L'ORAGE n'est pas passé loin, mais les nuages sont toujours là, noirs et menaçants. Avec un risque de dépassement de l'ONDAM 2008 (objectif national de dépenses d'assurance-maladie) évalué à 700 millions d'euros, un peu au-dessous du seuil d'alerte, le gouvernement n'a certes pas annoncé de plan immédiat de redressement financier.
Mais, pour beaucoup, l'affaire ressemble à un sursis dont la durée ne serait pas exactement connue. Éric Woerth (Comptes publics) comme Roselyne Bachelot (Santé) ont prévenu : même sans alerte officielle, le dérapage est réel et le gouvernement ne s'en satisfait pas, les yeux rivés sur l'objectif de retour à l'équilibre du régime général dès 2011. Rendez-vous est donné au plus tard en septembre pour y voir plus clair. Pour «tenir» l'ONDAM 2008, les deux ministres attendent de la direction de l'assurance-maladie des propositions pour redoubler d'efforts (« le Quotidien » du 20 juin). Au menu : le renforcementde la maîtrise médicalisée (postes en forte croissance), de nouveaux référentiels de prescription, mais aussi, pourquoi pas, avant la fin de l'année, des «baisses ciblées» du prix de certaines spécialités pharmaceutiques… L'été sera chaud. Quant au décret sur le contrôle des médecins «surprescripteurs» (qui consiste à étendre la procédure de mise sous accord préalable, aujourd'hui réservée aux IJ, à tous les actes et produits prescrits), il est programmé pour l'automne.
C'est dans ce contexte contraint que s'ouvriront vendredi les discussions conventionnelles 2008-2009. Pour cette première séance technique consacrée à l'agenda et à la méthodologie, la direction de l'assurance-maladie a convié tous les syndicats représentatifs (CSMF, SML, MG-France, FMF et Alliance). Instruits par les « rounds » précédents qui ressemblaient à de longs bras de fer tarifaires, les représentants des médecins ne risquent pas de verser dans l'optimisme.
La toile de fond d'une politique de rigueur qui, sans dire son nom, grignote toute marge de manoeuvre, l'épée de Damoclès de mesures imposées par Bercy qui pourraient concerner les médecins (les tarifs des radiologues et les biologistes avaient été ciblés l'an passé) et les « stabilisateurs » budgétaires qui repoussent désormais de six mois l'application de tout accord tarifaire créent forcément un climat anxiogène. Pourtant, de nombreux dossiers en jachère depuis un an sont sur la table, qu'il s'agisse de la revalorisation des spécialités cliniques (dont la médecine générale), de la permanence des soins des spécialistes, de la réforme de l'ASV ou du secteur optionnel. Mais, pour avancer, il faut du carburant. Et l'essence se fait rare. Pour la CSMF, en tout cas, pas question que les médecins «fassent les frais d'un nouveau plan d'austérité». Le syndicat argue de l'extrême modération des dépenses de ville en 2008 et réclame la levée des obstacles à l'application du C à 23 euros et des mesures d'urgence en direction des spécialités impactées par le parcours de soins. Pour le président Michel Chassang, les médecins vont affronter des moments «délicats» dans les prochains mois.
À quelle sauce le corps médical sera-t-il mangé ? Pour le SML, cette négociation a un goût de cendres. «Les règles du jeu ont changé,constate le Dr Dinorino Cabrera. On parlait auparavant de logique gagnant-gagnant. On envisage un plan de redressement alors qu'il n'y a pas d'alerte sur les dépenses, ce n'est pas cohérent! On étatise la médecine libérale. À quoi servent les accords partenariaux?»
MG-France, qui a rejoint le système conventionnel avec l'espoir d'un changement de cap et d'un investissement massif sur les soins primaires, ne cache pas ses réserves. «Cette négociation devrait mettre en musique les conclusions des états généraux de l'organisation de la santé (EGOS) , souligne le Dr Martial Olivier-Koehret. Mais, jusqu'à présent, cette convention a déstructuré la médecine générale et abouti à une baisse d'activité. La politique conventionnelle se traduit par des contraintes supplémentaires et rien en échange…» Pour la FMF, enfin, «tout indique que nous sommes entrés dans une ère de rigueur». Avec des négociations «très encadrées» économiquement, mais aussi politiquement, comme l'illustrent les déclarations de Nicolas Sarkozy, exhortant les partenaires conventionnels à trouver des solutions rapides sur la démographie.
Le Guen (PS) veut enterrer la convention
À l'occasion d'un débat parlementaire à l'Assemblée nationale, Jean-Marie Le Guen, spécialiste des questions de santé au PS, a appelé le gouvernement à supprimer la convention médicale. «Mettez fin, Madame la ministre, à la convention médicale actuelle: elle est dispendieuse et archaïque et elle ne fonctionne pas! Elle a été élaborée sous l'emprise de pressions corporatistes et clientélistes. Il faut que cela cesse car c'est du temps et de l'argent perdus.» Le vice-président de l'Assemblée nationale serait partisan de la négociation d'un accord-cadre interprofessionnel entre l'Union nationale des professions de santé (UNPS) et l'assurance-maladie.
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