ASSURÉMENT peu populaire chez les assurés, l'instauration d'un système de franchise annuelle non remboursable sur les soins (les «premiers euros dépensés» sur les examens biologiques, les médicaments, les consultations et les frais hospitaliers), envisagée par Nicolas Sarkozy (« le Quotidien » du 5 avril), ne déchaîne pas l'enthousiasme des praticiens libéraux. Certes, à l'heure où (presque) tout le monde admet que les dépenses de santé ont vocation à augmenter, plusieurs responsables syndicaux reconnaissent au candidat UMP le mérite de «poser le débat» du financement de l'assurance-maladie, autrement qu'en actionnant le levier de l'augmentation des cotisations ou de la CSG. D'autant que, en cas de victoire, Nicolas Sarkozy a promis un débat dès cet été avec les partenaires sociaux pour définir les modalités de ces franchises et notamment les situations d'exonérations. Et il a aussi précisé que ces franchises se substitueraient aux forfaits actuels de 1 euro par acte et de 18 euros sur les actes lourds (mais pas au forfait hospitalier).
Rustine ou panacée.
Plusieurs objections sont néanmoins formulées. Une partie des médecins libéraux s'alarme de la menace qui pèserait sur l'accès aux soins primaires et donc sur la prévention et la santé publique. Surtout si, comme le suggère le candidat UMP, cette fameuse franchise se transforme, année après année, en mécanisme de régulation pour équilibrer les comptes (si l'assurance-maladie est dans le rouge, le niveau de la franchise augmente). C'est l'angle d'attaque choisi par les médecins généralistes écrivains, Christian Lehmann et Martin Winckler, à l'origine de la pétition contre la franchise (www.appelcontrelafranchise.org) qui aurait recueilli plus de 7 000 signatures en une semaine, dont un grand nombre de professionnels de santé. «Dans une France où vivent plus de trois millions de chômeurs et sept millions de travailleurs pauvres, 100euros de soins de santé non remboursés ce n'est pas rien. Et ce sont eux qui seront les premières victimes [...]»,lit-on dans cet appel (en réalité, le montant précis des franchises n'est pas tranché). Pour Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, la franchise de remboursement sera de toute façon une «pénalité» à l'entrée du système de soins primaires qui accentuera «la politique de déremboursement du petit risque» et conduira les Français les plus démunis à décaler ou même à annuler des consultations de premier recours . L'argument du risque de renoncement aux soins dépasse le clivage gauche/droite.
Dans son projet confédéral à l'horizon 2015, la Csmf note que «la question de l'intérêt d'une franchise annuelle se pose, mais en sachant que celle-ci risque d'être vite incompatible avec le maintien de la solvabilité des soins». «La franchise, c'est pas très franc et ça risque de vider les cabinets médicaux, affirme encore plus clairement Michel Combier, président de l'Unof, branche généraliste de la Csmf. Si on y ajoute l'automédication et le suivi des patients par les laboratoires, qui va encore venir nous voir?»
Certains leaders médicaux doutent de l'efficacité financière de cette mesure et le risque de monter une usine à gaz, même si Nicolas Sarkozy assure qu'il «est possible techniquement» de mettre en place ce dispositif. Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, estime que les coûts de gestion et les exonérations diverses «amputeront» largement les recettes attendues (au demeurant limitées) d'un tel mécanisme de franchises. En revanche, tranche-t-il, «ce n'est sûrement pas la médecine à deux vitesses, il ne s'agit pas d'assassiner les pauvres». Le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, «ne partira pas en guerre contre la franchise» même si cette mesure «n'est pas la panacée mais une rustine au regard des besoins de financement». Dans la même veine, Michel Combier (Unof) estime que parler de la franchise a un «inconvénient majeur» : occulter le débat de fond sur la définition du panier de soins remboursables.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature