Qu'est-ce qu'une corticothérapie prolongée ?
Il s'agit d'une corticothérapie de plus de trois mois à une posologie supérieure à 7,5 mg de prednisone (voir tableau : Equivalence des corticoïdes le plus couramment utilisés).
La durée du traitement dépend de la pathologie traitée.
La corticothérapie prolongée expose à de multiples risques : rhumatologiques (ostéoporose, ostéonécrose, fonte musculaire) et surrénaliens (hypercorticisme iatrogène et blocage de la fonction corticotrope), mais aussi digestifs, neuropsychiatriques, infectieux, métaboliques (diabète, obésité), cardio-vasculaires (de par la surcharge hydrosodée), cutanés, thrombotiques, ophtalmologiques.
Risques liés à l'arrêt de la corticothérapie
1) L'insuffisance surrénale La corticothérapie prolongée est la cause la plus fréquente d'insuffisance surrénale.
C'est une insuffisance corticotrope : toute corticothérapie a un effet délétère sur les cellules corticotropes hypophysaires qui perdent leur capacité à sécréter l'Acth. Seule la fonction glucocorticoïde sera altérée. Il ne sera donc pas nécessaire de donner une substitution minéralocorticoïdes (aldostérone).
Bien souvent, dans l'insuffisance surrénale postcorticothérapie, la sécrétion basale de cortisol est maintenue pour permettre une régulation des métabolismes, mais la réaction au stress, en multipliant la sécrétion physiologique de cortisol, peut être insuffisante. C'est elle qui met le plus de temps à récupérer.
Le blocage de la fonction surrénalienne est multifactoriel et dépend :
- de la posologie : freinage certain au-delà de 10 mg de prednisone, freinage faible au-dessous de 7,5 mg ;
- de l'heure de la prise : la prise du soir est davantage frénatrice car elle bloque le pic d'Acth. La corticothérapie alternée est moins frénatrice ;
- de la durée du traitement : l'insuffisance surrénale ne survient pas après une cure courte de corticoïdes (cinq à quinze jours) car la reprise du fonctionnement normal de la fonction corticotrope est très rapide à l'arrêt du traitement.
Entre quinze jours et trois mois de traitement, le risque existe, mais il est faible. L'arrêt de la corticothérapie doit être progressif.
Les traitements prolongés, supérieurs à trois mois, exposent au risque de blocage parfois définitif de la fonction surrénalienne ;
- de la spécialité pharmacologique : certains composés freinent plus que d'autres la fonction surrénalienne : formes retard, dérivés delta ([198])) et dérivés fluorés (F) (voir tableau). L'hydrocortisone n'a pas d'effet frénateur ;
- de la sensibilité individuelle.
Pour limiter les risques, il est souhaitable de bien poser l'indication de la corticothérapie, d'utiliser les doses minimales efficaces, plutôt le matin, en une prise unique.
Les signes cliniques de l'insuffisance corticotrope sont le plus souvent trompeurs et peuvent être mis sur le compte de la pathologie sous-jacente réactivée par l'arrêt du traitement anti-inflammatoire : fatigabilité à l'effort, amaigrissement, malaises hypotensifs, troubles digestifs, arthralgies, myalgies. Il n'y a pas de mélanodermie. L'insuffisance surrénale aiguë n'est pas fréquente.
2) Reprise de la maladie inflammatoire : réapparition des signes cliniques de la maladie et biologiques avec réactivation du syndrome inflammatoire.
3) La corticodépendance : c'est plus une dépendance psychologique qu'une dépendance physique. Elle survient après l'utilisation de fortes doses, ou après un arrêt trop rapide, et se manifeste en l'absence de reprise du syndrome inflammatoire et d'insuffisance surrénale par une asthénie, des troubles de l'humeur, une anorexie. Elle s'améliore dès la reprise de la corticothérapie antérieure.
Modalités d'arrêt de la corticothérapie prolongée
La maladie initiale doit être guérie ou stabilisée avec disparition du syndrome inflammatoire, pour envisager la diminution des doses.
Après une corticothérapie de plus de trois mois, l'arrêt doit toujours être progressif et des mesures pour dépister l'insuffisance surrénale doivent être mises en place.
La décroissance peut être importante et rapide quand les posologies sont élevées : 10 % de la dose, tous les huit à quinze jours, sous contrôle du syndrome inflammatoire jusqu'à 15 mg de prednisone. La réduction peut se poursuivre, milligramme par milligramme, tous les quinze jours jusqu'à 10 mg, puis toutes les quatre semaines ensuite jusqu'à 7,5 mg.
Au-dessus de 7,5 mg, il n'y a pas de risque d'insuffisance surrénale en situation basale.
Baisser la dose au-dessous de ce seuil expose donc au risque d'insuffisance surrénale et justifie des mesures préventives.
On remplace alors les 7,5 mg de prednisone par 20 mg d'hydrocortisone en une prise matinale. Après un mois d'arrêt de la prednisone, la fonction surrénalienne peut être évaluée.9- Pour apprécier la sécrétion basale de cortisol, un dosage de la cortisolémie le matin à 8 heures, à jeun, peut suffire. Une cortisolémie inférieure à 10 μg/dl signe une insuffisance surrénale, le maintien indispensable de l'hydrocortisone à la dose de 20 mg et la nécessité d'une information et d'une éducation comme pour tout insuffisant surrénalien. Un nouveau dosage de la cortisolémie sera réalisé tous les trois mois.
Si la cortisolémie est supérieure à 20 μg/dl, il n'y a pas d'insuffisance surrénale et l'hydrocortisone peut être arrêtée.
Entre 10 et 20 μg/dl, la sécrétion de base de cortisol est conservée, mais il faut impérativement apprécier la réponse au stress, plus lente à se rétablir.
- La réponse au stress sera étudiée par un test au Synacthène : il sera alors réalisé une cortisolémie à 8 heures, puis 60 minutes après l'injection intramusculaire de 0,25 mg de Synacthène immédiat. L'hydrocortisone sera reprise après le test, dans l'attente des résultats. Si la cortisolémie, après le test au Synacthène, est supérieure à 20 μg/dl, le test est positif : il n'y a pas d'insuffisance surrénalienne, l'hydrocortisone peut être arrêtée. Une surveillance clinique reste nécessaire pendant quelques mois.
Si la cortisolémie sous Synacthène est inférieure à 20 μg/dl, l'hydrocortisone sera poursuivie et un test sera refait trois mois plus tard et tous les trois mois, si nécessaire, car l'inertie de l'axe hypophyso-surrénalien peut être de longue durée et parfois définitive obligeant à une substitution à vie. Le malade est alors considéré comme un insuffisant surrénalien.
Conclusion
La prescription de doses minimales efficaces de corticoïdes et de doses dégressives avant l'arrêt est le meilleur garant de la tolérance thérapeutique.
L'appréciation de la fonction surrénalienne est indispensable avant l'arrêt définitif du traitement, qui doit cependant toujours être tenté et même à plusieurs reprises devant les risques de la corticothérapie au long court.
Equivalence des corticoïdes le plus couramment utilisés
5 mg de prednisone ([198])
- 20 mg d'hydrocortisone
- 5 mg de prednisolone ([198])
- 4 mg de méthylprednisolone ([198])
- 4 mg de triamcinolone ([198]) (F)
- 0,75 mg de dexaméthasone ([198]) (F)
- 0,75 mg de bétaméthasone ([198]) (F)
- 0,30 mg de cortivazol ([198])
>>>([198]) = dérivé delta, (F) = dérivé fluoré.
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