LA CSMF avait fait de l’Ondam soins de ville (objectif national de dépenses d’assurance-maladie) «la mère des batailles». A l’évidence, les professions de santé libérales viennent de remporter la première manche de cette épreuve de force.
Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2007, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté un amendement défendu par les députés UMP Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l’assurance-maladie, et Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, qui relève de 300 millions d’euros l’enveloppe des soins de ville (honoraires, médicaments, indemnités journalières) l’an prochain. Le texte a fait l’objet de tractations avec le ministre de la Santé et d’un arbitrage intergouvernemental, confirme- t-on dans l’entourage de Xavier Bertrand. Selon cet amendement, les dépenses de soins de ville pourront atteindre «66,8milliards d’euros» en 2007 contre une enveloppe initialement limitée à 66,5 milliards. L’Ondam général passerait mécaniquement de 144,6 à 144,9 milliards d’euros.
Afin de compenser cette augmentation de charges, le même amendement suggère l’affectation à la branche maladie d’une partie des droits tabac (article 575 du code général des impôts). Mais le débat n’est pas clos. Devant la difficulté de trouver de nouvelles recettes en période électorale, d’autres mécanismes de «tuyauterie» financière pourraient être utilisés.
Une rallonge aux objectifs multiples.
Si la proposition des rapporteurs est adoptée par le Parlement – ou reprise par le gouvernement si l’amendement est retoqué en commission des finances (1) –, l’Ondam soins de ville pourra progresser de 1,2 % l’an prochain contre 0,8 % prévu initialement. Ce taux avait été jugé «intenable» par le Centre national des professions de santé (Cnps) qui a habilement associé les médecins et les paramédicaux dans la bataille de l’Ondam et le harcèlement des élus (« le Quotidien » du 16 octobre), donnant d’autant plus de poids aux arguments des libéraux.
Selon le Cnps, non seulement cet objectif de 0,8 % obérait toutes les augmentations de 2007 (médecins, infirmières, kinés...), mais il annonçait le retour de la maîtrise comptable avec déclenchement du mécanisme d’alerte sur les dépenses maladie en juin 2007, ce qui exposerait chaque profession à des mesures autoritaires (baisse des tarifs).
Un abri contre le comité d’alerte.
La rédaction de l’amendement des rapporteurs a été pesée au trébuchet. Pour ne pas donner l’impression de céder au lobby médical, l’exposé des motifs n’évoque à aucun moment la nécessité de trouver des marges d’action pour revaloriser les honoraires médicaux, objectif assumé par les syndicats lorsqu’ils réclamaient une rallonge de l’Ondam. En revanche, le texte justifie la hausse du budget de la ville par la progression des «besoins de soins ambulatoires et de prise en charge des personnes âgées»,la priorité donnée au «maintien à domicile, alternative à l’hospitalisation» ou encore les «honoraires des infirmiers». L’amendement rappelle l’engagement des professionnels dans la maîtrise médicalisée, autant d’efforts qui doivent être «soutenus». Selon un participant à la commission des affaires sociales, «il y a eu beaucoup de tartufferie dans cette discussion qui a évité d’aborder frontalement la question des revendications tarifaires des médecins».
Quoi qu’il en soit, la Csmf a accueilli comme une «bonne nouvelle» cette «prise de pouvoir inédite» du Parlement (jamais les députés n’ont modifié les objectifs de dépenses). «Ce n’est pas le fruit de hasard mais le résultat de notre mobilisation, affirme Michel Chassang. Trois cents millions supplémentaires, ce n’est pas rien même si on demandait 500millions: cela donnera de nouvelles marges de manoeuvre en vue du C à 23euros et de la deuxième étape de revalorisation des actes techniques et cela nous met davantage à l’abri du comité d’alerte.» Pour autant, le leader de la Confédération refuse de «vendre la peau de l’ours». D’abord parce que ce nouveau budget «n’est pas voté» (la discussion en séance commence mardi prochain à l’Assemblée nationale, elle peut réserver des surprises). Ensuite parce que le chef de file de la Confédération redoute que cette rallonge financière soit déjà «rognée» par des dispositions nouvelles visant à augmenter certaines prises en charge de l’assurance-maladie (réseaux de soins, dispositifs médicaux).
Même satisfaction prudente au Syndicat des médecins libéraux (SML). «Je me félicite du frémissement du Parlement mais j’attends le vote définitif, nuance le président Cabrera. Cela va dans le bon sens, mais le compte n’y est pas car il y aura des dépenses supplémentaires.»
Le feuilleton du budget des soins de ville, qui n’est pas encore terminé, n’est qu’une illustration des luttes d’influence au Parlement. L’hôpital, les cliniques, les industriels du médicament sont également mobilisés. Mais le premier signal a été adressé cette semaine aux libéraux de santé.
(1) Selon l’article 40 de la Constitution, les propositions et les amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
Les amendements clés
Outre la hausse de l’Ondam, une soixantaine d’amendements (sur 220) ont été adoptés en commission. L’un prévoit d’annexer au prochain Plfss (2008) la ventilation officielle des différents postes de dépenses de soins de ville (produits de santé, indemnités journalières, honoraires), ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Un autre étend aux centres de santé implantés dans les zones déficitaires la mesure permettant d’exempter les patients des pénalités hors parcours de soins (majoration de ticket modérateur et dépassements) pour une durée déterminée. Cette disposition est déjà prévue lorsqu’un patient a recours à un généraliste qui s’installe dans une zone sous-médicalisée. Un amendement UDF vise à étendre aux professionnels libéraux s’installant en zone franche urbaine le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales personnelles d’assurance-maladie (déjà prévue pour les commerçants et les artisans). Un amendement propose de majorer le tarif de remboursement de certains dispositifs médicaux coûteux pour les assurés atteints d’une affection chronique ou d’un handicap invalidant.
Pour l’hôpital, un amendement UMP suggère de préciser que la recette exceptionnelle des cessions immobilières devra financer les investissements hospitaliers. Un autre prévoit un dispositif transitoire facilitant la constitution des droits à la retraite des PU-PH les plus âgés (au moins 55 ans en 2007). Enfin, pour la taxe sur le chiffre d’affaires des médicaments, un amendement proposant de revenir au taux de 0,6 % (et non pas 1 %) a été... rejeté.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature