EN FRANCE, il y a ceux dont les attentats de New York ont changé la vie, avec, nettement, un avant- et un après-11 septembre 2001 ; et il y a ceux qui, décidément, ont beau chercher, ils ne voient aucune modification de caractère médical, ni pour eux ni pour les passagers aériens.
Le Dr Arnaud Derossi, directeur médical de SOS-Assistance, l’une des entreprises leaders dans l’assistance aéronautique et les éva-san (évacuations sanitaires), fait partie des premiers. Pour lui, «aussi bien en termes de ressenti que de réel, la rupture a été nette. Et, observe-t-il, elle vient encore de s’accentuer après le démantèlement du réseau international qui préparait des attentats aériens à Londres: il nous faut repenser le concept de rapatriement sanitaire, surtout quand nous travaillons avec des pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Après l’interdiction des scalpels et des ciseaux, ce sont maintenant les liquides qui ne peuvent plus être embarqués en cabine. Des solutés de perfusions et autres kits thérapeutiques d’urgence doivent être transportés dans les soutes, ce qui est contraire à nos procédures usuelles. Nous devons négocier au cas par cas des autorisations, au gré des humeurs des personnels de sécurité au sol».
Un révélateur des inquiétudes.
Chez les passagers, le 11 septembre a certainement été «un révélateur des inquiétudes existantes, estime le Dr Derossi, augmentant les risques de déclenchement de crises de panique chez les personnes sujettes à la peur de l’avion et à la claustrophobie. De fait, la multiplication des téléconférences montre qu’une stratégie de substitution au transport aérien a été développée massivement ces dernières années par les risk managers , en réponse à cette nouvelle situation».
C’est un tout autre diagnostic que pose le Dr Patrick Rodriguez, médecin chef d’Air France. Pour lui, «des évolutions se sont nettement dessinées en matière de dispositifs de sécurité, mais rien, rigoureusement rien de médical n’est à signaler depuis les attentats. Même si vous reprenez le film des événements du 11septembre 2001, avec la fermeture des aéroports américains et le retour de nos appareils en France ou leur déroutement vers le Canada, une prise en charge médicale des passagers n’avait pas été nécessaire. Ils réclamaient une assistance logistique, en particulier des liaisons téléphoniques, pour pouvoir joindre leurs proches et nous n’avions pas eu la nécessité de proposer des traitements médicamenteux.»
«Depuis, assure le Dr Rodriguez, nous n’avons pas noté de changement notable dans les incidents médicaux en vol. Les derniers chiffres, qui portent sur la période avril 2005-mars 2006, soit un total de 5312accidents, se situent au niveau habituel, avec un pourcentage de troubles neuropsychiatriques comparable à celui qui était enregistré avant le 11septembre 2001, soit un score de 3%, dont la moitié concernant des crises épileptiformes.»
«Il n’en reste pas moins, observe le Dr Philippe Bargain, que les médecins qui travaillent dans les aéroports ont dû s’adapter à des mesures de sûreté qui ont été exacerbées.» Pour le chef du service de médecine d’urgence d’ADP (Aéroport de Paris, site de Roissy -Charles-de-Gaulle), «les personnels de santé qui, jusqu’au 11septembre 2001, dans leur culture professionnelle et personnelle, faisaient tranquillement l’impasse sur les règles de sécurité, se sont trouvés dans l’obligation d’en faire l’apprentissage. Simultanément, les personnels affectés aux PIF (postes d’inspection et de filtrage) ont intégré un certain nombre de notions médicales élémentaires, de manière que les uns et les autres puissent coopérer en bonne intelligence».
Un jour ordinaire ?
Le responsable des urgences de Roissy n’a pas observé d’augmentations des interventions pour motifs psychiatriques. «En fait, avec les grands phobiques, les manoeuvres d’évitement se déclenchent bien avant l’arrivée à l’aéroport, de sorte que, à la différence des chauffeurs de taxis, plus exposés, nous n’enregistrons pas une élévation du nombre des phénomènes de panique.»
Comme son homologue, le Dr Michel Clerel, qui officie pour sa part à Orly, «une sorte d’inquiétude est parfois palpable, qui ressort de l’irrationnel le plus total». Le Dr Derossi lui-même le rappelle, «le 11septembre 2002, date pour laquelle beaucoup avaient exprimé leur crainte d’une récidive, rien ne s’est finalement passé». Et rien non plus les trois 11 septembre qui ont suivi. Mais les experts internationaux s’accordent pour considérer que les réseaux islamiques et les hommes d’al-Qaïda, avec les indéboulonnables Ben Laden et al-Zawahiri, ont réussi à reconstituer des noyaux actifs et à faire revivre leur machine terroriste. Alors, forcément, confie le Dr Bargain, «le lundi 11septembre prochain ne pourra pas être un jour ordinaire. Nous penserons tous à l’anniversaire, au carnage des tours jumelles et notre vigilance sera plus active que jamais».
Avec moins de passagers qui prendront le risque de décoller ce jour-là ? Au service de presse d’Air France, on veut, quoi qu’il en soit des traumatismes et des commémorations phobiques, raison garder. Le même nombre de vols sous pavillon tricolore est programmé que pour n’importe quel jour de l’année, soit 1 700. Mais la compagnie assure ne pas disposer d’information sur leurs coefficients de remplissage.
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