De notre correspondante
à New York
Angiostrongylus cantonensis, ver parasite des poumons du rat, est la cause la plus commune de méningite à éosinophiles chez l'homme. Les rats qui sont infectés par les vers adultes dans leurs poumons excrètent les larves dans leurs fèces. Celles-ci se transforment en larves infectantes chez les escargots et les limaces.
L'homme se contamine alors en mangeant des hôtes intermédiaires crus ou insuffisamment cuits (escargots, crabes, crevettes d'eau douce, certains poissons) ayant ingéré des mollusques infectés, ou bien des végétaux souillés par la bave des mollusques. Les larves ingérées migrent vers le cerveau, puis meurent, non sans avoir entraîné une réaction éosinophile qui, dans les infections sévères, peut conduire à des séquelles neurologiques, voire la mort.
Le tableau clinique est celui d'une méningite aseptique, avec, à l'examen du LCR, une hypertension et une pléiocytose à éosinophiles (> 20 %).
La plupart des méningites par A. cantonensis sont signalées en Asie du Sud-Est et dans le bassin Pacifique. Toutefois, quelques cas isolés avaient été rapportés dans d'autres régions, dont Cuba, La Nouvelle-Orléans (1 cas) et la Jamaïque (1 cas).
Une méningite aseptique
Une équipe, dirigée par le Dr Stuart Johnson (Northwestern University Medical School, Chicago), décrit, pour la première fois dans la zone occidentale, une flambée de méningites par A. cantonensis. Elle est survenue en Jamaïque, à la fin d'avril 2000, relatent-ils dans le « NEJM ». Deux étudiants en médecine sont hospitalisés à Chicago : ils se plaignent depuis 10 jours de céphalées, avec douleur de la nuque, paresthésies, et les maux vont en s'empirant. L'analyse du LCR suggère la présence d'une méningite aseptique. L'un des deux patients présente, en outre, 36 % d'éosinophiles dans le LCR.
Détail important : les deux étudiants sont allés au début du mois à la Jamaïque, pendant cinq jours, avec un groupe de 23 personnes. Slom, Johnson et coll. contactent alors les autres voyageurs du groupe et mènent une enquête rétrospective. Au final, il se trouve que 12 des 23 voyageurs ont présenté une méningite, marquée par des maux de tête apparus entre 6 à 31 jours après le retour de la Jamaïque (11 jours, en moyenne), accompagnés de troubles visuels ou photophobie, de douleur ou raideur de la nuque, de fatigue et de paresthésies ou hyperesthésies (chez 9 patients). Sept autres compagnons de voyage ont dû être hospitalisés.
Eosinophilie à l'examen initial
Une méningite à éosinophiles a été finalement diagnostiquée chez les 9 patients hospitalisés qui ont dû subir des examens répétés du LCR, mais l'éosinophilie n'était présente à l'examen initial que dans le LCR de 5 patients (56 %) et dans le sang de 4 autres patients (44 %). Les trois sujets souffrant de sévères maux de tête ont été soulagés par les ponctions lombaires et la corticothérapie. Tous les patients ont fini par guérir, non sans avoir enduré entre 4 et 8 semaines de céphalées persistantes pour 67 % d'entre eux. Le test sérologique a détecté l'anticorps contre un antigène d' A. cantonensis chez 11 des 12 voyageurs malades en phase de convalescence et le test était négatif chez les 11 voyageurs non malades.
L'aliment contaminant reste incertain. Toutefois, l'enquête fait peser de forts soupçons sur une salade César mangée la veille du départ. En effet, les 12 patients n'ont été réunis qu'à un seul repas au restaurant, celui de la veille du départ et, au cours de ce repas, 12 des 13 personnes qui ont mangé cette salade sont tombées malades, tandis que 3 autres, qui ont mangé un autre plat, sont restées indemnes.
Depuis cette flambée, A. cantonensis a été identifié chez les rats et les escargots de la Jamaïque. Ainsi, la contamination a pu avoir lieu en Jamaïque. Toutefois, la possibilité d'une contamination aux Etats-Unis ne peut être exclue, puisque la salade César était à base de romaine importée des Etats-Unis.
Les experts alertent donc sur la possibilité de cette parasitose dans les Caraïbes et les régions voisines, d'autant que le ver a été trouvé chez les rats à Cuba, Puerto-Rico, aux Bahamas, en République dominicaine et à La Nouvelle-Orléans. Pour éviter d'être contaminé, il suffit de suivre les conseils de prévention de la diarrhée du voyageur. Les investigateurs conseillent, en particulier « aux Caraïbes, d'éviter de manger des produits frais non lavés, comme la salade et des aliments crus ou insuffisamment cuits, comme les escargots et autres mollusques ».
« New England Journal of Medicine », 28 fevrier 2002, p. 668.
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