DE NOTRE CORRESPONDANT
« AVEC L'AUGMENTATION du nombre de personnes âgées, il y a de plus en plus de dialectophones dans les cabinets médicaux et les hôpitaux », constate le Dr Befort, qui, lui-même, a parlé régulièrement l'alsacien avec une bonne moitié de ses malades au cours de ses quarante ans d'exercice comme généraliste à Strasbourg. Il a donc souhaité aider ses confrères et les soignants en général à mieux se faire comprendre et à mieux comprendre leurs malades, en établissant avec le linguiste Léon Daul un lexique des termes médicaux français et alsacien, le « Dialectionnaire médical ». « Cela répond à un besoin, car les gens qui souffrent préfèrent souvent s'exprimer dans leur dialecte natal plutôt qu'en français », explique-t-il. En outre, certains patients âgés perdent l'usage des langues apprises, dont le français, et ne s'expriment plus qu'en alsacien, ce qui peut être un casse-tête... d'autant que les soignants les plus jeunes sont moins nombreux qu'autrefois à pouvoir les comprendre.
Ce lexique médical français-alsacien, complété par des dialogues et un rappel de la grammaire et de la prononciation, pourra être utilisé aussi bien par les médecins que par les pharmaciens, les dentistes ou les infirmières. Il en existe en outre une version abrégée, destinée par exemple aux urgentistes, souvent non dialectophones, qui accueillent une personne âgée à l'hôpital. « Il y a déjà des lexiques de ce type pour l'arabe ou le turc, et il était grand temps que cela se fasse pour l'alsacien », soulignent les auteurs.
Un dialecte très riche.
Au-delà du recueil des termes et des phrases, les deux auteurs ont découvert la richesse du dialecte en matière de santé : pour dire « je suis déprimé », l'Alsacien peut utiliser une vingtaine d'expressions différentes, souvent beaucoup plus poétiques et savoureuses que le mot « déprimé » ; de même, aller chez le « docteur du sucre » est plus parlant que consulter le diabétologue.
Agrémenté de dessins et d'anecdotes, le « Dialectionnaire médical » est le témoin d'une culture et d'une sensibilité : même si l'alsacien connaît un certain renouveau actuellement, à l'image d'autres langues régionales, il était temps de fixer par écrit ce patrimoine linguistique. « Ce qui est extraordinaire, concluent le Dr Befort et Léon Daul, c'est de voir que l'alsacien dispose de mots et d'expressions qui permettent de traduire sans problèmes les termes les plus récents de la santé d'aujourd'hui, que ce soit IRM, dossier médical personnel ou maîtrise médicalisée des dépenses. » Les chapitres de l'ouvrage sont classés par thèmes et par spécialités médicales, de la médecine de famille aux soins palliatifs. Mais le chapitre le plus long porte sur les régimes et les pertes de poids : il est vrai que dans ce domaine, les Alsaciens disposent d'un vocabulaire particulièrement plantureux.
« Le Dialectionnaire médical », par P.A. Befort et L. Daul, Editions du Rhin, Strasbourg, 240 pages, 22 euros.
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