PROCÉDURE DE DIVORCE conventionnel ou brouille passagère ? Orage ou simples nuages ? Face au plan d'économies drastiques de l'assurance-maladie, qui prévoit une contribution de 200 millions d'euros de certains spécialistes, par le biais de baisses de tarifs pour les radiologues et les biologistes (« le Quotidien » du 21 juin), les syndicats signataires de la convention n'ont pas encore accordé leurs violons ni leurs discours.
Pour la Csmf, principal soutien des réformes depuis 2004 et syndicat moteur de la convention, le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) a ouvert une «crise grave avec les médecins libéraux» en proposant au gouvernement un «plan scélérat» qui risque de «réduire en poussière le travail accompli depuis trois ans». La réforme serait menacée par le retour des vieux démons, plus de dix ans après le plan Juppé. Le syndicat affirme avoir «claqué la porte» de la dernière réunion à la Cnam (consacrée au plan d'économies), avant d'appeler ses troupes à la mobilisationcontre le retour de la maîtrise comptable. «La caisse veut mettre la tête des radiologues sur le billot, résume le président Michel Chassang. Nous nous sommes quittés sur un constat de désaccord total.» Et aucune date nouvelle de réunion n'a été fixée.
Riposte graduée.
L'Umespe, qui réunit les bataillons de spécialistes de la Csmf, a convoqué hier son comité directeur pour examiner les «moyens utiles de riposte graduée». Plusieurs actions sont à l'étude : boycott des commissions conventionnelles, refus de recevoir les délégués de l'assurance-maladie, dépassements systématiques ou mise en place de listes d'attente (pour l'accès au scanner).Détournant le slogan sarkozyste, le président de l'Umespe, Jean-François Rey, affirme que les médecins n'accepteront pas de «travailler pluspour gagner moins». D'autant que si la caisse «tape» aujourd'hui sur les radiologues et les biologistes, «demain, met en garde le Dr Rey, ce sera le tour des gastro-entérologues, des cardiologues etd'autres encore, si la profession ne réagit pas». Pour corser l'affaire, la Csmf ajoute que la caisse veut revoir le calendrier de revalorisation de la nomenclature des actes techniques (Ccam) des spécialistes. L'avenant 23 à la convention, signé en mars dernier, prévoyait pourtant de mettre en oeuvre la deuxième étape de convergence vers les tarifs cibles majorés (définitifs) en deux phases : à partir du 1er juillet prochain (avec un taux de revalorisation de 15 %) et à partir du 1er janvier 2008 (25 %). Un calendrier désormais incertain. «Il y a une forme de chantage de la Cnam, assène le Dr Chassang. Soit on accepte de négocier les baisses de tarifs des radiologues, soit ce sont toutes les spécialités qui trinquent» par le biais d'un report de la nouvelle grille tarifaire des spécialistes . Selon certaines informations, la hausse de juillet de la Ccam technique pourrait être reportée de plusieurs semaines (en revanche l'augmentation du C à 22 euros aura lieu au 1er juillet comme prévu).
Un guide de bon usage des examens d'imagerie.
Dans l'entourage du directeur de l'assurance-maladie, on confirme au « Quotidien » qu' «il y a une incertitude sur le calendrier» de la deuxième étape de la Ccam technique mais «aucun scénario» arrêté . «On discute. La deuxième étape reposait sur un équilibre entre les spécialités, le plan d'économies change la donne», explique-t-on . En clair, ce qui était acquis en mars ne le serait plus automatiquement en juin.
Cette analyse sombre de la situation conventionnelle ne semble pas partagée par le Syndicat des médecins libéraux (SML), nettement moins critique que son allié confédéral, comme souvent depuis un an. Le Dr Dinorino Cabrera, président du syndicat, estime que la dernière réunion à la Cnam s'est même déroulée… dans un climat «serein, sans incident». Et ne cache plus son agacement devant les affirmations « théâtrales » de la Csmf.
