L'écho que recueille chez les représentants des médecins la proposition de « contrat social » formulée par le candidat Lionel Jospin (« le Quotidien » d'hier) commence souvent par un « enfin ! » plus ou moins soulagé, plus ou moins ironique.
« Nous sommes satisfaits d'entendre enfin la voix du Premier ministre sur le dossier de la santé », indique le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux (CSMF), qui ne manque pas de rappeler qu'au cours de ses cinq années à Matignon Lionel Jospin n'a jamais reçu les médecins.
Quant au Dr Jean-Marc Rehby, porte-parole de la Coordination nationale des médecins généralistes, il fait cette analyse : « Il a fallu des mois pour que notre discours remonte à la surface et qu'enfin nous soyons entendus. Le Premier ministre a pris conscience des problèmes de la profession ! »
Prônant des « engagements réciproques » des professionnels de santé et des pouvoirs publics, exhortant médecins et paramédicaux à maîtriser leurs dépenses en se fondant sur des bonnes pratiques par eux-mêmes définies, Lionel Jospin, pour son unique meeting consacré à la santé, a promis qu'une fois les professionnels engagées par « contrats pluriannuels » dans cette voie, leurs honoraires pourront être revus à la hausse. Son message est, dans l'ensemble, favorablement accueilli par sa cible.
« Le discours de Lionel Jospin va dans le sens de ce que nous demandons », estime le Dr Rehby. « Nous sommes d'accord avec cette idée de pacte », renchérit Michel Chassang. Le Dr Pierre Costes, qui préside MG-France, retient surtout des propos du Premier ministre que celui-ci a reconnu à Poitiers la médecine générale comme une spécialité. Il adhère à l'idée que « les trente années de fonctionnement basées sur l'accord conventionnel de 1971 (celui qui a créé la première convention nationale, NDLR) s'achèvent ».
Finalement, seul le Dr Jacques Reignault, qui préside le Centre national des professions de santé (CNPS), exprime une certaine « perplexité » face aux propositions du candidat Jospin. « En matière de dépenses de santé, on parle encore une fois de la responsabilité des seuls professionnels. Que nous maîtrisions nos dépenses suffira-t-il à maîtriser la hausse des dépenses de santé en général ? Je ne le crois pas. Et pour cette raison, le discours du Premier ministre me paraît quelque peu manquer de précision, oublier qu'il appartient aussi aux patients d'être responsables - collectivement sur le niveau de prélèvements qu'ils acceptent et individuellement sur leurs comportements et leurs pratiques -, ainsi qu'aux pouvoirs publics qui doivent définir le niveau de prise en charge, c'est-à-dire le fameux panier de soins. »
Qu'ils trouvent ou ne trouvent pas leur compte dans l'intervention de Lionel Jospin, les médecins s'interrogent tous sur la valeur de ses paroles.
Vague promesse ? Engagement ferme et précis ? Chacun a son analyse ; mais la tendance générale est plutôt au scepticisme. Le Dr Costes, qui a engagé son syndicat sur la voie de la négociation avec l'équipe du Premier ministre, n'est pas le dernier à le mettre en garde : « Les choses commencent maintenant. La crédibilité du discours du candidat Jospin pourra être appréciée à la mise en uvre dans les prochains jours des promesses faites à Poitiers. » Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), a, quant à lui, déjà tranché : « Il n'y a pas plus électoraliste que le comportement de Lionel Jospin à notre égard. Cela n'est ni sérieux ni crédible. Le candidat Jospin commence à faire des promesses qu'en tant que Premier ministre, il aurait pu - et qu'il peut encore - réaliser. »
Jacques Reignault se pose, lui aussi, « beaucoup de questions » sur le décalage qu'il constate entre les actions concrètes de Lionel Jospin et son discours. Quant à Michel Chassang qui, avec le SML, orchestre depuis cinq mois la grève des généralistes, il attaque bille en tête : « Nous disons oui à un pacte de confiance, mais encore faut-il que cette confiance soit réciproque. Le Premier ministre est encore aux commandes, il a la possibilité de prendre aujourd'hui des décisions. C'est bien gentil de dire que le médecin de famille est le plus beau et le plus fort, c'est encore mieux de lui donner des gages de l'attachement qu'on lui porte ! »
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