L'AFFAIRE AVAIT largement été médiatisée. Le 12 décembre 2004, au cours d'une émission animée par Marc-Olivier Fogiel sur France 3, Jean-Marie Bigard décide de «balancer» deux médecins qui ont opéré son épouse pour un renouvellement d'implants mammaires, cinq mois plus tôt. «Oui, je balance parce que là elle a couru un risque vraiment énorme. C'est 10,rue Jacquin (…) C'est à Boulogne- Billancourt», lance-t-il, avant de jeter en pâture le nom des deux praticiens : «Et tant qu'à faire (…) je vais me faire plaisir, je vais balancer aussi les deux mecs qui s'en sont occupés (…) à mes risques et périls. Donc, c'est Sylvain Staub le chirurgien et l'anesthésiste s'appelle Joël Lalondrelle.» L'humoriste accuse les praticiens d'avoir commis des «fautes professionnelles» qui ont mis en péril la vie de sa femme.
Les praticiens de l'Institut européen de chirurgie esthétique et plastique se disent «scandalisés par le procédé. Nous avons été mis en cause par le mari d'une patiente qui a décidé de rompre le secret médical. Nous y sommes tenus et ne pouvons donc pas nous défendre».
Une expertise médicale ordonnée dans le cadre d'une plainte déposée au civil au tribunal de grande instance de Nanterre est en cours. Elle est vivement critiquée par l'humoriste, qui n'en reste pas là. Trois jours plus tard, Jean-Marie Bigard récidive sur Canal plus, dans le « Grand Journal » animé par Michel Denisot, et, un mois plus tard, toujours chez Fogiel et son émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », il entend utiliser sa notoriété pour faire «un procès médiatique».
Huit assignations.
«Outrés et choqués», les deux praticiens décident de saisir la juridiction civile. Et c'est avec «soulagement» qu'ils ont accueilli le jugement rendu le 2 avril par le tribunal de grande instance de Paris. Sept des huit assignations à l'encontre de Jean-Marie Bigard – une pour chacun des médecins et pour chacune des trois émissions au cours desquelles ils ont été cités et deux pour la clinique mise en cause sur France 3 – ont abouti. Pour cinq d'entre elles – trois pour le Dr Staub et deux pour le Dr Lalondrelle – l'humoriste est condamné à payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des propos diffamatoires tenus à l'encontre des médecins et à 2 000 euros pour les frais d'avocat. De plus, il devra payer dans la limite de 3 000 euros la publication du jugement dans un journal choisi par les plaignants. Pour avoir mis en cause la clinique, Jean-Marie Bigard est également condamné par deux fois, pour diffamation et injure, à 5 000 euros pour l'établissement, à 2 000 euros de frais d'avocat et à 3 000 euros de publication de la décision. Le jugement exécutoire l'oblige à verser au total – même en cas d'appel – près de 65 000 euros aux plaignants.
«Je suis soulagé. Nous avions été mis en pâture, confie le Dr Lalondrelle. C'était complètement injuste et je trouve que la justice a bien fait son travail.» L'anesthésiste-réanimateur, qui est aussi gérant de l'Institut, assure qu'à ses yeux le plus important reste le préjudice pour la clinique : «Je suis content pour l'équipe. Elle avait très mal vécu cette attaque violente et extrêmement négative.» Les conséquences délétères sur l'activité de l'établissement ont été prises en compte : messages injurieux provenant d'internautes, annulation d'interventions. «Je me mets à la place des patients. Pendant un an, cela a été difficile, même si les malades nous sont restés relativement fidèles», avoue le Dr Lalondrelle. La réaction est la même du côté du Dr Staub, qui salue la décision de justice et note avec soulagement que «le bouche à oreille des patients est plus fort que la diffamation télévisée».
Secret médical.
Au-delà de la condamnation, son avocat, Me Caroll Gossin, souligne la difficulté d'un tel procès : «Le problème est que l'on n'était pas face à la patiente mais face à son mari. Autant il existe des jurisprudences dans lesquelles un médecin qui a été diffamé par son patient peut se défendre, autant les cas dans lesquels une tierce personne intervient sont plutôt rares», reconnaît-elle. Aucune référence au dossier médical ni à l'expertise médicale n'était dans ce cas possible. D'un côté, il y avait les médecins soumis au secret médical, de l'autre, un époux qui pouvait être délié du secret. Dans les attendus du jugement, le tribunal note que rien n'empêchait l'accusé «de verser aux débats les pièces médicales si elles contenaient des éléments intéressants pour sa défense, d'autant plus qu'il ne prétend nullement que sa femme se serait opposée à une telle communication». Il ne l'a pas fait et à aucun moment l'expertise n'a pu être évoquée. A aucun moment non plus la responsabilité des médecins sur le plan médical n'a été évoquée – aucune plainte dans ce cens n'a d'ailleurs été déposée. «Le juge dans cette affaire a été clairvoyant et a bien compris les tenants et les aboutissants de l'affaire», conclut Caroll Gossin. Une décision qui rassure sur la possibilité laissée aux médecins de se défendre lorsqu'ils sont attaqués.
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