AVEC EN MÉMOIRE l'ensemble des achats de médicaments du patient depuis quatre mois, qu'ils soient prescrits ou achetés en automédication (à condition toutefois que le patient ne s'y soit pas opposé au préalable), le pharmacien va désormais disposer d'un historique assez complet de la consommation médicamenteuse de ses clients.
Ce DP est avant tout destiné à éviter les interactions médicamenteuses, dans la mesure où le médecin n'a pas forcément connaissan- ce de la consommation totale de médicaments de ses patients.
Mais attention, clame un praticien parisien, le Dr Alain Choux : «Les pharmaciens ne sont pas médecins. Si un pharmacien refuse de délivrer un médicament à un patient au vu des autres médicaments qu'il consomme, et que cette non-délivrance occasionne un problème de santé, qui sera responsable? Le pharmacien, ou le médecin?»
A cette question, le Dr Piernick Cressard, président de la section éthique et déontologie au Cnom (Conseil national de l'Ordre des médecins), se fait précis : «Un pharmacien ne peut refuser de délivrer sans en avoir informé le médecin auteur de la prescription, qui la modifiera si besoin est. Si le pharmacien refuse de délivrer sans en informer le médecin, sa responsabilité pourra être engagée.» Mais que se passe-t-il si, joint par le pharmacien, le médecin refuse de modifier sa prescription ? «C'est très simple, répond le Dr Cressard. Le médecin indique au pharmacien, ou écrit sur l'ordonnance qu'il maintient sa prescription, et le pharmacien doit s'exécuter.»
Le Dr Cressard souligne cependant quelques incohérences entre le DP et le futur DMP (dossier médical personnel) : «Pour le DMP, il existe une possibilité pour laquelle l'Ordre s'est battu, celle du masquage des données, et du masquage du masquage. Pour le DP, si le patient ne veut pas que telle consommation médicamenteuse y figure, le pharmacien notera ce refus. Si bien que le DP indiquera clairement qu'il y manque des informations. Il y aura donc deux poids et deux mesures, et c'est embêtant dans la mesure où le DP va largement alimenter le contenu du DMP.»
Par ailleurs, dans la mesure où ce DP va effectivement alimenter le DMP sans que l'inverse ne se produise, le Dr Cressard regrette que «le pharmacien ait droit de lecture et d'écriture sur le DMP sans qu'il y ait réciprocité pour le médecin sur le DP».
Aucun droit supplémentaire pour le pharmacien.
Face à toutes ces interrogations, Alain Jaynes, président de la commission de la protection sociale de la Fspf (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) se veut rassurant. En cas d'interrogation du pharmacien sur l'adéquation d'une prescription avec les consommations médicamenteuses antérieures d'un patient, «dans 99,9% des cas, le pharmacien joint le médecin et le problème est résolu». Mais que fait-on pour les 0,1 % des cas restants ? «Si le médecin n'est pas joignable, ajoute Alain Jaynes, je ne délivre pas. Mais si la non-délivrance risque d'entraîner d'autres problèmes comme pour une ordonnance d'anticoagulant, je peux toujours consulter un autre médecin ou envoyer le patient consulter à l'hôpital.» Pour Alain Jaynes, le DP ne changera rien aux rapports existant entre médecins et pharmaciens, puisque ce DP n'est rien d'autre qu'un outil professionnel destiné à gagner du temps pour les pharmaciens. En clair, indique en substance Alain Jaynes, ce DP n'apporte aucun droit supplémentaire au pharmacien en matière de substitution ou de refus de délivrance. Tout au plus augmentera-t-il les occasions d'utiliser ces droits, grâce aux indications contenues dans le DP.
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