Objectifs tensionnels et glycémiques

Les médecins ne sont pas assez exigeants

Publié le 29/06/2006
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66e Session de l'American Diabetes Association(ADA)
9-13 juin- Washington

SHARI BOLEN (John's Hopkins, Baltimore) a rapporté les résultats de l'analyse de 254 dossiers de patients diabétiques de type 2, hypertendus, suivis dans un programme de soins entre 1999 et 2001. Ceux-ci témoignent de l'inertie des prescripteurs à changer de traitement face à une baisse tensionnelle insuffisante. En effet, 12 % seulement des consultations révélant des chiffres supérieurs aux objectifs recommandés chez le diabétique donnaient lieu à une intensification du traitement. Toutefois, la décision dépendait du niveau de pression, les chiffres les plus élevés suscitant plus fréquemment une modification de la prescription. D'autres paramètres intervenant sur la décision de changer ou non l'ordonnance ont pu être dégagés de ce travail : une visite de routine est plus propice à l'adaptation du traitement qu'une consultation décidée en urgence ; le médecin habituel modifie plus facilement l'ordonnance qu'un praticien consulté occasionnellement (remplaçant par exemple) ; le médecin traitant a moins tendance à changer le traitement antihypertenseur si le patient diabétique est également suivi par un cardiologue (laissant le soin au spécialiste d'équilibrer la tension artérielle). Enfin, le traitement antihypertenseur est moins souvent modifié si un autre problème - coronaropathie, diabète déséquilibré avec un taux d'HbA1C élevé - est repéré pendant la consultation et vient interférer sur la question de l'équilibre tensionnel.
Par ailleurs, l'analyse du sous-groupe des 1 244 diabétiques hypertendus appartenant à la cohorte des 11 000 femmes de l'hôpital de Brigham (Brigham and Women's Hospital Study) confirme les données précédentes. Dans ce travail, seulement 26 % des TA non équilibrées bénéficiaient d'une intensification du traitement ; plus les chiffres étaient élevés, plus la probabilité que le traitement soit modifié était forte, les chiffres de la PAS comptant plus que ceux de la PAD. En effet, pour chaque élévation de 10 mmHg de la PAS, la probabilité que le traitement soit changé augmentait de 40 %, alors qu'une élévation de 10 mmHg de la PAD correspondait à une probabilité d'augmenter le traitement de 20 %. « Cette attitude s'explique par le fait que la PAS est plus fortement corrélée aux complications du diabète que la PAD », commente le Dr Turchin, principal auteur de ce travail. L'âge ou le sexe des patients n'entraient pas en ligne de compte dans la décision d'intensifier ou non le traitement.


En réalité, l'inertie à intensifier un traitement ne concerne pas seulement le contrôle tensionnel. L'équilibre glycémique semble pâtir de ce même laxisme. Une analyse rétrospective réalisée à partir de données de l'administration américaine (9 416 diabétiques de type 2 ayant bénéficié d'une première prescription d'antidiabétique oral, ADO) fournit des données intéressantes de ce point de vue. Au début du traitement, le taux d'HbA1C était de 8,4 % en moyenne : 33 % des patients avaient un taux d'HbA1C >ou = 7 % et 67 % >7 % avec une moyenne de 9,5 %. Le traitement était renforcé lorsque le taux d'HbA1C était supérieur à 8,5 % en moyenne, soit 240 jours après la constatation du dépassement de l'objectif recommandé. Les patients sous thiazolidine voyaient leur traitement renforcé plus rapidement que ceux sous metformine. Plus inquiétant encore, la moitié des patients ayant bénéficié d'une intensification de leur traitement n'avaient pas eu de dosage de l'HbA1C au préalable. Ce qui conduit à s'interroger sur les critères de décision de changement thérapeutique. Enfin, des dosages d'HbA1C peu fréquents étaient associés à un faible taux d'intensification du traitement en cas de résultats insuffisants.
Une autre étude, faite en Europe, arrive aux mêmes conclusions que ce travail américain. Elle porte sur des statistiques allemandes et britanniques. Elle met, elle aussi, en évidence un contrôle glycémique insuffisant chez la majorité des patients : 33 % ont un taux d'HbA1C > 8,4, 33 % >9 % et 18,2 % >10 %. Il n'y avait pas de différence entre les deux pays. Ainsi, 75 % des patients sous insuline n'atteignaient pas les objectifs souhaités. La peur de l'hypoglycémie est sans doute un facteur de non-augmentation des doses, notamment chez les patients les plus âgés avec des comorbidités ; la réticence à pratiquer plusieurs injections en est un autre. « Probablement qu'une meilleure formation des médecins à l'éducation thérapeutique de leurs patients permettrait de progresser dans ce domaine », a conclu Stephen Gough (Birmingham).

D'après les communications d'Alexender Turchin (Boston), de Shari Bolen (Baltimore), de Graig A. Plauschinat (Hanovre) et de Stephen Gough (Birmingham)

> Dr DENISE CARO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7990