La réforme des agences régionales de santé

Les médecins libéraux se méfient de la procédure des ordonnances

Publié le 27/05/2008
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POUR LES MÉDECINS LIBÉRAUX, qui n'ont pas la mémoire courte, c'est la première mauvaise surprise du futur projet de loi Santé, patients et territoires, attendu pour l'automne prochain. Paradoxalement, c'est en ouvrant la concertation officielle sur ce texte avec les partenaires sociaux que Roselyne Bachelot a annoncé que la réforme pourrait partiellement passer… par la voie des ordonnances, du moins le volet des agences régionales de santé (« le Quotidien » du 26 mai). Une annonce en forme de douche froide. Certes, la ministre de la Santé a précisé qu'elle voulait auparavant la discussion «la plus approfondie possible»: d'où la multiplication de rencontres bilatérales et multilatérales tous les mois, jusqu'en septembre, avec les représentants des syndicats de salariés, d'employeurs, de PH, de médecins libéraux, de fédérations hospitalières et de patients. Certes aussi, elle a invoqué la complexité et la technicité du dossier des agences régionales de santé (ARS, titre 4 du projet de loi), pour justifier un éventuel recours aux ordonnances. Il n'empêche, la seule évocation de cette procédure, qui permet à l'exécutif de rédiger et d'adopter directement un texte en court-circuitant le débat parlementaire, est reçue comme un signal inquiétant par la profession. «Cela nous rappelle des souvenirs terribles, le spectre du plan Juppé est là, attaque le président de la CSMF, Michel Chassang. Nous avons été extrêmement surpris de découvrir cette nouvelle dans la presse. On ne peut pas dire que cela promette un grand débat démocratique…»

De fait, si le périmètre et les compétences des ARS sont désormais connus (politique de santé, prévention, éducation à la santé, veille et sécurité sanitaire, soins de ville, soins hospitaliers, prises en charge médico-sociales), comme ces instances coifferont à la fois l'organisation de la santé, les restructurations hospitalières et la régulation médico-économique (pilotage de la gestion du risque mise en oeuvre dans les caisses locales), les médecins savent que le diable se nichera dans les détails. D'où leur inquiétude si la discussion parlementaire est escamotée.

Jean-Claude Régi (FMF) : on ne pourra admettre un coup de force.

Quelle architecture précise pour les ARS ? Quels leviers d'action ? Quelle contractualisation avec les offreurs de soins ? Quelle place pour les libéraux ? «C'est le genre de texte où une simple virgule peut tout changer, il faudra être très attentif», commente un expert.

«Le précédent des ordonnances est très fâcheux, déplore le Dr Cabrera, président du SML. àchaque fois qu'on a procédé de la sorte sur la santé, ça n'a pas pas marché.En tout cas, ce n'est pas parce que c'est compliqué qu'il faut imposer les choses. Je pose la question: a-t-on peur de la complexité du débat ou des lobbies qui fourbissent leurs armes?»

Du côté de MG-France, on est beaucoup moins catégorique. «Je comprends la tentation du gouvernement de légiférer par ordonnances car les résistances s'annoncent colossales, ne serait-ce que sur la fusion à l'échelon régional des services de l'État et de l'assurance-maladie», analyse le Dr Martial Olivier-Koehret, président du syndicat de généralistes. Or, pour ce responsable, il ne faudrait pas que le délicat volet « ARS », «qui n'est pas calé», retarde la concrétisation des autres pans de la loi «qui font globalement consensus» (prévention, accès aux soins).

Quant à la FMF, elle précise qu'elle adhère au principe de cette réforme «utile». Mais, en matière de procédure, met en garde le président Jean-Claude Régi, «on ne pourra pas admettre un coup de force».

> CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8379