Signe que les ponts ne sont pas coupés avec la « Sécu », les organisations signataires, ajoute le SML, ont proposé plusieurs «pistes alternatives» d'économiespour éviter de subir des décisions unilatérales au «fort relent de maîtrisecomptable». Sur la table : la mise en place rapide d'accords de bon usage des soins (AcBUS) pour les radiologues (l'avenant 23 citait les radios du crâne et l'ostéodensitométrie) ou des économies mieux ciblées sur «certaines composantes» des actes d'imagerie en coupe – scanners, IRM – en forte hausse (il s'agirait de pénaliser davantage les forfaits techniques, souvent payés par les établissements, plutôt que les honoraires des médecins). Et la puissante Fédération nationale des médecins radiologues (Fnmr) serait disposée à s'engager dans la mise en oeuvre d'un guide de bon usage des examens d'imagerie (GBU) afin d'affecter à chaque situation clinique l'examen de référence. Objectif : éliminer les redondances et favoriser le recours aux techniques d'imagerie les plus récentes. Le directeur de l'assurance-maladie serait prêt à étudier ces outils « médicalisés ». Mais sans renoncer à son plan dans l'immédiat. Pour le Dr Félix Benouaich, président du troisième syndicat signataire, Alliance, «il y a des tensions fortes, mais ce n'est pas encore la crise ouverte».
Quoi qu'il en soit, c'est le gouvernement, et non la Cnam, qui a les cartes en main. Ses arbitrages seront rendus dans quinze jours environ, alors que la commission des comptes de la Sécurité sociale (Ccss) annoncera le 4 juillet ses nouvelles prévisions sur le déficit 2007 de l'assurance-maladie.
Depuis le plan d'économies, les contacts se sont donc multipliés entre les représentants des médecins et les deux ministres compétents sur ce dossier, Eric Woerth (à Bercy) et Roselyne Bachelot (à la Santé). Aujourd'hui et demain encore, le SML et la Csmf seront reçus Avenue de Ségur. Dans un entretien au « Monde », Roselyne Bachelot dit sa volonté de «consulter» les professionnels de santé avant toute décision.Mais la ministre ne baisse pas la garde. «Des objectifs qui avaient été fixés en matière de maîtrise médicalisée des dépenses n'ont pas été tenus.» Une façon de préparer le corps médical à des mesures douloureuses ?
Bercy promet la rigueur
C'est niet. Le ministre du Budget et des Comptes publics, Eric Woerth, a fait comprendre à la Csmf, reçue en fin de semaine dernière, qu'il n'y aurait aucune rallonge en juillet permettant de relever le budget des soins de ville dont la hausse est limitée à 1,1 % pour 2007. Face à ce taux d'évolution jugé «intenable», plusieurs syndicats médicaux avaient demandé au gouvernement d'accorder cet été un coup de pouce à l'Ondam 2007 (objectif national de dépenses d'assurance-maladie) afin de redonner un ballon d'oxygène à la médecine libérale. C'est donc une fin de non-recevoir du gouvernement.
Pas du tout rassuré par son entretien à Bercy, le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, a compris qu'il n'était non seulement «pas question d'un collectif budgétaire pour corriger l'Ondam 2007», mais qu'il n'y aurait «pas non plus de moyens financiers nouveaux» pour 2008 et donc «pas de marges de manoeuvre». Ce qui promet des négociations tarifaires musclées en fin d'année, notamment pour fixer la date de passage de la revalorisation du C à 23 euros. Dès lors, même si Nicolas Sarkozy a justifié les franchises sur les soins par la nécessité de financer de nouvelles dépenses ciblées, certains redoutent déjà une cure d'austérité l'an prochain à travers un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) rigoureux. «On s'achemine vers un Ondam 2008 ridicule, toujours inférieur à l'évolution du PIB, et on risque de se retrouver dans un schéma qui conduit au rationnement des soins», met carrément en garde Michel Chassang . Seul motif d'espoir : le gouvernement serait «sensible à l'idée d'un rééquilibrage entre hôpital et ville».
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