Deux poids, deux mesures : tel est, en substance, le sentiment exprimé par les syndicats de médecins de ville au lendemain du vote en première lecture du PLFSS 2002 par les députés.
Les représentants des praticiens libéraux ont en effet pris acte de la « rallonge » de 3,9 milliards de francs accordée par le gouvernement aux hôpitaux publics dans le cadre du PLFSS 2002 sans constater le même effort financier en faveur des cliniques et, plus largement, de la médecine ambulatoire que beaucoup jugent totalement « oublié ».
Pour le Dr Pierre Costes, président de MG-France, « que l'hôpital public fasse le forcing pour obtenir immédiatement plus de moyens, c'est totalement logique mais que, parallèlement, le gouvernement n'investisse pas fortement sur les soins ambulatoires pose la question du décalage entre le discours et la réalité ». Le président de MG-France réclame « des dotations significatives » dans le domaine de la coordination et de la permanence des soins.
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat de médecins libéraux (SML), se dit quant à lui « sidéré par la gestion de ce PLFSS ».« L'Etat n'a pas le droit d'être aussi régalien dans ses arbitrages, résume-t-il . Les hôpitaux, après le marchandage politique du PC, ont des euros sonnants et trébuchants alors que les libéraux n'ont que des promesses et des déclarations d'intention. » Et pourtant, rappelle-t-il, « les cliniques et les médecins de ville emploient également du personnel ». Une analyse que partage la Fédération des médecins de France (FMF). « On a remis une couche pour l'hôpital public sans rien céder aux cliniques », observe le Dr Jean Gras, président de la FMF. Il s'interroge sur « la volonté de l'Etat d'assurer la pérennité du système français de distribution des soins et la coexistence du privé et du public ».
« Distorsion de concurrence »
Le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) va encore plus loin. « Donner 4 milliards aux hôpitaux au moment où on refuse 6 milliards aux cliniques, c'est de la distorsion de concurrence, déclare-t-il. Des lits sont des lits ! Quant à l'argument qui consiste à dire aux cliniques qu'elles n'ont qu'à moins payer leurs médecins pour augmenter le salaires des infirmières, il est totalement vicieux. »
Tous les syndicats dénoncent au passage la gestion financière par le gouvernement du passage aux 35 heures. « On a l'impression qu'il y a deux catégories de Français, résume le Dr Costes . Les employés de l'Etat dont il convient de prendre le plus grand soin et les abandonnés de l'Etat à qui on offre comme seule perspective la croissance du volume d'activité et du temps de travail. »
Le mécontentement des syndicats de médecins libéraux dépasse la seule question des crédits supplémentaires octroyés aux hôpitaux publics. La perspective d'une réforme du système conventionnel et du mécanisme de régulation des dépenses de médecine de ville (« le Quotidien » du 26 octobre) ne les rassure guère. Pour le Dr Cabrera, malgré la suppression dans la dernière mouture de l'amendement adopté des « contrats types à adhésion individuelle », qui faisait redouter à certains le conventionnement sélectif individuel des médecins, le « danger mortel demeure ».« Le risque, précise-t-il , est qu'une organisation minoritaire puisse engager les médecins dans un cadre conventionnel artificiel à l'image de ce qui s'est passé pour le médecin référent. » Le Dr Brun (UCCSF) s'interroge déjà sur la « marge de manuvre réelle dont bénéficiera la caisse nationale d'assurance-maladie ». Rappelons que le gouvernement prévoit de renforcer le rôle des conventions qui définiront des « engagements » collectifs et individuels des professionnels de santé libéraux en matière d'organisation des soins, de respect des bonnes pratiques ou d'évolution de l'activité. Dans ce cadre contractuel, la procédure des lettres clés flottantes (ajustement périodique des tarifs) ne s'appliquerait plus.
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