Les mots et les images

LE SPECTATEUR est comme ceux qui croisent le chemin d’Hannah. La jeune femme travaille dans une usine, en Irlande ; elle est sourde, et débranche le plus souvent son appareil auditif, refusant de se mêler aux autres, d’établir quelque lien que ce soit. Nul ne sait d’où elle vient, qui elle est. Le spectateur est comme Josef, le blessé qu’Hannah va soigner. Lui aussi voudrait qu’elle parle, qu’elle dise les «mots perdus qui errent pendant très longtemps dans les limbes du silence (les malentendus, les erreurs, le passé et la souffrance)», comme l’exprime la réalisatrice.

La Catalane Isabel Coixet, 45 ans, publiciste, auteur de plusieurs films, dont « Ma vie sans moi » (2003), avait envie de trouver une histoire se situant dans le microcosme d’une plate-forme pétrolière depuis qu’elle en avait visité une au Chili en 2003. C’est le coeur du film, un huis clos métaphorique dans lequel le duo central des deux grands blessés de la vie est entouré d’une poignée d’hommes qui semblent également en souffrance, mais la vie ne sera qu’effleurée.

Coixet souhaitait aussi, depuis qu’elle avait réalisé un documentaire sur le Conseil international de réhabilitation pour les victimes de torture (Irct), créé à Copenhague par le Dr Inge Genefke, aborder le sujet. C’est ce qui, dans le film, est le plus fort et en même temps un peu empêtré dans la bonne volonté militante.

Sarah Polley arrive à le jouer avec ce qu’il faut de finesse et une grande émotion. Tim Robbins, toujours partant pour une bonne action cinématographique, est lui aussi convaincant. « The Secret Life... » (à voir dans la VO anglaise) a trouvé son public en Espagne et conquis quatre goyas (l’équivalent des oscars et césars), dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario. Coixet a trouvé les mots mais aussi les images.