«L ES maternités ont immédiatement besoin de 1,2 milliard de francs pour assurer la sécurité des femmes et des nouveau-nés », estime la Fédération des médecins de la naissance, qui regroupe le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), le Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs français (Snarf) et le Syndicat national des pédiatres français (Snpf).
Pour faire pression sur le gouvernement, cette structure récente demande « à tous les praticiens de la naissance, à tous les établissements de santé privés, d'organiser dès à présent une fermeture complète des maternités, salles d'accouchement, consultations, services d'hospitalisation, à partir du samedi 4 août ». Elle demande également aux praticiens du secteur public qui ne pourront en faire autant de « démissionner de toutes leurs fonctions administratives ». Cette action sera confirmée, indique la fédération, si aucune solution n'est proposée d'ici au 3 juillet.
La colère de ces médecins éclate près de trois mois après la fin d'un travail de réflexion et de proposition mené par l'ensemble de la profession avec le ministère de la Santé. « L'absence de solutions proposées depuis est une décision politique », estime la fédération, qui décrit la situation actuelle des maternités : « discrimination inacceptable » des moyens alloués, démographie médicale préoccupante, détérioration des conditions d'exercice, au point que « la sécurité même n'est plus assurée ».
En raison de nombreux facteurs, le nombre de structures privées est en baisse. Entre 1994 et 1997, le nombre de places et de lits en maternité avait déjà chuté de 5,6 %. Depuis la tendance se poursuit. Alors que jusqu'à présent, les restructurations concernaient presque exclusivement les petites structures, ce sont maintenant des services de taille plus importante qui disparaissent. Certaines maternités privées ferment sur décision de leurs responsables, comme ce sera le cas à partir du 30 juin à Aubergenville (Yvelines), où la maternité pratique 680 accouchements par an, mais souffre d'un déficit chronique depuis plus de cinq ans. « Cela s'explique par plusieurs facteurs, commente le Dr Jean-Philippe Bault, l'un des obstétriciens de la clinique. Nous cherchions un quatrième obstétricien depuis plusieurs années, nous n'en avons pas trouvé. A cela s'est ajouté le passage aux 35 heures, qui nécessitait l'embauche d'une sage-femme de plus. Outre la difficulté à la recruter, cela représentait une augmentation substantielle de la masse salariale. Après avoir tenté un rapprochement avec l'hôpital voisin, qui a échoué, la direction a dû se résoudre à fermer. »
Fermeture à Cahors
Mais ce qui révolte encore plus les syndicats réunis dans la Fédération des médecins de la naissance, c'est que les pouvoirs publics cherchent, affirment-ils, à maintenir systématiquement les structures publiques en supprimant celles du privé. Cahors en est, selon eux, un bon exemple : la clinique qui fait 440 accouchements par an, alors que l'hôpital n'en réalise que 250, devra fermer sa maternité dans un an et demi. L'agence régionale de l'hospitalisation invoque le fait qu'il faut une seule maternité de niveau II (comprenant une unité de néonatalogie) et que la clinique n'en possède pas.
A Saint-Malo, un accord a été trouvé afin de procéder, d'ici à mai 2002, à la fermeture de la maternité de la clinique de l'Espérance, qui réalise 850 accouchements annuels, au profit de l'hôpital, où doit être construit un pavillon mère-enfant. Pour cause de dépassement du budget de l'hôpital, la construction de ce pavillon est sans cesse retardée, ce qui pose déjà des problèmes de saturation. Pour autant, la date de fermeture de la clinique n'a pas été repoussée.
« On ne respecte pas le choix des femmes »
L E Dr Guy-Marie Cousin, secrétaire général du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, membre de la Fédération des médecins de France, dénonce l'attitude des pouvoirs publics face à la crise des maternités privées.
LE QUOTIDIEN - Croyez-vous sincèrement que les pouvoirs publics ont décidé de la disparition programmée de l'obstétrique privée ?
Dr GUY-MARIE COUSIN - Oui, je le crois. Les faits le montrent chaque jour : le choix des maternités maintenues dans le plan périnatal est presque toujours en faveur des maternités publiques, même si leur activité est inférieure à celle de l'établissement privé qui doit fermer. Je ne connais qu'un seul exemple contraire. Par ailleurs, les propos tenus par le ministre délégué à la Santé vont dans le même sens. Cela a été le cas lors de la grève des sages-femmes ; il a affirmé que, si les maternités privées disparaissaient, on se débrouillerait sans elles. Tout cela me paraît grave, car il s'agit d'un choix de société. On ne respecte pas le désir des femmes de choisir leur lieu de suivi et d'accouchement.
Votre appel est lancé par la Fédération des médecins de la naissance. Pourquoi avoir créé une nouvelle structure ?
La Fédération des médecins de la naissance s'est créée après la grève de décembre 2000 dans les maternités, car les trois spécialités partagent les mêmes préoccupations. Pour la mienne (la gynécologie-obstétrique) , la pénurie de professionnels est dramatique, mais elle est presque pire pour les autres. Dans certaines maternités, les pédiatres ne viennent même plus, ce qui pose un problème de sécurité en salle d'accouchement. Pour les anesthésistes, on risque de se retrouver dans la situation d'il y a dix ou quinze ans, c'est-à-dire qu'ils n'interviendront qu'en cas d'urgence, ce qui signifie l'arrêt de l'analgésie péridurale. Le risque médico-légal joue également dans la crise qu'ils traversent. Récemment, un anesthésiste de Montpellier a été condamné en sa qualité de médecin pour ne pas être intervenu lors d'un accouchement, à la place de l'obstétricien qui était absent. Il faut une solution rapide pour remédier à ces dérives.
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