Annoncé la semaine dernière durant le 25e Congrès de l'UNAPL (Union nationale des professions libérales) à la faveur des interventions de Renaud Dutreil et de Jean-Pierre Raffarin, le futur statut de collaborateur libéral (déjà en vigueur chez les dentistes, les kinés et les avocats), répond à une forte attente des professionnels de santé. « Il permettra l'insertion professionnelle du jeune libéral, a expliqué le Premier ministre à la tribune de l'UNAPL, et il lui mettra le pied à l'étrier. »
Dans un entretien publié par « le Généraliste » la semaine dernière, Renaud Dutreil annonçait que ces dispositions « seraient inscrites dans le projet de loi sur la modernisation des entreprises », et présentées au Parlement début 2004 ; « ce contrat, poursuivait le ministre, s'inspirera des règles qui prévalent d'ores et déjà dans quelques professions libérales comme celles d'avocat ou de chirurgien-dentiste. (...) Il permettra au jeune médecin d'acquérir la connaissance des pratiques professionnelles par une expérience concrète ». Certes. Mais au-delà de l'indéniable coup de pouce en direction des jeunes, ce nouveau statut permettra aussi aux libéraux en place de souffler un peu et de préparer une association, voire leur départ à retraite.
Explications du Dr Gérard Zeiger, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) et chargé du dossier de collaborateur libéral : « Cette nouvelle disposition permettra à un médecin libéral d'avoir un collaborateur libéral ou salarié ; dans le cas du statut libéral, le contrat devra prévoir la durée, les modalités de résiliation, et éventuellement une clause de non-réinstallation. Quant à la rémunération, il s'agira d'une réversion de parts d'honoraires par le collaborateur, sur des bases qui prendront en compte les frais du médecin titulaire, ses investissements, la valeur de son plateau technique, etc. »
Le risque d'une législation carcan semble écarté
Selon le Dr Zeiger, ce nouveau statut vise essentiellement une collaboration libérale, mais pour certaines professions médicales, comme les radiologues qui disposent d'un plateau technique souvent très coûteux, la collaboration salariée pourrait se révéler plus intéressante.
« De plus, ajoute-t-il, ce statut de collaborateur libéral ne nécessite aucun investissement et peut à terme déboucher sur un contrat d'association ou sur une succession ». Et donc, faciliter à terme la transmission du cabinet. Bien sûr, précise Gérard Zeiger, il faudra réécrire l'article 87 du code de déontologie médicale, qui interdit pour l'instant cette pratique (1), « mais l'Ordre peut le faire d'ici à la fin de l'année ; à partir du moment où il y a enfin une volonté politique pour faire avancer le dossier, ça peut aller très vite ».
Enfin, toujours selon le vice-président du Conseil de l'Ordre, « le CNOM a déjà défini les contours du nouveau statut sur lequel nous travaillons depuis le début de l'année 2003. Nous allons rédiger des contrats types pour aider les médecins et nous allons prochainement proposer un avenant aux futurs décrets d'application, qui permettra aux médecins d'avoir des possibilités de contrat de collaboration qui correspondent exactement aux spécificités de leur activité ».
Mais il y a quelques problèmes à régler : les contrats de collaborateurs libéraux déjà en vigueur chez certains professionnels de santé libéraux comme les kinés ou les dentistes comportaient un certain nombre d'écueils, comme ces tentatives répétées de l'URSSAF de requalifier en salaire les collaborations libérales répétées, au nom d'un supposé rapport de subordination entre le médecin titulaire et son collaborateur. Pour Jacques Reignault, président du CNPS (Centre national des professions de santé) « le problème de l'URSSAF est à peu près réglé, grâce à l'action syndicale qui a créé une jurisprudence ; en revanche, jusqu'à présent, ces contrats de collaborateurs libéraux étaient aussi contestés par le fisc qui réclamait le paiement de la TVA sur les sommes déclarées. Avec cette nouvelle disposition, ces écueils devraient être définitivement écartés. » Jacques Reignault se félicite de cette nouvelle possibilité offerte aux professionnels de santé : « Pratiquement toutes les professions de santé sont concernées par cette disposition ; elle est d'autant plus attendue que, à travers les décrets d'application, chaque profession pourra bénéficier de dispositions spécifiques. Le risque d'une législation carcan, commune à toutes les professions semble pour l'instant écarté. » Reste que quelques aspects techniques ne sont pas encore totalement résolus. Pour Gérard Zeiger, la question des collaborateurs libéraux des médecins de secteur II risque de poser un problème : « Leurs collaborateurs libéraux pourront-t-ils eux aussi bénéficier du secteur II ? »
Côté syndical, on approuve généralement l'esprit du nouveau dispositif qui se profile à l'horizon, mais on reste prudent. Pour le Dr Martial Olivier-Koehret, premier vice-président de MG-France, « on est dans une démarche nouvelle que MG-France soutient. Mais ce dispositif ne résoudra pas tous les problèmes. Il y a beaucoup de jeunes médecins qui ne veulent pas mener la vie de leurs aînés libéraux, avec toutes les contraintes que cela suppose comme la durée du travail, les gardes à répétition, etc. Ce dispositif ne réglera pas non plus le problème de la transmission du cabinet, car les collaborateurs libéraux seront le plus souvent des personnes qui auront choisi cette formule pour ne pas avoir à se préoccuper de la gestion du cabinet ; de ce point de vue, les possibilités de transmission resteront marginales. Néanmoins, qu'il y ait un dispositif législatif sur cet aspect, et que le conseil de l'Ordre ait évolué sur cette question nous paraît très positif. » Même tonalité au SML (Syndicat des médecins libéraux), dont le président, Dinorino Cabrera, se réjouit du projet. « Mais attention aux effets pervers, car il ne faudrait pas que ça puisse devenir de l'assistanat déguisé. Un médecin pourrait profiter de sa réputation, de son aura, pour faire travailler d'autres médecins pour lui. Nous réfutons cette logique qui serait purement commerciale. »
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