A Paris, la visite médicale en voiture serait-elle devenue une mission impossible ?
C'est ce qu'affirme aujourd'hui le
Dr Gérard Zeiger, président du Conseil de l'Ordre des médecins de Paris qui, avec le soutien des syndicats médicaux parisiens et de trois associations d'urgentistes (1), lance un cri d'alarme avant que « des défaillances ou accidents grave » se produisent dans la capitale.
Les difficultés de circulation et de stationnement pour les médecins libéraux de Paris sont pourtant anciennes et ont déjà fait l'objet de mesures spécifiques, jugées insuffisantes par les intéressés, surtout dans le contexte de raréfaction des installations de jeunes généralistes à Paris.
Litiges
La mise en place de la vignette d'urgence utilisée par 1 800 médecins libéraux parisiens qui effectuent régulièrement des visites (au moins 200 par an) permet théoriquement aux professionnels concernés de stationner sur certains emplacements interdits sans risque de contravention (ou éventuellement en faisant annuler les procès verbaux). Mais, observe le Dr Zeiger, « ce n'est qu'une tolérance sans aucune garantie, et dont on ne peut plus se contenter ».
Plus récemment, une autre tolérance a été octroyée, qui permet aux médecins de stationner sur les aires de livraison en cas d'urgence et pour une durée limitée. Ce qui, là encore, est ressenti comme une demi-concession.
Surtout, les médecins en visite ne sont pas autorisés à emprunter les nouveaux couloirs de bus de la capitale, sauf en cas d'urgence extrême, une notion impossible à évaluer a priori (avant examen clinique du patient) et qui risque de causer de nombreux litiges. « On est cantonné à regarder passer les bus, les taxis, les vélos, les rollers, les pompiers et les voitures des SAMU, bref tout ce qui est reconnu comme prioritaire », déplore un médecin installé à Paris. SOS-Médecins, qui effectue 450 000 visites par an à Paris, fait le même constat alarmiste. « Il n'est plus acceptable de perdre une demi-heure lorsqu'on a un appel pour une douleur thoracique », explique le Dr Patrick Brasseur, responsable de SOS-Paris. Pour le Dr Nicolas Crocheton (Garde médicale de Paris), c'est tout simplement « la médecine de proximité » qu'on est en train de décourager dans la première ville de France.
Le Conseil de l'Ordre de Paris dénonce la « surdité » de la nouvelle équipe municipale dont la stratégie serait de « dissuader à tout prix » le stationnement et la circulation à Paris. « La mairie se désintéresse de notre problème, s'emporte le Dr Zeiger. On m'a même dit une fois de faire mes visites en vélo. J'ai répondu que je me déplacerai en bicyclette quand le SAMU sera en triporteur. »
Il réclame au moins une rencontre qui permette de reconsidérer la « place du médecin libéral dans la cité ». En l'absence de solution rapide, les syndicats médicaux parisiens et les organisations d'urgentistes concernées menacent d'appeler les médecins libéraux à « transférer sur le 15 tous les appels en visite » et de faire signer une pétition aux patients « qui sont les vraies victimes ».
La menace n'est pas anodine : environ 1,5 million de visites remboursées sont effectuées chaque année dans la capitale dont près d'un million par les médecins installés (surtout par des généralistes) et le reste par les diverses structures d'urgentistes.
Dérogations envisagées
Du côté de la mairie de Paris, on oscille entre fermeté et volonté d'ouverture. Bernard Jomier, adjoint au maire du 19e arrondissement, chargé de la santé et des risques environnementaux, souligne que la nouvelle politique des transports à Paris vise à « réduire les conséquences de la pollution atmosphérique sur la santé des Parisiens » ; ce qui constitue « un indéniable progrès pour la santé publique ».
Il affirme également que, après des années d' « abus récurrents » liés à la délivrance magnanime de caducées à Paris, la mise en place de la vignette d'urgence a permis que la situation du stationnement des médecins soit « indéniablement améliorée ».
Quant à l'utilisation des couloirs de bus, il estime désormais « utile et justifié que les véhicules de SOS-Médecins puissent bénéficier d'un accès dérogatoire à ces couloirs et, dans certaines conditions, les véhicules porteurs de la vignette urgence ».
La mairie affirme qu'elle a saisi la préfecture de police des difficultés rencontrées par les infirmières qui interviennent au domicile de patients dépendants, âgés ou handicapés.
Ces mesures peuvent-elles donner du baume au cur des médecins libéraux parisiens qui effectuent des visites tant bien que mal ? Selon l'Automobile-Club médical de France (ACMF), qui recense, traite et retransmet à l'Ordre les contraventions que les professionnels contestent, les médecins parisiens sont actuellement tentés de faire de moins en moins de visites.
(1) Il s'agit de SOS-Médecins, des Urgences médicales de Paris (UMP) et de la Garde médicale de Paris (GMP).
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