DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
LE TOP DÉPART de la 76e édition des 24 Heures du Mans sera donné depuis... la station internationale orbitale ISS, le samedi 14 juin, à 15 heures. Pour les pilotes, leurs coachs, les équipes techniques, les mécaniciens, mais aussi les médecins, le compte à rebours a déjà commencé. Le côté mythique de ce rendez-vous du sport automobile ne doit en effet pas faire oublier l'organisation médicale de grande ampleur nécessaire pour une manifestation qui draine 250 000 personnes. «Nous travaillons à l'échelle d'une ville et mettons en place, ni plus ni moins, un système hospitalier», résume le Dr Alain Kind, directeur médical des 24 Heures.
Tous les ans, ce généraliste sarthois met la clé sous la porte de son cabinet, 36 heures durant, pour piloter l'envers du décor. Pas de quoi s'ennuyer. Scindée en deux secteurs autonomes, la prise en charge médicale sur la piste et dans le public, qui représente un budget global de 450 000 euros, repose sur une organisation quasi militaire.
Côté spectateurs, 20 médecins, autant d'infirmières et 280 secouristes mobilisés. «Sur le site, nous gérons aussi les arrêts cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et les fausses couches», explique le médecin urgentiste Bruno Rohée, qui dirige la régulation. L'an dernier, 494 interventions ont été déclenchées, 25 personnes évacuées, dont 5 dans un état grave.
C'est reparti pour un tour et, à peine 3 min avant le démarrage des essais, l'équipe est en action. Un arrêt cardiaque est signalé au stand Michelin. Finalement, la personne en fera sept avant d'arriver à l'hôpital et de récupérer. «Les gens sont plus en sécurité sur le circuit des 24Heures que chez eux», confie le Dr Kind, conscient des moyens considérables mis en oeuvre. Avec 11 postes de secours équipés comme SMUR, cinq hélicoptères au-dessus du circuit doté de caméras qui scrutent les moindres recoins du développé de 13,6 km de piste. Les virages Porsche et d'Indianapolis ne sont pas les seules « zones d'ombre ». Les équipes médicales, accompagnées de celles de désincarcération, sont dans les starting-blocks afin de pouvoir intervenir en l'espace de quelques secondes à n'importe quel endroit du circuit.
Une prise en charge maximale.
Côté course, c'est l'anesthésiste-réanimateur, Isabelle Villeret, qui règne sur l'encadrement médical de la piste et dirige le staff de 60 médecins répartis sur le circuit. «Selon leur expérience, les pilotes ne vont pas sortir au même endroit. La dernière envolée spectaculaire d'une Mercedes en 1999 a eu lieu, là où personne ne l'aurait imaginé.»«Le nombre d'accidents n'est pas important, indique-t-elle, mais lorsqu'ils se produisent, les conséquences humaines sont catastrophiques.» L'an dernier, les médecins ont été engagés à 77 reprises sur la piste. «Impossible de faire des miracles, la prise en charge médicale est donc la même que sur la route, mais nous disposons simplement de moyens plus importants.» La comparaison avec la vie de tous les jours s'arrête là.
Il y a quelques années, un pilote a poussé son bolide à 410 km/h dans la ligne droite des Hunaudières, une portion de route entre Le Mans et Tours où circulent d'habitude 20 000 véhicules par jour. Les organisateurs ont pris leurs responsabilités en décidant de créer des chicanes de ralentissement qui coupent un peu les pilotes dans leur élan.
«Quand ça tape, ça tape fort, et le temps de décélération reste le problème majeur, puisqu'un véhicule peut parcourir 200m contre un rail de sécurité avant de stopper», relève Alain Kind. Dans ce cas de figure, avec les équipements actuels, les pilotes s'en tirent avec pas grand-chose. C'est précisément ce qui s'est produit pendant les essais. Le pilote espagnol Marc Gene a d'abord pulvérisé le record en bouclant un tour de piste en 3'22” avant de s'envoler à près de 270 km/h à bord de la Peugeot 908 n° 7. Il s'en est sorti avec une simple luxation de la phalange du gros orteil, alors que la voiture est entièrement détruite. «Ceux qui percutent un autre véhicule de façon perpendiculaire n'ont pas la même chance», explique le Dr Kind, qui souligne un risque majeur : «La décélération est tellement brutale au freinage que le corps peut subir des pressions de 4G.»
Préparation à l'endurance.
Ces situations extrêmes impliquent une préparation étonnante. L'ostéopathe de l'équipe Peugeot-Total, Jean-Pierre Buisson, livre l'un de ses secrets pour préparer Petro Lamy, Stéphane Sarrazin, et les autres. Naturellement, comme tout sportif de haut niveau, les pilotes de F1 suivent des stages durant tout l'hiver pour s'entraîner, se détendre et renforcer l'esprit d'équipe. «Pas de contrainte ni de régime, nous leur donnons simplement des produits complémentaires, et un petit cocktail pour augmenter le pourpre rétinien et améliorer la vision nocturne», dit Jean-Pierre Buisson. L'essentiel de la préparation tourne autour l'endurance. «Cette année, on a insisté sur le travail en apnée, car il faut pouvoir respirer normalement pour oxygéner le cerveau, quelles que soient les circonstances dans le cockpit, précise- t-il. Aujourd'hui, tout est joué, et je leur conseille uniquement de se détendre.» Jean-Pierre Buisson ne redoute plus qu'une chose : les crampes. «C'est ennuyeux, le pilote n'est pas bien, tendu, va moins vite et ça l'énerve. Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour gommer ces contraintes et ce type de contrariétés.»
Le team manager de l'écurie Peugeot, Serge Saulnier, les a même fait travailler avec les pilotes de l'aéronavale, qui volent sur des Rafale, «pour étudier les phénomènes de pression du corps subis dans les deux disciplines». La tension nerveuse est extrême dans un cas comme dans l'autre. «Au décollage, les manches sont bloqués car les pilotes ont un trou noir, compte tenu de l'accélération. Nos pilotes de F1 doivent rester conscients en toutes circonstances et surtout ne pas décoller», plaisante le manager. C'est vite dit. Cette année, qui sera aussi l'occasion de célébrer le centenaire de la collaboration entre les pionniers de l'aviation américaine et l'ancien constructeur automobile sarthois Léon Bollée, les brides des moteurs essence seront augmentées de 3 % et le poids des véhicules abaissé à 900 kg. Dans ces conditions, pas facile de rester sur terre en frôlant le bitume à 310 km/h.
On recrute urgentistes
Tous les ans, un tiers de l'équipe médicale est renouvelée. Les médecins dont l'activité quotidienne est liée à l'urgence peuvent envoyer leur CV à m.goureau@lemans.org.
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