« MÉDECINS CHARGÉS de soigner, dépister, et prévenir les maladies de nos patients, nous ne pouvons rester indifférents devant l’accroissement des mesures qui tendent à restreindre l’accès aux soins remboursés, et à privatiser la Sécurité sociale ». Le manifeste de ces médecins solidaires, et en colère, frappe fort. Issus pour certains de la mouvance du Dr Didier Poupardin, ce généraliste de Vitry-sur-Seine traduit en justice par la caisse primaire du Val-de-Marne, pour non-respect de l’ordonnancier bizone, ces médecins sont pour le moment un peu plus de 120 à avoir paraphé le manifeste. Il est vrai qu’il n’est proposé que depuis peu à la signature (*), à telle enseigne que le site internet destiné à sa consultation n’est pas encore opérationnel.
Dans ce court document, on peut lire que « les pouvoirs publics prennent prétexte de l’augmentation des dépenses de santé pour livrer aux assurances privées l’édifice de solidarité ». Le manifeste s’oppose également aux « pouvoirs exorbitants et à l’autoritarisme » de la Sécurité sociale et des Agences régionales de santé. Selon les signataires, ces organismes « exigent des médecins et soignants de collaborer à la restriction de l’accessibilité aux soins, de prescrire le moins possible de médicaments remboursés, d’examens et d’arrêts de travail ».
Les signataires du manifeste se déclarent solidaires entre eux. Ces praticiens en appelleront aussi à la solidarité de l’opinion publique « en cas de répression lorsqu’ils résisteront à l’inacceptable ». « Le combat nécessaire pour le bon exercice de la médecine et pour l’amélioration de leurs conditions de travail est indissociable, et donc solidaire, de celui des personnes qu’ils soignent », ajoutent ces professionnels.
Le manifeste rappelle enfin que la création de la Sécurité sociale reposait sur un principe fondamental : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Mais, ajoute le document, « ce principe recule et tend à s’inverser chacun doit payer selon ses besoins (si vous êtes très malade vous devez payer beaucoup) et chacun reçoit selon ses moyens (si vous êtes très riche, vous êtes bien soigné) ».
Le précédent du Dr Poupardin.
Pour le Dr Didier Ménard, vice-président du Syndicat de la médecine générale (SMG) et signataire du manifeste, « le cas Poupardin a réveillé la conscience de beaucoup de médecins ». Soulignant que l’accès aux soins est de plus en plus difficile pour les populations défavorisées, Didier Ménard regrette que « se développe l’idéologie selon laquelle les patients sont responsables de leur maladie, et donc du déficit ».
Le généraliste classe les professionnels de santé en différentes catégories, à l’aune de leur supposée capacité de résistance aux injonctions des autorités de santé : « il y a les médecins désolés des difficultés d’accès aux soins, mais qui s’en arrangent ; il y a les indignés passifs, qui trouvent la situation scandaleuse mais ne savent comment réagir ; il y a enfin les indignés actifs qui bidouillent les règles de l’assurance-maladie pour favoriser l’accès aux soins. Ceux-là font de la résistance active ». Didier Ménard fait partie de ces derniers et l’assume. Il reconnaît avoir parfois utilisé la carte Vitale d’un parent d’un patient aux revenus extrêmement modestes, et qui attendait depuis plusieurs mois le renouvellement de sa carte, afin que celui-ci puisse bénéficier de soins. « Finalement, cela arrange tout le monde, déclare-t-il au « Quotidien ». Cela calme certains patients qui en ont assez de se sentir exclus du système, et cela pallie l’incurie de l’assurance-maladie qui n’est pas capable de remplacer une carte Vitale dans des délais normaux ».
De son côté, le Dr Didier Poupardin dénonce le discours alarmiste sur le déficit de l’Assurance-maladie, justifiant toutes les mesures de rigueur. Un déficit qu’il explique par « la baisse constante de la masse salariale (et donc des recettes), et non par l’augmentation des dépenses comme on tente de nous le faire croire ». Quant à Jacqueline Fraysse, députée communiste des Hauts-de-Seine, cardiologue, et autre signataire du manifeste, elle déplore que « trop de médecins ne réagissent pas face à cette situation. Il faut une prise de conscience, et je salue ceux qui désobéissent. Seule la volonté de tous pourra faire reculer le pouvoir ».
Le Dr Poupardin veut croire que « les questions de santé seront au cœur de la prochaine élection présidentielle ». Au moment où l’exécutif prend le pouls des médecins libéraux pour s’allier leurs suffrages (lire aussi page 4), ces médecins solidaires, en tout cas, s’invitent dans le débat.
(*) : Pour signer ce manifeste, envoyer une lettre précisant nom, prénom, mode d’exercice, adresse ou cachet, et signature au Dr Poupardin, 4 rue Arthur Rimbaud 94400 Vitry-sur-Seine, ou à dan.poupardin@free.fr
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