en mauvais état, mal vascularisé. Enfin, quand la greffe est réussie, la déception peut venir de la cicatrice. « Ce mauvais résultat esthétique est probablement dû à un manque d'éléments de la jonction dermo-épidermique. Les chercheurs pensent de plus en plus qu'il faudrait pratiquer les greffes sur un derme de qualité avec des fibroblastes probablement spécialisés. Les kératinocytes pourraient alors s'y fixer convenablement. C'est l'enjeu des années à venir. Si nous y parvenons, le problème de la couverture des grand brûlés sera quasiment résolu. »
Les indications
Selon le Dr Hervé Carsin, les indications de remplacement cutané peuvent se séparer schématiquement en trois niveaux.
Pour des brûlures profondes touchant moins de 40 % de la surface corporelle, le traitement repose sur les autogreffes classiques.
Entre 40 et 60-70 %, les médecins peuvent choisir entre les allogreffes ou la peau artificielle, suivie d'autogreffe. Les brûlures dépassant 70 % de la surface du corps justifient une autogreffe après culture de peau. Une indication spécifique, enfin, concerne l'Integra dans la chirurgie des zones fonctionnelles, comme le cou : les résultats sont bien meilleurs qu'avec les autogreffes classiques (moindre rétraction, aspect moins inflammatoire) et inclinent à utiliser cette méthode même pour des surfaces limitées.
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