PRATIQUE
1) PRESENTATION DIGESTIVE
Principaux signes révélateurs
Les principaux signes cliniques révélateurs sont :
- la diarrhée (90 % des cas, fécale et liquide plus souvent que pâteuse), parfois associée à des évacuations glairo-sanglantes afécales (entre 20 et 30 % des cas) ;
- des douleurs abdominales (90 %) en cadre colique ou à prédominance droite ;
- un amaigrissement (entre 30 et 50 % des cas) ;
- de la fièvre (entre 10 et 25 %) ;
- des signes anopérinéaux (révélateurs dans 5 à 10 % des cas, mais, à terme, présents dans 20 à 30 % des lésions crohniennes iléales, dans 45 à 60 % des lésions coliques et plus de 90 % des lésions rectales) ;
- beaucoup plus rarement (moins de 3 % des cas), une complication digestive, telle qu'une occlusion, un syndrome de König (traduisant une sténose chronique du grêle), un syndrome perforatif de viscère creux (grêle), une rectorragie massive ou des signes de fistule interne digestive (diarrhée motrice, avec signes de malabsorption).
Parfois, tableau d'une RCH
Le tableau clinique peut être, dans 10-15 % des cas de MC, typiquement celui d'une RCH (rectorragies isolées ou émissions glairo-sanglantes afécales, rectorragies associées à une constipation, ou diarrhée fécale et hémorragique).
2) PRESENTATION EXTRADIGESTIVE
Même si elle n'est révélatrice que dans 5 % des cas de MC, l'expression clinique extradigestive, articulaire, cutanée, oculaire, hépatobiliaire et/ou fébrile pure sera présente, à terme, chez 20 à 30 % des patients.
a) Signes articulaires
Les signes articulaires - les plus fréquents, isolés ou associés aux autres, notamment cutanéomuqueux - sont, par ordre d'incidence décroissante, un rhumatisme inflammatoire périphérique (entre 15 et 20 % des MC), un rhumatisme axial (pelvispondylite ou spondylarthrite ankylosante typique dans 3 à 10 % des cas de MC, mais précédant alors les premiers signes digestifs dans plus d'un cas sur deux) ; sacro-iliite isolée rarement symptomatique - 3 % des cas de MC -, mais décelée par des radios standards dans près de 20 % et par tomodensitométrie dans 30 % des MC.
b) Signes cutanéo-muqueux
Les signes cutanéo-muqueux (20-25 % des MC) sont, par ordre de fréquence décroissante :
- des dermato-mucites réactionnelles à la MC (surtout aphtose buccale, en général d'aspect banal - 20 % des MC -, érythème noueux, signes oculaires - il rouge - dans 4 à 10 % des cas par conjonctivite, uvéite antérieure, voire ulcérations cornéennes uni- ou bilatérales) ;
- plus rarement, des dermatoses neutrophiliques, telles que Pyoderma gangrenosum (entre 2 et 5 % des MC : papulo-pustule - mollets et/ou cuisses, fesses ou visage - évoluant vers une bulle hémorragique, puis une large ulcération térébrante à bourrelet inflammatoire peu ou pas douloureuse et initialement aseptique), ou syndrome de Sweet (1 % des cas : éruption érythémato-papulo-pustuleuse, puis nodulaire, inflammatoire, mais non ulcérée, douloureuse et fébrile), un syndrome arthrocutané (pustules, avec arthrites périphériques, conjonctivite et fièvre) ou une pyostomatite-pyodermite végétante ;
- des lésions granulomateuses spécifiques anopérinéales ou génitales, plus rarement oro-faciales ou cutanées ;
- exceptionnellement, des lésions carentielles cutanéo-muqueuses (glossite) ou phanériennes, voire une épidermolyse bulleuse acquise, affection rare, mais dont 30 % des cas sont associés à une MICI.
3) MODE DE DEBUT DES SIGNES DIGESTIFS
Progressif ou aigu
Il est progressif, insidieux ou chronique (sur un à six mois) dans 90 % des cas, mais est aigu dans 10 % des cas (sous forme d'une diarrhée récente - de moins de quinze jours - ou d'une diarrhée aiguë des « voyageurs », d'un syndrome abdominal aigu de la fosse iliaque droite de type appendiculaire ou pseudo-appendiculaire, d'un tableau d'occlusion aiguë du grêle, exceptionnellement d'un tableau de colite aiguë grave).
Antécédents de douleur, de diarrhée...
L'interrogatoire recherchera des antécédents personnels, oubliés ou tus, de diarrhée épisodique ou prolongée, de crises douloureuses abdominales ou de lésions anopérinéales [abcès ou ulcération(s) de la marge, fistule(s) ou fissure(s) anale(s) apparemment banale(s) ou récidivée(s)], des antécédents familiaux de MICI prouvés (au premier ou au second degré : en moyenne, 10 % des cas, sans que cela n'autorise à parler de maladie « héréditaire », terme redouté à juste titre par les patients).
Contexte de grossesse
Un contexte de grossesse doit être systématiquement recherché chez la femme fertile, même si la découverte pergravidique de la MC est rare : dans ce cas, il s'agit d'une exacerbation d'une MC antérieure, non diagnostiquée, mais non quiescente lors de la conception. De même, est systématiquement à rechercher un contexte actuel de tabagisme, notamment à la cigarette. C'est un facteur établi de poussée et peut-être même de déclenchement de la MC.
Douleur provoquée, masse...
L'examen physique est d'une grande importance pour préciser l'existence, le siège et le type d'une douleur provoquée abdominale ou pelvienne, d'une masse abdominale, d'un météorisme ou d'une défense abdominale, de lésions anopérinéales, de lésions extradigestives cutanéomuqueuses ou articulaires.
Lésions anopérinéales
Les lésions anopérinéales sont :
a) soit primaires [ulcérations ; fissurations (médianes - commissurales - dans 85 % des cas, latérales dans 15 % des cas ; indolores dans plus d'un cas sur deux) ; pseudomarisques ulcérées ou inflammatoires] ;
b) soit secondaires : mécaniques (sténoses, fistules épithélialisées) ou infectieuses [abcès ; fistules dont 55 % sont transphinctériennes, 30 % sont basses (sous-cutanées ou intersphinctériennes), 15 % sont ischiorectales et 50 % sont asymptomatiques]. Les lésions anopérinéales sont décrites et quantifiées selon la classification dite de Cardiff.
4) CORRELATION CLINIQUE-TOPOGRAPHIE LESIONNELLE
La présentation clinique digestive est, dans l'ensemble, en corrélation avec la topographie de la MC : il y a 35-40 % d'atteintes iléocoliques droites (douleurs abdominales droites, diarrhée, fièvre, masse abdominale, occlusion du grêle), 35 % de pancolites (rectorragies, diarrhée, amaigrissement, fièvre, lésions anopérinéales), 15 % d'atteintes rectosigmoïdiennes (rectorragies, épreintes, syndrome de rectite, lésions anopérinéales, tableau de pseudo-RCH), 15 % de lésions grêliques isolées (douleurs centro-abdominales, diarrhée fécale et/ou stéatorrhée, masse abdominale, fièvre, syndrome de König, occlusion aiguë du grêle, malabsorption, retard de croissance et/ou pubertaire).
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