LA CONSOMMATION de sucres en excès, comme de tout nutriment énergétique, se traduit par une accumulation d'énergie sous forme de masse grasse, relative à leur contenu en calories. De nombreuses études ont cherché à démontrer le lien entre la consommation de sucres et la progression de l'obésité chez l'enfant. Cette corrélation a été reconnue en 2004, dans un rapport de l'AFSSA, dont les conclusions s'appuyaient en partie sur deux études significatives. La première mettait en évidence, aux États-Unis, une relation linéaire entre la consommation de boissons sucrées, notamment de sodas, et l'augmentation de la corpulence des enfants. La seconde était une étude interventionnelle randomisée, réalisée au Royaume-Uni. Après avoir appris à des enfants âgés de 7 à 11 ans à diminuer leur consommation de sodas et à diluer les jus de fruits avec de l'eau, il a été observé une stabilisation de la prévalence de l'obésité, alors que dans le groupe témoin le pourcentage d'enfants obèses a augmenté de 7,5 % en un an.
Depuis le rapport de 2004, les études se sont multipliées et leur conclusions vont toutes dans le même sens : il existe un lien direct entre les quantités de sucres consommées et l'accumulation de masse grasse chez l'enfant. Dans une étude prospective suédoise de longue durée, une éducation nutritionnelle a été proposée à des élèves de plusieurs écoles, afin de leur apprendre à consommer moins de produits sucrés et à équilibrer leur alimentation. Après 4 ans, la prévalence de l'obésité a diminué de 4 points dans ces établissements scolaires, alors que, dans les autres écoles de la ville, elle s'est accrue d'autant.
Déséquilibre alimentaire et sédentarité.
La notion d'excès est fondamentale. Il n'est évidemment pas question de nier la valeur nutritionnelle des sucres et le plaisir qu'ils procurent, mais tout doit rester une affaire de raison et de proportion. L'objectif n'est pas d'interdire leur consommation à tous les enfants, mais de comprendre leur plus grande fragilité et la nécessité d'un mode de vie équilibré.
Trop de boissons sucrées.
Plus les enfants sont sédentaires, plus le surcroît d'énergie apparaît vite, et un excès même modéré va entraîner des conséquences sur le poids. De plus, les comportements à risque sont souvent associés et intriqués. Ainsi, une étude réalisée en Alsace a montré que, en intervenant sur le niveau d'activité physique des enfants, la prévalence de l'obésité se stabilisait, mais qu'il existait également une modification du comportement alimentaire, alors même qu'aucune information nutritionnelle supplémentaire ne leur était délivrée. Les enfants pratiquant plus de sport passaient moins de temps devant la télévision et consommaient d'autant moins de produits de grignotage, c'est-à-dire d'aliments gras et sucrés ou salés et de sodas.
De fait, dans la société de consommation actuelle, plusieurs données apparaissent préoccupantes. Il s'agit en premier lieu de la consommation de boissons sucrées. Leur contenu en énergie est moins bien perçu que celui des aliments solides, comme les fruits, par exemple. La sensation de satiété induite par les boissons sucrées est très faible et les quantités ingérées d'autant plus importantes. À cela s'ajoute le problème de la teneur en excitants de certains sodas qui contiennent autant de caféine qu'un expresso et de leurs effets chez l'enfant. Même si l'augmentation moyenne de la consommation de boissons sucrées est faible, la répartition dans la population est inégale et la situation dans les groupes à risque est également inquiétante. Aux États-Unis, il est bien démontré que plus les revenus sont faibles, plus la taille des portions alimentaires des enfants est élevée et moins les aliments sont diversifiés. Le risque nutritionnel est donc plus important dans les catégories socio-économiques les plus basses. En France, des études prouvent que, dès l'âge de 3 ans et jusqu'à l'adolescence incluse, il existe une forte relation entre la catégorie socio-économique de la famille et le niveau d'activité physique de l'enfant.
Des enfants vulnérables face à la publicité.
La publicité ayant pour cible les enfants est un autre facteur influençant la consommation de sucres et un autre sujet de préoccupation. La majorité des aliments dont est faite la promotion sont des produits de l'industrie agroalimentaire à forte teneur en sucres : boissons, biscuits, confiseries. L'impact des spots publicitaires est lié au temps passé par les enfants devant la télévision. Or une étude californienne fournit des résultats alarmants : dès l'âge de 3 mois, 20 % des enfants passent au moins une heure par jour devant la télévision ou une vidéo. Ce pourcentage atteindrait 80 % à l'âge de 2 ans. De même, les chaînes destinées aux très jeunes enfants sont à cet égard un danger public.
Les enfants sont des personnes vulnérables par excellence, mais aussi au sens du code de la consommation. Ils sont par nature, jusqu'à l'adolescence, incapables de critiquer la publicité, qui leur délivre des informations orientées uniquement vers une incitation à la consommation. Les enfants grandissent et s'épanouissent dans la confiance. Il faut à tout prix que la prise en compte de cette vulnérabilité incite les pouvoirs publics à les protéger de manière particulière.
D'après un entretien avec le Dr Marie-Laure Frelut, endocrino-pédiatre, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris.
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