En fin de semaine dernière, Sciences-Po Formation continue et « le Quotidien » organisaient conjointement un séminaire de formation sur le thème « Les enjeux de la médecine libérale ». L'occasion de faire le point sur les dossiers d'actualité et de fond du moment, et ils ne manquent pas. Philippe Ulmann, maître de conférence au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), y est intervenu sur le thème « Les médecins sont-ils bien payés ? ».
On peut répondre à cette question que soulève le réel malaise exprimé par les médecins, affirme en substance Philippe Ulmann, à condition de savoir de quoi on parle : « Il ne faut pas confondre honoraires et revenus, et il convient de tenir compte du temps de travail des médecins », en général largement supérieur au temps de travail moyen français, même si de nouveaux comportements, en partie liés à la féminisation de la profession, commencent à se manifester.
De plus, insiste Philippe Ulmann, « il faut distinguer les médecins selon leur cadre d'exercice » : les hospitaliers cumulent parfois un traitement de fonctionnaire avec des honoraires privés, et, chez les libéraux, il convient de distinguer tout à la fois les généralistes des spécialistes, et le secteur I du secteur II. Sans oublier les médecins qui, dans les centres de soins, dans l'industrie pharmaceutique, dans les caisses d'assurance-maladie ou dans les mutuelles, sont purement et simplement salariés. Il n'empêche que, sur la période 1980-2000, le pouvoir d'achat (c'est-à-dire les revenus tempérés par la hausse du coût de la vie) des spécialistes libéraux a augmenté de 39,3 %, celui des généralistes libéraux de 21,1 %, et celui des hospitaliers de 68,4 % (1). Dans le même temps, et à titre de comparaison, le pouvoir de l'ensemble des non-médecins salariés du privé a augmenté pour la même période de 15,2 %, et celui des agents de l'Etat de 14,7 %. Les médecins ne sont donc pas trop mal payés, indique en substance Philippe Ulmann, même si ce jugement mérite d'être nuancé : selon la Direction générale des impôts, pour l'année 2001, les bénéfices non commerciaux des médecins généralistes les moins bien payés étaient de 12 345 euros, alors qu'ils atteignaient 143 401 euros pour les 10 % les mieux payés. Soit un rapport de un à douze, qui monte jusqu'à 18 pour les radiologues, et à 16 pour les gynécologues-obstétriciens. Ce qui signifie qu'il y a des médecins généralistes libéraux qui gagnent moins que certains infirmiers libéraux. Il y a même des kinésithérapeutes qui gagnent plus que certains radiologues.
Les médecins anglais privilégiés.
Une autre comparaison utile pour répondre à la question posée consiste à étudier le rapport entre les revenus des généralistes libéraux français, allemands et anglais. En 2002, si un généraliste français gagnait en moyenne 63 000 euros, il en gagnait 71 000 en Allemagne et 97 500 au Royaume-Uni, où, il est vrai, le mode d'exercice des généralistes est très différent de ce qu'il est en France.
Pour Philippe Ulmann, s'il est donc exact d'affirmer que les médecins français sont, dans l'ensemble, bien payés, le constat est à nuancer : ils effectuent un volume horaire important, ils ont dû au préalable effectuer de nombreuses et longues années d'étude, et, enfin, leurs premières années d'exercice sont rarement marquées par des résultats financiers satisfaisants.
(1) une hausse du pouvoir d'achat des hospitaliers que Philippe Ulmann attribue à leur très bas niveau de rémunération au début des années 1980.
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