A six mois des élections présidentielles, les dominos des revendications satisfaites sont lancés dans le monde de la santé. Sans que le gouvernement paraisse n'en pouvoir mais, l'un entraîne l'autre dans un mouvement irréversible et toujours plus rapide. Et les milliards sortent des poches apparemment sans fond de la gauche plurielle.
Les bénéficiaires des largesses du gouvernement de Lionel Jospin ont une recette : une pincée de menace de grève, une once de passage à l'acte si nécessaire, le tout assaisonné d'une bonne orchestration médiatique. C'est simple, à la portée du premier marmiton sanitaire venu. Les hospitaliers l'ont particulièrement bien compris qui, depuis quelques mois, servent et resservent le même plat à Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et à Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé.
Le risque est évidemment que, soucieux d'éviter l'indigestion, l'actuel gouvernement ne finisse, en étalant sur plusieurs années ses « promesses de dons », par laisser quelques restes à l'équipe qui lui succédera au printemps. « Le Quotidien » revient sur quelques étapes de la course à l'enveloppe.
• 31 juillet : 400 millions de francs pour les obstétriciens
A l'approche des grandes vacances, les gynécologues-obstétriciens des maternités privées ont brandi pendant quelques semaines la menace d'une grève totale au mois d'août. Résultat, in extremis, en plein milieu de l'été, le gouvernement a lâché du lest : 100 millions de francs (15,24 millions d'euros) ont été débloqués pour le paiement des gardes et des astreintes des obstétriciens et 300 millions de francs (45,73 millions d'euros) ont été affectés à la mise aux normes des maternités privées. L'addition s'alourdira l'an prochain, avec l'instauration en mai d'un forfait naissance et la révision à la hausse prévue de la cotation de l'acte d'accouchement (les négociations sont toujours en cours).
• 27 septembre : 3 milliards de francs pour les 35 heures des personnels hospitaliers
Depuis dix-huit mois, les personnels hospitaliers savent s'y prendre pour obtenir des moyens. En mars 2000, Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi, leur a donné plus de 10 milliards de francs (1,52 milliard d'euros) et, un an plus tard, en mars 2001, Elisabeth Guigou a allongé cette enveloppe de 2,2 milliards (340 millions d'euros). A trois mois de leur passage aux 35 heures, les 780 000 agents de la fonction publique hospitalière sont descendus dans la rue en masse et ont obtenu, le 27 septembre, la création de 45 000 emplois en trois ans, ce qui correspond à une enveloppe de 3 milliards de francs (460 millions d'euros). C'est moins que ce qu'ils réclamaient (jusqu'à 80 000 emplois pour certains syndicats), beaucoup plus que les 4 000 postes que Bercy était, disait-on, disposé à leur offrir au début de la négociation. D'autant que, sous la pression des députés communistes, l'hôpital a obtenu pour 2001 et 2002 une nouvelle rallonge budgétaire de 3,9 milliards de francs (590 millions d'euros).
• 22 octobre : 1,5 milliard de francs pour la RTT des médecins hospitaliers
Les médecins hospitaliers, qui avaient déjà réussi un tour de force en 2000 en arrachant 1,4 milliard de francs (210 millions d'euros) à Martine Aubry, ont constitué un front uni et se sont mis en grève pour imposer au gouvernement leurs conditions de réduction du temps de travail (RTT). Les dispositions qu'ils ont obtenues vont coûter 1,5 milliard de francs (230 millions d'euros) aux pouvoirs publics.
• 7 novembre : 1,7 milliard de francs pour les cliniques privées
Des médecins et des directeurs très mobilisés, une fermeture des établissements en forme d'avertissement les 24 et 25 octobre, une grève « illimitée »... et le tour était joué. En une quarantaine d'heures, les cliniques privées ont obtenu une enveloppe de 1,7 milliard de francs (260 millions d'euros). Moins que les 6 milliards (910 millions d'euros) qu'elles réclamaient, mais de quoi tout de même permettre à l'hospitalisation privée de commencer à aligner les salaires de ses personnels sur ceux pratiqués à l'hôpital public.
• 8 novembre : 445 millions de francs pour les kinés
Les caisses d'assurance-maladie ont signé avec les représentants des masseurs-kinésithérapeutes un accord rétablissant à 13,40 F (2,04 euros) la valeur de la lettre clé servant à déterminer le tarif de leurs actes et ouvrant le chantier de la refondation de leur convention. Le ministère a donné son feu vert officieux à l'opération qui, en l'état, coûtera en année pleine 445 millions de francs (67,84 millions d'euros) à la Sécurité sociale. Depuis qu'à l'été 2000 la valeur de leurs actes a été baissée par les pouvoirs publics, les kinés ont fait grève et participé à plusieurs manifestations des professionnels de santé. Ils ont surtout conditionné leur participation au système conventionnel à la remise à niveau de leurs lettres clés.
• Et combien pour les internes ?
Les internes sont traditionnellement les plus grands fauteurs de grève à l'hôpital public. Or, depuis lundi soir, dans le but d'obtenir l'application immédiate du repos de sécurité, la rémunération de leurs gardes et la réduction de leur temsp de travail, ils n'assurent plus de garde ni d'astreinte. Internes et résidents avaient rendez-vous hier au ministère de la Santé.
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