LE PREMIER TOUR de piste conventionnel a confirmé ce que plusieurs syndicats médicaux redoutaient : la reprise officielle des négociations caisses-médecins n'est pas pour demain. Et la dynamique contractuelle peine décidément à trouver un nouveau souffle, à deux ans de l'échéance de la convention actuelle.
Réunis au siège de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) pour examiner le calendrier et les thèmes envisageables pour ce nouveau « round » conventionnel, les syndicats sont restés sur leur faim et ont compris qu'il faudrait patienter.
Autour de la table, la configuration était plutôt originale. Outre les délégations des trois signataires initiaux de la convention de 2005 – CSMF, SML et Alliance –, on retrouvait le nouveau venu dans le giron conventionnel, MG-France (toujours décidé à élargir sa délégation aux représentants des jeunes médecins), mais aussi… le Dr Jean-Paul Hamon, chef de file des généralistes de la FMF, «pas signataire, mais pas sans idées». Ce syndicat convoquera une assemblée générale en juin pour décider son retour ou pas dans la convention.
Le temps de la rigueur ?
La situation est paradoxale.
L'assurance-maladie, a assuré son directeur, Frédéric Van Roekeghem, en préambule de la réunion, est soucieuse de «relancer» la machine conventionnelle que la plupart des observateurs jugent en panne. Il veut conclure des accords «gagnants-gagnants». La caisse propose même de nombreux thèmes de négociation possibles (voir encadré) qui couvrent la qualité de la pratique, l'organisation de l'offre de soins, la maîtrise médicalisée, les rémunérations, la régulation des dépassements (via le secteur optionnel) ou la retraite. Mais ce volontarisme sur le contenu contraste avec le flou du calendrier.
Avant d'entrer dans la négociation, le directeur général de l'assurance-maladie veut disposer du mandat de son conseil où siègent les partenaires sociaux, et qui fixe les «orientations» de négociation. Or la prochaine réunion du conseil de l'UNCAM est prévue seulement le 22 mai (les ponts ne facilitant pas les choses). En tout état de cause, rien de sérieux ne commencera avant cette date. Et quand on se souvient des marathons conventionnels des années passées (plusieurs mois de discussions), il y a de quoi s'inquiéter sur la date de l'atterrissage. Ce n'est pas tout. Certains leaders médicaux s'interrogent à mots couverts sur le degré d'autonomie (financière, politique) du patron de la Sécu. «Entre la rigueur budgétaire imposée par le gouvernement et la mise en place annoncée des agences régionales de santé qui s'occuperont de gestion du risque, ses marges de manoeuvre sont désormais réduites. Il sent que les choses sont en train de lui échapper», analyse un responsable syndical, partie prenante des discussions.
La CSMF: flou artistique.
Quoi qu'il en soit, à l'issue de cette première réunion, les responsables syndicaux oscillaient entre doute et franche désillusion. «Marre de tourner en rond, tempête le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Tout est prétexte pour reculer. Les thèmes de négociation proposés par le directeur sont bons mais, pour la mise en musique, c'est le flou artistique!» En cause, «l'empilement des réformes, les discussions interminables des états généraux, l'absence de priorités, les échéances repoussées…» Le SML n'y va pas non plus par quatre chemins. «Même si les thèmes de négociation correspondent aux nécessités, le lancement de la négociation et le temps nécessaire à son aboutissement ne permettront pas de réelles avancées au cours de cette année. Il se confirme que 2008 devrait être une année blanche, une année perdue.» D'autant que les syndicats n'oublient pas que tout accord de hausse tarifaire est désormais suspendu pendant six mois avant sa mise en oeuvre. «Jusque-là, on avançait lentement, mais sûrement, là on est mal barrés, estime le Dr Félix Benouaich, président du syndicat Alliance, bien implanté dans les spécialités de plateaux techniques . Sur le papier, le programme est bon, mais y a-t-il une volonté politique et des moyens pour le réaliser? Je n'en suis pas certain…»
Pour son retour, MG-France ne ménage pas la direction de l'assurance-maladie. Pour le syndicat de généralistes, le menu conventionnel proposé par la CNAM n'est pas à la hauteur des «enjeux» de la réforme du système de santé ni de l' «urgence» de revalorisation de la médecine générale et des soins primaires. «On est très loin du compte», se désole le Dr Vincent Rébeillé-Borgella.MG-France a réclamé un «rattrapage urgent et massif des moyens professionnels et des rémunérations directes et indirectes» pour les acteurs du premier recours «en crise démographique majeure».
A noter que cette première réunion de prospective conventionnelle avec tous les syndicats a mis au jour la tension qui existe entre organisations rivales. Sitôt sortie de la CNAM, l'UMESPE (branche spécialiste de la CSMF) a dénoncé le «harcèlement de MG-France vis-à-vis des médecins spécialistes».
Les sujets de négociation que la caisse met sur la table
La CNAM a suggéré aux syndicats une liste non exhaustive de thèmes « 2008-2009 ».
-Renforcer l'engagement des médecins traitants dans la prévention
-Accroître la qualité de prise en charge des personnes atteintes de pathologies chroniques
-Promouvoir l'engagement des médecins pour atteindre les objectifs de santé publique et d'efficience
-Favoriser l'organisation des soins et le rééquilibrage de la démographie médicale
– En conformité avec les conclusions des états généraux (mode d'exercice pluridisciplinaire, zones sous- et surdotées, expérimentations des nouveaux modes de financement des soins...)
-Accroître l'efficience de la permanence des soins en établissementsnRéguler les dépassements d'honoraires
– Garantir un haut niveau d'accès aux soins à des tarifs maîtrisés pour tous les assurés, en commençant par les spécialités de plateaux techniques (secteur optionnel)
-Poursuivre les actions de maîtrise médicalisée engagées depuis 2005, notamment sur les inhibiteurs de la pompe à protons, les transports, les antihypertenseurs et certains actes diagnostiques et thérapeutiques
-Favoriser le développement de la démarche qualité (EPP, groupes de pairs)
-Poursuivre la revalorisation des spécialistes de médecine générale en contrepartie de mesures de régulation démographique
-Poursuivre le rééquilibrage des autres spécialités
-Réformer le régime ASV
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